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Terrifiant!

Par Carmenrob

L’adaptation cinématographique de La servante écarlate a ramené dans l’actualité ce livre de Margaret Atwood publié en 1985 et m’a donné le goût de le lire, moi qui ai toujours été éblouie par la plume de cet auteur. Et voilà qu’à court de lecture, je tombe dessus dans la bibliothèque de ma fille où je suis recluse pour travailler à mon prochain roman et, par la même occasion, garder ses deux chats.

Terrifiant!
Terrifiant vous dis-je ! Atwood nous offre une vision de l’avenir à faire dresser les cheveux sur la tête et qui renvoie pourtant des échos singuliers de l’ère qui est la nôtre. D’ailleurs, l’auteure situe les événements rapportés par la narratrice vers la fin du 20e siècle, aux États-Unis, plus précisément dans le Maine. Les guerres civiles sur fond de religion déchirent l’Amérique depuis qu’un groupe a pulvérisé le Congrès américain et pris le pouvoir. Prenant supposément appui sur la Bible, la dictature féroce qui règne sur ce qu’on appelle Gilead tente d’éradiquer les vices de l’Ancien Monde, mais aussi de faire face une situation dramatique d’infertilité des femmes (dans cette logique vicieuse, le problème ne peut venir que d’elles !), de mortalité et de malformation des bébés, conséquence d’accidents nucléaires et d’une très grave pollution. Pour ce faire, une division draconienne des rôles est imposée aux femmes, entre autres, les Marthas (celles qui se chargent des tâches ménagères), les Épouses, les Servantes. Ces dernières, entièrement vêtues de rouge, n’ont pour seule fonction que de procréer à la place des épouses infertiles. Ces esclaves (il n’y a pas d’autres mots pour traduire leur réalité) ont trois chances de réussite, après quoi, c’est l’expulsion vers les colonies pour s’occuper de trier des déchets toxiques ou nucléaires. Dans ce monde « utopique », les Servantes n’ont plus le droit de lire, d’écrire ou de parler entre elles. Elles perdent leur prénom au profit d’un autre qui réfère à leur rattachement à une maison et qui peut donc être repris par celles qui vont leur succéder en cas de suicide ou de disgrâce.

Dans cet univers irréel, le temps des Servantes se traîne entre les nombreuses heures d’oisiveté où elles sont confinées à leur chambre, les quelques courses occasionnelles en dehors de la maison qui les héberge, l’assistance à des pendaisons ou à un rare accouchement. Malgré tout ce qui est mis en place pour éradiquer la personnalité de ces femmes, Defred lutte intérieurement pour ne pas perdre tous ses repères, pour ne pas oublier son passé, sa mère, son mari, sa fille, dont elle a été coupée pour devenir procréatrice. Elle combat le découragement qui lui susurre de baisser les bras, d’accepter la mission qui est la sienne, le goût du suicide. C’est à travers son témoignage bouleversant que nous est dépeint l’enfer créé par les hommes qu’on appelle Commandants, gardé par une police intraitable et omniprésente (les Yeux) et défendu par une armée tout aussi redoutable (les Anges). Mais petit à petit, on sent se dessiner les failles, la résistance sourde et secrète d’un réseau, la nostalgie des choses du monde ancien, le besoin de tendresse et d’amour.

Je n’en dirai pas plus puisque de toute façon aucun résumé ne saurait rendre avec justesse l’atmosphère de ce roman magistral, son émotion intense, sa beauté formelle. Je ne peux que vous inciter à le lire.

Margaret Atwood, La Servante écarlate, Robert Laffont, 1987 (pour la version française), 511 pages


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