Le domaine départemental de Sceaux propose jusqu’au 31 décembre une exposition d’oeuvres de Picasso qu’il ne faut pas manquer. Parce qu’elle est très bien conçue et parce que vous ne pourrez pas revoir certaines pièces, en particulier les dessins, avant plusieurs années. En effet les plus fragiles retourneront "au noir" au moins trois ans avant de pouvoir de nouveau être ressortis des réserves.Picasso devant la nature est un intitulé qui interroge. On connaît surtout l’artiste comme portraitiste et s’il appréciait les paysages c’était surtout lorsqu’ils étaient peints par d’autres que lui. Sa collection personnelle en a témoigné. Et pourtant la patiente recherche de Coline Zellal et Dominique Brême, qui sont les co-commissaires de l’exposition témoigne de l’importance des éléments naturels dans son œuvre.
Ils se sont interrogés sur cette et ont décliné quelques réponses, composant un parcours original avec les œuvres prêtées pour trois mois par le musée Picasso.
Une invention qui change tout, la photographiePicasso (1881-1973) n’a jamais cherché à imiter ou reproduire la nature telle qu’elle est. L’invention de la photographie au début du XX° l'a amené à considérer les choses sous un autre angle que ses prédécesseurs. Il est devenu inutile de chercher à copier la réalité. Il aurait déclaré : j'ai découvert la photographie. Je peux me tuer. Le rôle de l'artiste sera alors plutôt selon lui de faire émerger d'autres sensations. Et celles-ci seront fortes en raison de son tempérament éminemment subversif.
Mais il utilisera la photographie tout au long de sa vie et fera lui-même les tirages Plusieurs clichés réalisés par Picasso lui-même à Horta de Ebro, durant l’été 1909 témoignent de son intérêt pour les
paysages, alors même que le genre est peu représenté dans son œuvre. Ces clichés ont sans nul doute permis au peintre de dessiner ensuite différemment et de s'acheminer vers le cubisme. L’exposition présente plusieurs de ces dessins essentiels en les faisant dialoguer avec des dessins qu’il fit à la même époque, l’été 1909,En libérant le peintre de l’exigence de la ressemblance la photographie va le conduire à s’interroger sur la manière de représenter un espace en trois dimensions sur un support qui n’en a que deux. Son intérêt pour cet art ne faiblira jamais. Ce sera d’ailleurs le métier d’une des femmes de sa vie, Dora Maar.

Même si la lecture est difficile on peut apercevoir un tronc, des feuillages, et même un petit bout de ciel présent en haut de l’oeuvre.
Les rapports entre figure et paysageLe peintre se moque des paysagistes mais il a acquis un grand nombre d’œuvres de ce genre pour constituer sa collection personnelle, c'est dire combien il les apprécie.


Un peintre qui dessine en permanencePicasso n’est pas un énergumène ne sachant pas dessiner, comme certains ont voulu le laisser croire. Il a une très solide formation classique. Picasso travaille sans relâche et il faut savoir qu’il ne corrige jamais. Jamais il ne gomme, préférant reprendre à zéro, sur une nouvelle feuille. C’est pourquoi on dispose de milliers de dessins.


L'influence de Matisse est également perceptiblel'artiste témoigne d'une grande diversité des techniques, même dans le seul domaine du dessin, en combinant encres, craies, gouaches, et crayon. Il a aussi un sens très vif de la couleur qui éclate avec ses linogravures. Ce support était alors à la mode mais il lui donne une ampleur nouvelle dans une ton alité joyeuse et innocente. La série présentée dans l'exposition a été réalisée une cinquantaine d'années plus tard que les oeuvres précédentes.

Une autre linogravure attire l'oeil, datant de 1962, Tête de femme au chapeau / Paysage avec baigneurs, dont le double titre exprime que l'angle de vue détermine le sens. En l'imaginant avec une rotation de 90° on découvre un paysage qui se substitue au portrait.


Le bestiaire de PicassoEn 1936, sur une commande du marchand Ambroise Vollard, Picasso réalisa trente-deux illustrations animalières pour L’Histoire Naturelle de Buffon. Les commissaires en ont retenu dix-sept. L’emploi du grattoir et pointe sèche sur cuivre, rehaussé d'aquatintes au sucre permettent un jeu de lavis avec différents niveaux de gris.



La nature serait une rivale de l'artisteLa nature intéresse Picasso comme force de production du vivant. Il reconnait par exemple à la mer un talent de sculpteur mais il considère cependant la nature comme une rivale sur laquelle il va prendre le dessus. Par exemple en ajoutant quelques traits sur une pierre pour orienter le regard du spectateur. Son petit coup de pouce démontre la supériorité de l’artiste sur la nature. C'est ce que fait le promeneur en posant deux galets l'un sur l'autre.


La place de la femme-fleur dans la production artistique de PicassoPicasso est le créateur d’un monde en inventant des créatures qui n’existent pas dans la nature. Pour chacun de ses modèles féminins il créé un système de signes de reconnaissance, un alphabet des signes, comme s'il peignait les visages de l'intérieur. Françoise Gilot sera une grande fleur, certes déstructurée mais immédiatement reconnaissable.



Du 15 septembre au 31 décembre 2017
Musée du Domaine départemental de Sceaux
en collaboration avec le Musée national Picasso-Paris
Chateau du Parc de Sceaux (92)
8 Avenue Claude Perrault, 92330 Sceaux
Du 15 septembre au 31 octobre : 14h – 18h30
Du 1er novembre au 31 décembre : 13h – 17h
Le musée est ouvert tous les jours, sauf le lundi. Le musée sera fermé le 25 décembre.
