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Déchets : l'administration doit prendre en compte l'objectif d'évitement du recours au tri mécano-biologique (CAA Bordeaux)

Publié le 22 novembre 2017 par Arnaudgossement

Par un arrêt n°16BX00688 du 14 novembre 2017, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que l'administration est tenue de prendre en compte l'objectif consistant à donner la préférence accordée par le législateur à la généralisation du tri à la source et à éviter le recours au tri mécano biologique.

Pour mémoire, par un jugement du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a annulé une autorisation d'exploiter une unité de valorisation de déchets non dangereux par tri mécano-biologique.

Ce jugement a été frappé d'appel devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

La prise en compte de l'objectif consistant à donner la préférence ainsi accordée à la généralisation du tri à la source et à éviter le recours au tri mécano biologique

A la suite de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l'article L.541-1 du code de l'environnement définit, parmi d'autres, l'objectif suivant :

"La généralisation du tri à la source des bio-déchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d'ordures ménagères résiduelles n'ayant pas fait l'objet d'un tri à la source des bio-déchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l'objet d'aides des pouvoirs publics."

Ainsi, pour le législateur :

- il convient de généraliser le tri à la source des biodéchets ;

- il convient d'éviter le recours au tri mécano-biologique.

Il convient de souligner que le juge n'était pas saisi de la question de savoir si le tri mécano-biologique est ou non contraire à l'objectif de tri à la source : ce débat a été tranché par le législateur.

Partant, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a écarté deux interprétation de ces dispositions :

- d'une part, ni l'administration ni le juge administratif ne peuvent ignorer un objectif fixé par une loi au motif qu'il serait rédigé en termes imprécis. L'arrêt précise donc qu'il convient de " prendre en compte" cet objectif : " Il résulte des dispositions de l'article L. 512-14 du code de l'environnement que les décisions d'autorisation d'exploiter des installations classées pour la protection de l'environnement intéressant les déchets doivent prendre en compte les objectifs visés à l'article L. 541-1 du même code".

- d'autre part, il est exact que ces dispositions ne fixent pas une interdiction générale et absolue. C'est donc, classiquement, au cas par cas, que l'administration et le juge vérifieront si le recours au tri mécano-biologique est ou non pertinent en gardant à l'esprit que le législateur a exprimé sa préférence pour que soit éviter le recours à cette technique.

Sur ce deuxième point, l'arrêt précise :

" Il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires, que la préférence ainsi accordée à la généralisation du tri à la source doit, en principe, conduire l'autorité administrative à rejeter les demandes d'autorisations de nouvelles installations de tri mécano-biologique."

La Cour administrative d'appel de Bordeaux n'impose donc pas, dans son arrêt, une interdiction générale et absolue qui ne saurait en effet être déduite de la lettre de la loi relative à la transition énergétique.

L'analyse cas par cas de la compatibilité d'un projet avec l'objectif défini à l'article L.541-1 du code de l'environnement

C'est donc au terme d'un considérant 11 trés détaillé que la Cour administrative d'appel de Bordeaux livre son analyse de la compatibilité du projet en cause avec l'objectif dont la portée vient d'être précisée :

" 11. Pour justifier de la légalité de l'autorisation contestée au regard de la préférence accordée à la généralisation du tri à la source, la société X et le SMTD X se prévalent de ce que cette unité de tri mécano-biologique permettra de mettre fin à la nécessité actuelle de faire traiter les déchets ménagers du département des Hautes-Pyrénées sur des sites extérieurs au département en contradiction avec l'objectif de proximité, également fixé par l'article L. 541-1 du code de l'environnement. Toutefois, cet objectif de proximité est nécessairement également satisfait par l'objectif prioritaire de traitement des déchets par tri à la source. Ils font également valoir que la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a, dans son avis sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, mentionné que les collectivités locales les plus vertueuses, qui ont mis en place le tri à la source, peuvent vouloir valoriser jusqu'au dernier kilo de déchet organique, et que, dans ces cas-là, les installations de tri mécano-biologique sont pertinentes et indiquent que le département des Hautes-Pyrénées s'est engagé dans une politique de tri à la source des bio-déchets en proposant à ce jour à 97 % de la population du département des solutions de compostage de proximité. Toutefois, l'unité de B., dans sa configuration autorisée, procédera au traitement par tri mécano-biologique d'ordures ménagères n'ayant pas fait l'objet d'un tri à la source des bio-déchets. Si le site d'implantation comporte une réserve foncière prévue pour la mise en oeuvre d'un traitement des bio-déchets ayant ainsi fait l'objet d'un tri à la source, une telle évolution éventuelle de l'installation nécessitera une nouvelle autorisation au regard du droit des installations classées pour la protection de l'environnement et ne peut, dès lors, être prise en compte pour l'appréciation de la légalité de l'autorisation délivrée. Enfin, les seuls extraits de l'étude confiée par le conseil départemental des Hautes-Pyrénées aux bureaux d'études Y et Z, produits par la société X, qui se bornent à indiquer, au titre des avantages de la solution de tri mécano-biologique, qu'il permet un taux de récupération des matières organiques de 60 % au minimum alors que la collecte sélective n'en récupère au mieux que 30 % et que les matières organiques récupérées après tri mécano-biologique ont des caractéristiques plus favorables à un traitement par méthanisation, ne sont pas de nature à remettre en cause l'énoncé, par les dispositions précitées du code de l'environnement, de la hiérarchie en matière de prévention et de gestion des déchets selon laquelle le tri à la source doit être préféré au tri mécano-biologique. Aucune des circonstances invoquées n'est ainsi de nature à justifier qu'il soit en l'espèce dérogé à la préférence à accorder à la généralisation du tri à la source. Dans ces conditions, la création de l'unité de valorisation de déchets non dangereux de B. n'est pas compatible avec la hiérarchie des modalités de gestion des déchets préconisée par les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'environnement."

C'est donc au terme d'une analyse in concreto des justifications présentées par les porteurs du projet que la Cour s'est prononcée sur la compatibilité de ce projet en particulier avec l'objectif d'évitement du recours au tri mécano-biologique.

L'illégalité de l'autorisation d'exploiter litigieuse est confirmée.

Il n'est bien sûr pas de notre propos de nous prononcer sur le caractère bien fondé de cette analyse de la Cour qui procède, rappelons-le, des pièces versées devant elle au cours de la procédure d'instruction. Le présent commentaire n'a pas vocation à prendre position dans un débat sur le TMB qui, au demeurant, n'intéresse pas davantage le juge administratif.

L'intérêt de cet arrêt, qui fera peut-être l'objet d'un pourvoi en cassation tient à ce qu'il met en lumière la manière dont la Cour a entendu "prendre en compte" l'objectif fixé par la loi.

Arnaud Gossement

Avocat associé - cabinet Gossement Avocats

A lire également :
Note du 30 mars 2016 - Déchets : annulation d'une autorisation d'exploiter une unité de traitement mécano-biologique (TA Pau)

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