Adapté du roman de Pierre Lemaitre paru en 2013, Au Revoir Là-Haut d’Albert Dupontel est constamment tapissé par l’ombre de la Grande Guerre. Visuellement ambitieux, le film contient de nombreux moments à couper le souffle et nous embarque dans une époque reconstituée d’une manière pointilleuse sans oublier de lui donner un aspect fantasque cher au travail de Dupontel. Cependant l’adaptation d’un roman de plus de 600 pages donne parfois le sentiment que le film souffre de quelques manques, notamment au niveau de la caractérisation de certains personnages.
Le plaisir n’est pas gâché pour autant. Malgré quelques détails, Au Revoir Là-Haut est un travail remarquable au sein du cinéma français. Le film mixe des thèmes sombres et un humour qui plaira au grand public. Parfois surréaliste, mais surtout poétique, Albert Dupontel s’amuse avec les genres pour donner un résultat de haute volée, un divertissement de tous les instants.
En plus de la mise en scène, Dupontel s’offre le luxe d’interpréter un des personnages principaux de son histoire dans laquelle il narre en tant qu’Albert Maillard ce qui lui est arrivé pendant et après son temps dans les tranchées. Accompagné d’un autre soldat, Edouard Pericourt (Nahuel Perez Biscayart), il est envoyé au champ par l’impitoyable capitaine Pradelle (Laurent Lafitte). Durant une ultime bataille, il se retrouve presque enterré vivant et Pericourt se voit arracher la mâchoire. Après la guerre, les deux amis se serrent les coudes et Maillard prend soin de l’état de santé de Pericourt. Ce dernier est un artiste formidable, dont le talent n’a jamais été reconnu par son père (Niels Arestrup). Pericourt préfère jouer au mort, et échange son identité avec un mort tout en se cachant derrière des masques de sa propre invention.
Dupontel réalise un travail remarquable à condenser la narration et à couvrir les retombées de la guerre sur ses trois personnages principaux. Bien que le film fut tourné en haute définition, le travail du directeur de la photographie (Vincent Matthias) donne l’impression de se retrouver face à des images d’archive grâce à l’aspect autochrome. L’impressionnant champ de bataille du début de film ainsi que la reconstitution du Paris des années 20 renforce l’atmosphère imposée par l’écriture de Dupontel, appuyé au scénario par l’auteur du livre original.
Il se passe tellement de choses tout au long de l’histoire que le condensé semble un peu indigeste au moment du troisième acte. Tous les twists et détours empruntés pour lier les éléments aux uns et aux autres semblent parfois un peu précipités et donne l’impression que l’on manque des détails. Le risque est toujours encouru avec une adaptation littéraire et ici cela se ressent plus particulièrement du point de vue des personnages. Les secondaires sont trop évasifs comme celui d’Emilie Dequenne qui interprète la sœur de Pericourt ou encore le rôle de la servante Pauline, jouée par Mélanie Thierry. Le formidable casting compense toutefois ces manques de caractérisation. La prestation de Nahuel Perez Biscayart est encore une fois exquise après s’être fait tout aussi bien remarqué dans 120 Battements Par Minute. Pourtant caché par ses masques durant les trois quarts du film, il arrive à nous faire passer toutes ses émotions avec grâce.
Les masques créés par la maquilleuse des effets spéciaux, Cécile Kretschmar, valent à eux-seuls le détour. Emprunts d’étrangeté et de poésie, ils donnent une allure dramatique à la composition du comédien. Ils participent donc à la grande réussite d’Au revoir Là-Haut réalisé par un Albert Dupontel en grande forme tant il allie avec élégance des éléments tragiques, poétiques et surréalistes.
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