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Longue nuit sur la route

Par Jmlire
Longue nuit sur la route

" Le petit s'accrochait à sa veste et il restait au bord de la route et tentait de sentir la chaussée sous ses pieds dans le noir. Il entendait le tonnerre au loin et au bout d'un moment il y eut devant eux de vagues frémissements de lumière. Il sortit la bâche en plastique du sac à dos mais il en restait à peine assez pour les couvrir et au bout d'un moment il se mit à pleuvoir. Ils marchaient côte à côte en trébuchant. Il n'y avait aucun endroit où se mettre à l'abri. Ils avaient relevé les capuchons de leurs vestes mais les vestes étaient trempées et lourdes de pluie. Il s'arrêta sur la route pour rajuster la bâche. Le petit claquait des dents.

Tu es gelé, hein ?

Oui.

Si on s'arrête on va avoir très froid.

J'ai déjà très froid.

Qu'est-ce que tu veux faire ?

On peut s'arrêter ?

Oui. D'accord. On peut s'arrêter.

D'une longue suite de pareilles nuits ce fut une des plus longues de toutes celles dont il pouvait se souvenir. Il étaient allongés sur le sol trempé au bord de la route sous les couvertures avec la pluie qui tambourinait sur la bâche et il tenait le petit contre lui et au bout d'un moment le petit s'arrêta de trembler et au bout d'un moment il s'endormit. L'orage s'éloignait vers le nord et les grondements cessèrent et il n'y eu plus que la pluie. Il s'endormait et se réveillait et la pluie faiblissait et au bout d'un moment elle s'arrêta. Il se demandait s'il pouvait être déjà minuit. Il toussait et ça empirait et ça réveillait l'enfant. L'aube fut longue à venir. De temps à autre il se soulevait pour regarder vers l'est et au bout d'un moment il fit jour.

Il avait enroulé leurs vestes l'une après l'autre autour d'un mince tronc d'arbre et il les tordait pour les essorer. Il avait fait se déshabiller le petit et l' avait enveloppé dans une des couvertures et pendant qu'il attendait debout en grelottant il essorait ses vêtements et les lui rendait. Le sol était sec là où ils avaient dormi et ils s'assirent là drapés dans les couvertures et mangèrent des pommes et burent de l'eau. Puis ils partirent une fois de plus sur la route, voûtés et encapuchonnés et frissonnant dans leurs guenilles comme des moines mendiants partis quémander leur pitance. ..."

Cormac McCarthy : extrait de : "La route", Éditions de l'Olivier, 2008

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