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Salem - Stephen King

Par Woland

'Salem's Lot Traduction : Christiane Thiollier et Joan Bernard

King s'attaque ici au vampirisme en l'associant au thème de la maison hantée. La sauce toutefois, en ce qui me concerne, a toujours autant de mal à prendre.

Ce roman souffre d'un déséquilibre flagrant dans la construction. La première partie, qui s'étend à peu près jusqu'à ce que Mike, le fossoyeur, cherche refuge chez le Pr Burke, est royale : elle pose avec efficacité l'action, les personnages ainsi que les histoires qui courent sur Marsten House. Malheureusement, à partir du moment où le Pr Burke appelle Ben Mears en catastrophe, à deux ou trois heures du matin, pour lui relater tout ce qu'il a vu et entendu dans la chambre où il avait abrité Mike pour la nuit, il y a, pour moi, comme une rupture : dans le ton mais aussi dans la trame des faits.

Plus grave encore : la facilité avec laquelle les personnes à qui se confient Burke et Mears acceptent l'idée que plusieurs morts-vivants rôdent le soir dans leur ville est confondante. Il est difficile d'y croire. Personnellement, il m'a été impossible de le faire. Et je me rends compte que j'ai lâché le mot "facilité" alors que King est à mes yeux synonyme de difficulté et de complexité. C'est là, j'en ai peur, que le bât blesse.

De surcroît, les vampires qui s'installent peu à peu à Salem's Lot apparaissent comme des caricatures sans réelle profondeur. Le "seigneur" qu'ils servent lui-même n'a pas plus de consistance : censé incarner le Mal, il ressemble à un pantin qui répèterait, en tentant de les mettre au goût du jour, les pires dialogues des films de série B sur le vampirisme.

Dans "Christine", dans "Shining", il n'y a pas un seul personnage, de premier ou de second plan, "bon" ou "mauvais", qui ne jouisse d'une dimension psychologique finement travaillée. Dans "Salem", seul Ben Mears - prototype de cet écrivain hanté qui suivra King dans tant de ses romans - est le seul à tirer son épingle du jeu avec, peut-être, le jeune Mark : l'homme et l'enfant, un binôme qu'on retrouvera très souvent chez le romancier car quand il écrit, King gère à la fois l'enfant qu'il fut et l'adulte qu'il est devenu, personnalité double perpétuellement "branchée" sur ses ténèbres intérieures. Et ce n'est pas un hasard si Ben et Mark sont les seuls survivants sains de Salem, si ce sont eux qui, au final, se résolvent solennellement à éradiquer toutes les cachettes où les vampires ont pu trouver refuge.

A tort ou à raison, je vois dans "Salem" le brouillon encore assez balourd de l'un des grands livres de King : "Bazaar." Mais les défauts de l'oeuvre ne sont pas rhédibitoires au point de m'empêcher de la relire de temps à autre ...

... Et puis, comment ne pas fermer les yeux sur les inégalités de tel ou tel roman de King quand on sait que c'est lui qui, avec Lovecraft, Machen, Jean Ray et quelques autres, vous a donné la clef de quelques uns de vos plus extraordinaires cauchemars ? ... ;o)


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