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Luc Delfosse n'indaguera plus

Par Pmalgachie @pmalgachie
C'était un de ses mots préférés quand, à la rédaction du Soir, on se penchait sur un dossier: on va indaguer. C'était aussi une de ses singularités, plus rare qu'on ne l'attend chez les journalistes, d'aimer vraiment les mots. Comme de rire fort ou de gueuler presque aussi fort, parfois les deux presque en même temps. J'appréciais Luc Delfosse, dont j'apprends la mort à l'instant, il avait 66 ans et, ces dernières années, j'avais lu le recueil de nouvelles et le roman qu'il avait publiés. Et ta mère ! (2012) Delfosse n'indaguera plus Sept nouvelles où Luc Delfosse se dévoile bien plus qu’il ne l’a jamais fait dans ses articles. Un des textes, cependant, est paru dans Le Soir en décembre 2010. L’exil est situé avec autant de précision que de flou « 141 minutes avant l’explosion de la Belgique ». L’observateur de la vie politique y enjambe le réel et bascule du côté de la fiction. La démarche méritait d’être poursuivie, en abandonnant cette fois le terrain que l’auteur avait arpenté quand il était journaliste. Le voici donc à mettre en évidence les aspérités de la « vraie vie », avec ses moments de joie et ses détestations profondes, parfois de retour de l’une à l’autre nouvelle – si vous vous prénommez Yves, gardez-vous d’ouvrir ce livre, à moins d’avoir le cuir épais. Luc Delfosse écrit comme on lance des pierres, dans un léger déséquilibre qui fait avancer la phrase avec énergie, et tant pis si elle trébuche, un bon mot est toujours là pour redonner à l’ensemble un semblant d’organisation interne. C’est très réjouissant grâce à la mauvaise foi, parfois, et à l’intelligence contenue, toujours. Il est trop tôt pour dire qu’un véritable écrivain naît dans ce recueil. Mais la mise en jambes possède des qualités dont l’auteur devrait, au moins pour notre plaisir, faire encore usage.
Impasse du 30 février (2015) Delfosse n'indaguera plus Après les nouvelles remarquées d’Et ta mère !, Luc Delfosse franchit le cap du roman avec la même allégresse dans une écriture pleine d’audacieux dérapages. Le prénom de son héroïne, Marie-Arsule, est un hommage : sa mère place Regain, de Giono, au sommet de la littérature et elle y a trouvé une Arsule que sa fille méritait bien. Même si le prénom énerve tellement le père qu’il laisse l’état civil, à la très coloniale Elonda Bokakata, indiquer le 30 février comme date de naissance. L’impasse n’est pas définitive : Marie-Ursule, émancipée de ses parents par la grâce d’un accident, est une forte femme. Sa stature, qui l’avait fait surnommer la grosse jument en internat, se double de la capacité à trousser des nouvelles bourrées de clichés destinées aux lecteurs de « Notre Congo ». Mais les clichés, ici, rendent les armes sous les coups de l’écrivain.

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