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"L'Obsédé" John Fowles

Par Woland

The Collector Traduction : Solange Lecomte

Bien avant qu'il ne fût à la mode d'explorer les méandres sanglants de l'imaginaire des psychopathes sexuels, John Fowles eut l'idée de dépeindre l'un d'eux et sa victime, enfermés dans une vieille maison de la banlieue londonienne. Comme son personnage principal avait, tout enfant, monté une collection de papillons - parmi lesquels il confessait un grand faible pour les spécimens frappés de mutations génétiques, les "aberrations", selon le terme d'usage - l'écrivain trouva son titre presque immédiatement : "The Collector."

Certains ont évoqué, à propos de ce roman bien particulier, la "Lolita" de Nabokov. On le comprend mal, et même pas du tout car si Humbert-Humbert, tout pédophile qu'il soit, parvient malgré tout à émouvoir le plus récalcitrant de ses lecteurs, Frederick l'Obsédé ne nous atteint pas. Le talent de Fowles, même s'il est à mille lieues de la poésie flamboyante de Nabokov, n'est pas en cause : en fait, le romancier n'a pas souhaité autre chose. Pédophile improbable, Humbert-Humbert a encore un coeur, fût-il monstrueux ; le personnage de Fowles, lui, glaçant de réalisme, n'a plus, quand on le quitte, rien d'humain.

La construction du récit nous permet d'accéder aux deux points de vue, radicalement antinomiques, des deux "héros" : Frederick, qui s'est rebaptisé Ferdinand par référence au duo d'amants, Ferdinand/Miranda, d'une pièce de Shakespeare, et Miranda, sa victime, qui, tout au fond d'elle-même, finira par le surnommer Caliban.

La partie dévolue à l'Obsédé est de loin la plus impressionnante car, avec une grande habileté, Fowles nous le fait voir, glissant d'un état où, malgré tout, il ressent encore un peu de culpabilité jusqu'à celui où, après la mort de la jeune femme, cet esprit malade envisage, avec un sang-froid absolu, aussi simplement que s'il envisageait d'aller faire ses courses le lendemain au marché du coin, de réitérer l'expérience avec une partenaire qui, cette fois, se montrera plus docile.

L'impuissance sexuelle du personnage, son désir de la masquer sous une volonté de "pureté" aux fortes connotations religieuses, sont évidemment à l'origine de sa perversion. Comme dans tant d'autres histoires, réelles ou imaginées, du même type, on retrouve également une Image maternelle extrêmement ambiguë.

Au texte, on pourra reprocher quelques longueurs - surtout dans le Journal de Miranda mais, après tout, la jeune fille, emprisonnée dans la cave de la maison, doit bien occuper son temps, n'est-ce pas ? - quelques digressions sur l'art et la philosophie. Il pourra aussi déconcerter par sa sécheresse quasi clinique. Mais, tout compte fait, n'était-ce pas l'effet recherché par l'auteur ? Et Frederick et Miranda ne sont-ils pas, dans notre bibliothèque, comme deux spécimens que nous observons au travers d'un prisme littéraire, uniquement pour notre plaisir de lecteur-voyeur ? ...

Un livre dérangeant. A plus d'un titre. ;o)


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