Partager la publication "[Critique] WE BLEW IT"
Titre original : We Blew it
Note:
Origine : France
Réalisateur : Jean-Baptiste Thoret
Distribution : Tobe Hooper, Fred Williamson, Michael Mann, Peter Bogdanovich, Paul Schrader, Peter Hyams, Ronee Blakley, Bob Rafelson, Charles Burnett, Jeff Lieberman…
Genre : Documentaire
Date de sortie : 8 novembre 2017
Le Pitch :
Alors que les États-Unis traversent une période électorale mouvementée en 2016, Jean-Baptiste Thoret décide de prendre la température de ce pays qui le fascine depuis toujours. Sur la route, il rencontre toutes sortes de personnes, des citoyens lambda et des grandes figures de la contre-culture des années 60-70, notamment issues du milieu du cinéma. Une croisée des chemins culturelle et temporelle…
La Critique de We Blew It :
« We blew it ». Cette phrase, conclusion aussi mystérieuse que sans appel du Easy Rider de Dennis Hopper, en a intrigué plus d’un de part les multiples sens que l’on peut donner à cette expression (on a foiré ? On a réussi ?). Parmi les nombreux cinéphiles qui se sont penchés sur la question, un en particulier n’a pas lâché l’affaire : Jean-Baptiste Thoret. Essayiste, animateur, critique de cinéma émérite, réalisateur, spécialiste du cinéma américain des années 70 (auquel il a consacré un ouvrage de référence), il fut le premier à écrire sur Carpenter et Argento en France. En bref, c’était l’homme de la situation. Thoret qui a donc décidé de relancer ce fameux questionnement à l’heure où les États-Unis traversent une période clivante et critique.
Accross the borders
Le film décide donc de s’intéresser au passé, pour mieux éclairer le présent. Il adoptera une structure et un propos construit en miroir : célébrités/anonymes, fiction/documentaire, cinéma/réalité, utopie/amertume… Le film prend la forme d’un road movie éclaté, faisant du pays traversé une sorte de paysage mental et mettant en exergue les nombreuses fractures qui le divisent. On est surpris de la richesse du propos, qui va bien au-delà du cinéma.
Sweet 70’s
Les points de vue exprimés dans le film sont multiples, parfois contradictoires. On perçoit de nombreuses nuances et le discours sur la nostalgie a quelque chose de rassurant en ces temps de culture doudou. L’effacement du réalisateur derrière son sujet est salvateur. Jamais vous ne le verrez ou ne l’entendrez, mais vous voyagerez dans ses yeux, à travers son regard acéré. Et quel regard ! Filmé en Cinemascope, 35mm avec des optiques anciennes, permettant de retrouver le grain de l’image cher à Robert Altman, il nous offre une vraie virée, pleine de couleur vives, d’ombres intenses et d’aspérités merveilleuses.
They blew it
Évidemment, la liste des intervenants est un argument en faveur du film. En mettant côte à côte Michael Mann, Charles Burnett ou Paul Schrader on attire forcément le chaland. Mais ces diverses rencontres ne sont pas qu’un argument commercial. Elles sont insérées dans un propos plus vaste et parfois mis en scène. Fred Williamson et son entrée de champ en chemise ouverte, un cigare à la bouche ou Peter Bogdanovich écrasé par les immeubles de Miami sortant de la nuit tel un ermite nous offrent des moments passionnants. Tout comme les « simples citoyens » qui ont beaucoup à dire, qu’il s’agisse de commerçants, de vétérans ou d’animateurs radio, chacun apporte sa pierre, ponctuant les errances de Thoret sur ces voies en perpétuelle évolution et pourtant en partie inchangées. Le mot de la fin revient au regretté Tobe Hooper, sortant de la nuit tel un ermite, et qui finira par prononcer les mots fatidiques. Car mieux que lui concrétise la complexité des années Vietnam, la fin du flower power et les utopies avortées qui vont avec ? Il nous laisse là, désemparés mais grisés par ce périple qui échappe aux conventions
En Bref…
We Blew It est un voyage passionnant et nécessaire, qui donne envie de se plonger dans le cinéma américain, d’hier, aujourd’hui et demain…
@ Sacha Lopez
Crédits photos : Lost Films