Ecrit et interprété par StanCo-écrit et mis en scène par Elsa Granat
Présentation : Il est atypique, bizarre, danseur, diseur et incarne tout ce qui lui passe à l’esprit.Dans sa folie douce, il comprend ce que ressentent la Joconde et les femmes enceintes. L’empathie chez lui n’est pas un vain mot, c’est une façon de vivre.Ce qui bouillonnait en lui a trouvé sa place sur une scène de théâtre. Un des rares endroits où ce qui nous plombe peut devenir de l’or…
Mon avis : Lorsqu’on monte à bord d’une péniche, c’est avec l’envie de se laisser embarquer. Surtout quand il s’y joue un spectacle. Et que c’est Stan qui est sur Seine. Avec lui, si notre corps reste amarré à la rive et se laisse mollement balancer par le passage d’un bateau-mouche, notre esprit, en revanche, a tôt fait de prendre le large et de voguer sur son flow.
Il n’est pas aisé de définir ce one man show en quelques mots. Trop riche, trop varié, trop surprenant. Stan, c’est Monsieur Plus. Il danse comme son dieu, Michael Jackson, il fait des imitations, il prend des accents et des voix bizarres, il incarne toute une galerie de personnages aussi barrés qu’attachants et, surtout, il PARLE. C’est un « Stankhanoviste » du verbe.
Il nous offre un véritable patchwork très intelligemment élaboré. Il consacre grosso modo le premier tiers à nous raconter sa vie, son parcours, ses rencontres : études de théâtre classique, son passage – il faut bien gagner sa vie – aux Galeries Lafayette, les collègues hauts en couleurs qu’il y a fréquentés, jusqu’à son choix définitif, devenir humoriste. Sa profession de foi est désarmante d’honnêteté : « J’ai une vie de merde, je la raconte, et les gens rigolent ! ». Dit comme ça, c’est un peu minimaliste mais, en réalité, il va apporter dans cette discipline du Seul en scène tout ce qui l’a construit humainement et artistiquement. Sa formation de comédien, son goût très prononcé pour l’art, ses modèles, son sens aigu de l’observation du monde qui l’entoure, et son empathie.L’empathie ! Le maître-mot est prononcé… Comme elle est viscérale chez lui, elle l’encombre souvent et le gêne aux entournures. Si bien que, paradoxalement, de cette foutue empathie, il en pâtit. Pourtant, cet aveu ne reste qu’un constat car, comme il a décidé de tout tourner en dérision, il préfère en rire et en faire rire.Stan est un drôle de bonhomme. Très drôle même. Avec son léger accent chantant, sans cesse en mouvement, il partage avec nous à la fois ses expériences simples et banales, ses rêveries les plus loufoques, et son amour pour les œuvres d’art, qu’elles soient picturales, sculpturales ou littéraires. Sans aucun complexe, il convoque ainsi Tchekhov, Shakespeare, Molière, Cyrano de Bergerac, Rimbaud… C’est à peu près la thématique du deuxième tiers de son spectacle. Là, son empathie se fait mimétique car il se glisse dans la peau et le cerveau de deux icônes du Louvre, La Joconde et la Vénus de Milo… Lorsqu’il nous livre les pensées intimes et les frustrations de Madame Joconde, on ne sait plus si c’est de l’art ou du (un petit peu) cochon. En nous faisant prendre De Vinci pour des lanternes, il nous éclaire sur les tristes conditions de vie des œuvres d’art… Quant à la Vénus, la belle Hellène, elle ne peut pas rester de marbre devant son infirmité qui la rend impuissante à s’opposer aux désirs qu’elle suscite : pas de bras, pas de chocs au lit !…Il va même encore plus loin dans ses élucubrations en donnant la vie à sa chaussure droite. Mais je vous laisse en découvrir tout le sel. On ne s’en lasse pas.Enfin, il entame la troisième partie de son spectacle avec une plainte teintée de révolte : « J’ai mal à l’orthographe » ! S’indigne sur la dérive du langage, il fait défiler devant nous son carnaval des amis-mots. Comme les mots filent, il leur administre une prise de sens. Et cet obsédé textuel va encore plus loin en les personnifiant. Ah, les trois petits points ! Si primesautiers, si espiègles… Et nous de sommes pas encore au bout de nos (bonnes) surprises. Comme tout Méditerranéen qui se respecte il nous offre un pastiche. Et pas n’importe lequel. Avec lui, la fameuse tirade du nez de Cyrano se métamorphose en tirade du bedonné. Un exercice de style absolument étourdissant. Puis, en toute logique (du moins sa logique à lui), il lui associe le rap du nouveau né. C’est aussi intelligent que drôle. Voici là un spectacle qui rime vraiment à quelque chose.Stan a tout pour lui. Il est sympathique, généreux, charismatique, exubérant, hyper doué. C’est aussi un remarquable auteur. Son texte est délivré et interprété avec tant de simplicité et de facilité qu’on en oublierait presque l’immense travail d’écriture que cela représente en amont. Ce n’est pas le dormeur en aval qui me contredira car les spectateurs débarquent de ce bateau ivres de plaisir…Gilbert « Critikator » Jouin