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Un billet de Nadège : La femme qui fuit

Publié le 27 novembre 2017 par Adtraviata

Un billet de Nadège : La femme qui fuit

Tu as fait un trou dans ma mère et c’est moi qui le comblerai.

Cette phrase, comme un coup de poing, est écrite par Anaïs-Barbeau-Lavalette et s’adresse à Suzanne Meloche, la grand-mère qu’elle n’a jamais connue, à peine croisée. La première fois, Anaïs Barbeau-Lavalette était naissante ; la deuxième, la petite fille observe une femme déposer une enveloppe dans la boîte aux lettres familiale ; la troisième et dernière fois, la jeune femme se laisse entraîner par sa mère à rendre une visite impromptue à Suzanne qui les laisse entrer un peu malgré elle.

Quelle surprise, donc, d’apprendre que Suzanne Meloche a inscrit sur son testament ses enfants et petits-enfants qu’elle n’a jamais voulu connaître. Anaïs Barbeau-Lavalette se retrouve à vider la maison de cette grand-mère qu’elle n’a pas appris à aimer et c’est en tombant sur la photo d’une femme qui lui ressemble, à genoux, entourée d’un groupe de jeunes Noirs et Blancs, et portant la légende  « Freedom riders, political protest against segregation » qu’elle commence à s’interroger sur ce personnage.

A partir de cette image, l’auteure part en quête de cette femme qui a fui toute sa vie le moindre attachement et qui, pourtant, n’a jamais cessé de chercher à « faire partie » d’une communauté. En arrivant à Montréal, elle fera, entre autres, la connaissance de Claude Gauvreau (poète, dramaturge), Paul-Emile Borduas (peintre, sculpteur) et Marcel Barbeau (peintre) qu’elle épousera et avec lequel elle aura deux enfants – Mousse (la mère d’Anaïs) et François – qu’elle abandonnera. Suivront des années d’errance, de fuite, comme un mouvement implacable, une impossibilité à se fixer, à rester, à s’investir dans une relation.

Anaïs Barbeau-Lavalette dessine le portrait d’une femme étrange, filante, glissante. Une femme qui échappe sans cesse, une femme qui semble, par-dessus tout, avoir peur de se perdre. Peur de se laisser toucher, envahir. Une femme qu’on ne peut comprendre, mais qui apparaît tout en nuances, en hésitations. Qui s’empresse de partir en courant dès qu’elle fait un pas en avant vers ceux qui l’attendent, ceux qui voudraient la garder près d’eux. Comme un oiseau qui craindrait de voir se refermer sur lui une cage dorée, qu’il souhaite et fuit à tire d’aile aussi vite.

La femme qui fuit, Anaïs Barbeau-Lavalette, Ed. Marchand de feuilles

Un billet de Nadège : La femme qui fuit


Classé dans:Les Mots de Nadège

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