L'histoire s'apparente à un documentaire de part sa forme (ensemble de témoignages, exposés, interviews). Si cela m'a paru un peu déroutant au départ, je suis entré petit à petit dans cette histoire que je ne connaissais absolument pas, celle de l' Deux scientifiques mettent au point un procédé révolutionnaire permettant de retourner dans le passé. Une seule et unique fois par période visitée, pour une seule et unique personne, et sans aucune possibilité pour l'observateur d'interférer avec l'objet de son observation. Une révolution qui promet la vérité sur les périodes les plus obscures de l'histoire humaine. Plus de mensonges. Plus de secrets d'État.( présentation de l'éditeur) L'Homme qui mit fin à l'histoire est le premier texte que je lis dans la collection Une heure lumière des éditions Le Bélial. Une grande claque pour un auteur que je viens de découvrir. unité 731, un projet japonais de recherches bactériologiques qui a permis des
L'Unité 731 est aujourd'hui reconnue responsable de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. L'État japonais ne reconnaît son existence que depuis 2002 .
expérimentations sur des cobayes humains chinois à grande échelle de 1933 à 1945.
Autant vous dire que le récit devient saisissant et très dur.
Ken Liu nous fait réfléchir très habilement sur notre devoir de mémoire en prenant comme prétexte le voyage dans le temps. Ce qui n'en fait pas une histoire futuriste mais paradoxalement une histoire actuelle et nécessaire.
En effet, plusieurs personnes se sont portées volontaires pour retourner dans le passé et connaître la vérité, la décrire afin d'apporter la preuve irréfutable de ce qui s'est réellement passé. Les témoins sont ainsi impliqués au même titre que les scientifiques dans cette recherche historique et sont placés au cœur du sujet que Ken Liu porte admirablement pour éveiller nos consciences.
Mais si l'on maîtrise les faits historiques avec ce voyage temporel, ne risque t-on pas de mettre fin à l'histoire et à toute découverte de la vérité historique ?
La vraie mémoire, il ne saurait y avoir de vraie réconciliation. Sans vraie mémoire, les individus de chaque nation n'ont pas pu ressentir ni se remémorer la souffrance des victime. Individualiser le récit que chacun de nous se fait des événements est un prérequis avant de pouvoir s'extirper du piège de l'histoire. Telle était, dès le départ, la nature du projet nous rappellent les scientifiques.
L'Homme qui mit fin à l'histoire est aussi une formidable réflexion sur le métier d'historien, les questionnements éthiques et juridiques de notre génération face au passé.
L'histoire est affaire de narration. Dire les histoires vraies qui affirment et expliquent notre existence, telle est la tâche de l'historien. mais la vérité est délicate et elle a des ennemis. Voilà pourquoi, même si nous autres, universitaires, dons la rechercher, nous prononçons rarement le mot "vérité" sans adjoindre des ornements et des réserves.
Le fait que nous en détenions jamais un savoir total, idéal, ne nous absout en rien du devoir moral qui nous incombe de prononcer un jugement et de prendre position à l'encontre du mal.
Une novella intense, dense et d'une grande intelligence qui bouscule et nous rappelle l'importance capitale de n e plus nier notre capacité en tant qu'Homme à faire le mal, qui nous permet de retrouver notre humanité à travers la reconnaissance des victimes et des atrocités des guerres.
L'Homme qui mit fin à l'histoire - Ken Liu - traduction de l'anglais de Pierre-Paul Durastanti - Collection Une heure lumière - Le Bélial - 2016.