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La victime

Publié le 13 novembre 2017 par Le Journal De Personne

Dièse :

Nous sommes le 13 novembre... Le moment qu'on a choisi pour souffler sur les braises... bonjour Diotime !

Diotime :

Bonjour Dièse

Dièse :

Pas la peine de vous présenter, tout le monde sait qui vous êtes... Diotime, la victime des victimes.

Diotime :

Oui je suis la victime... et je n'y suis pour rien, c'est une question de conscience intime...

 

Dièse :

Si je puis me permettre de tirer les choses au clair : votre DOULEUR est paradoxale... vous avez survécu à un attentat et vous regrettez d'y avoir survécu ??? Je ne comprends pas.

Diotime :

Oui j'ai vu mourir, je n'ai plus envie de vivre... c'est comment dire ? un abîme. Je pleure et je m'endors. Je me lève et je pleure... Dans mon mal, il y a quelque chose d'irréversible : je vais devoir vivre sans pouvoir vivre... mon sort est pire que la mort... c'est invivable.

Dièse :

Certains osent dire que vous faîtes contre bonne fortune, mauvaise rancune. Autrement dit, pourquoi vous ne vous dîtes pas que vous l'avez échappé belle ?

Diotime :

Parce que c'est irréel. Je n'ai pas choisi de broyer du noir, c'est le noir qui m'a broyé.

Dièse :

C'est pour cette raison que vous écrivez : "il n'y a pas de survivants après ce genre d'attentat mais seulement des morts vivants" ?

Diotime :

Oui, je veux dire que les monstres nous ont raté de peu comme on dit... ils nous ont rendu monstrueux... atteints comme eux.

 

Dièse :

C'est à peine croyable... mais je saisi l'ampleur du désastre. Mais est-ce qu'au moins, vous comprenez ce qui vous est arrivé ?

Diotime :

Il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir pardonner... même en songes, je ne suis jamais parvenue à passer l'éponge...

Une fois imprimé, ce genre de mal ne peut être supprimé... je ne suis plus que mémoire.

 

Dièse :

Et pourtant, j'ai beau feuilleter votre livre, ce ne sont pas les terroristes que vous incriminez ???

Diotime :

Je condamne surtout le pouvoir qui les utilise ou favorise leur recrudescence... quand on pousse quelqu'un à tirer dans le tas, je regarde l'État qui est derrière.

Dièse :

Vous revisitez donc complètement le concept de victime... ce n'est pas ce que l'on croit ?

Diotime :

Oui, j'écris ou je décris l'état des lieux après un attentat. Je ne dis pas que c'est le cas de tous les rescapés, mais c'est mon cas, mon sentiment intime : je me sens, comment dire, coupable de ce qui m'est arrivé, de voir la mort de si près et d'être incapable de l'empêcher... ce n'est pas le courage mais le hasard qui m'a épargné... peut être pour que je témoigne: qu'on s'est laissé faire, non par les demeurés mais par ceux qui demeurent derrière, qui vont commémorer les morts et faire semblant de pleurer sur leurs sorts !

Dièse :

Vous restez persuadée que nous y sommes pour quelque chose ? Vous n'avez pas parfois l'impression de délirer un peu ?

Diotime :

Dans ce cas, il faut m'arrêter, parce que je me sens réellement complice de ces tarés... d'avoir voté pour ceux qui les ont armé ou provoqué... on prie pour la paix des âmes tout en poursuivant la guerre contre l'islam... il faut savoir ce qu'on veut.

Dièse :

En deux mots pour conclure : qu'est-ce qu'une victime ?

Diotime :

Ce n'est pas le mort, mais le remord de celui qui se dit : mea culpa.

Je suis coupable de n'avoir rien fait contre les vrais coupables... la main invisible !


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