Les éditions Champ Vallon publie La venue (2003-2004), huitième recueil de Liturgie, le journal en sonnets de Robert Marteau.
Poezibao a choisi trois sonnets dont un daté du 22 novembre (2006)
J'aime les jardins quand ils sont silencieux,
Éventuellement décorés d'une rose
Ou d'un merle en dessous du laurier ; quand les hêtres
Deviennent roux et les bouleaux dorés. Ne dites
Pas ce qu'à vos yeux sont la nature et l'esprit ;
Écoutez le silence où se fait la musique
Sans prétendre y figurer vos impressions.
Entre nous et le ciel il y a les nuages,
La plume de ceux qui volent sous les étoiles
Se nourrissant des saisons du soleil. Nos pas
Ne laissent pas d'empreinte où nous posons le pied,
Tel est le propos des muses qui ont laissé
Derrière elles un vide inoccupé que rien
Plus ne convoite à l'heure où la lumière tombe.
Samedi 18 novembre 2006.
Au-dessus des champs nus la grolle polyglotte
Se met en quatre escalade à coups d'ailes noires
Pluie et nuages où l'alouette a du mal à
Chanter suspendue en dessous le gui aux branches
S'agrippe rien plus qui tienne en lambeaux tout pend
Jusqu'aux labours dont les venants luisent mouillés
Sans autres oiseaux mais entre les entrelacs
Un clocher un coq en haut qui signe le vent
Fouet rafale où la feuille ultime tremble dans
Le noisetier et pourpre aussi sur la ronce en
Guerre contre la saison et l'intempérie
Accrochée au ciel qu'elle abat plus bas que terre
Pour ainsi dire nié contre toute attente
Du cœur et de l'ouïe et de chacun des sens.
Mercredi 22 novembre 2006.
Beaux arbres levés sous le ciel. Bruants qui volent.
Entre les branches, des toits. Lumière vers l'ouest.
Une vache meugle où on voit des peupliers
Habillés seulement de brindilles. Il y
A du bois coupé, un ruisseau et une haie
Qui borde le chemin où le vent d'ouest agite
Les feuilles jaunes qui résistent et s'obstinent.
Je palpe presque les grands nuages qui montent,
S'étalent, et les guérets déserts sont dessous
Jusqu’aux limites. Dans un accroc, la lumière.
Sans brillance : notre étoile au-delà des nues.
Comme des encres ici et là-bas lavées,
Un feuillage, un bouquet, un buisson, une touffe
Parce que c'est l'heure à laquelle vient la nuit.
(…)*
dimanche 26 novembre 2006
Robert Marteau, La venue, (Liturgie VIII 2006-2006), éditions Champ Vallon, 2017, à paraître le 7 décembre, 192 p., 16€. Lire les quatre premières pages du livre
*deux autres sonnets à cette même date.
Robert Marteau est né le 8 février 1925, en Poitou, dans un village de la Forêt de Chizé et décédé à Paris le 16 mai 2011.
Son œuvre est importante et multiforme : il a publié de nombreux recueils de poèmes (Royaumes en 1962, Travaux sur la terre en 1966, Vigie en 1987, Fragments de la France en 1990, Liturgie en 1992, Louange en 1996, Registre en 1999, Rites et offrandes en 2002…), des romans (Pentecôte, Le Jour qu'on a tué le cochon, Des chevaux parmi les arbres…), des ouvrages en prose (Voyage au verso, Fleuve sans fin, Journal du Saint-Laurent, Sur le motif…), des textes sur la peinture (Le Louvre entrouvert, Le Message de Paul Cézanne)…
Il a aussi publié des traductions, notamment de l'espagnol et de l'anglais.
Il a reçu le Prix de poésie Charles Vildrac de la Société des Gens de Lettres 2003 à l’occasion de la parution de son recueil Rites et offrandes et il a été décoré du Grand Prix de poésie de l’Académie française en 2005. (site de l’éditeur)