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Yasmina Reza fait pâle figure

Publié le 09 décembre 2017 par Morduedetheatre @_MDT_

Yasmina Reza fait pâle figureCritique de Bella Figura, de Yasmina Reza, vu le 2 décembre 2017 au Théâtre du Rond-Point
Avec Emmanuelle Devos, Camille Japy, Louis-Do de Lencquesaing, Micha Lescot, et Josiane Stoléru, dans une mise en scène de Yasmina Reza

Ceux qui me suivent depuis un petit moment maintenant connaissent mon amour pour Yasmina Reza. Pour sa pièce « Art » évidemment, chef-d’oeuvre du théâtre contemporain, à la fois très simple et d’une intelligence fine et piquante, tellement pertinente sur les relations humaines. Bref, une de mes pièces préférées. Mais j’avais redécouvert Reza au Rond-Point il y a plusieurs années déjà, avec son entraînant Comment vous racontez la partie ? Réunissant, comme pour Bella Figura, une très belle distribution sur scène, elle signait une proposition intéressante, une critique acerbe qu’on sentait vécue. Ici, malheureusement, on ne sent pas grand chose.

La situation de départ est somme toute assez banale : André est de sortie avec son amant, Boris, mais celui-ci lui apprend qu’il l’emmène dans un restaurant conseillé par sa femme. C’est la scène initiale, sur le parking du restaurant : les deux amants s’embrouillent. Alors qu’il décide de partir, il manque d’écraser une femme avec sa marche arrière. Cette femme, c’est Yvonne, qui vient fêter son anniversaire au restaurant avec son fils Eric et Françoise, qui connaît Boris… par l’intermédiaire de sa femme. On les sent arriver grosses comme des camions, les scènes un peu gênantes.

J’ai du mal à comprendre comment Yasmina Reza dont je vénère l’écriture fine et perspicace ait pu écrire cela. J’ai laissé une chance à la première scène : après tout, ce n’était peut-être qu’une installation un peu lente de l’intrigue, plus intéressante. Mais il s’est avéré qu’en réalité c’était peut-être l’une des scènes les moins ennuyeuses de la pièce. Successions de dialogues sans grand intérêt, cette pièce se révèle d’un vide rare et inattendu, les vannes tombant à plat : « Elle fait des conférences sur l’art du tricot des chaussons pour adulte » – Oui, et ?

Pourtant, je pense avoir saisi au moins une partie de la critique inhérente à la pièce : ces scènes de la vie quotidienne semblent souligner la montée d’une forme d’individualisme, le manque d’écoute, l’égocentrisme de chacun. L’idée se perd tellement dans ces dialogues sans saveur qu’une chanson aux paroles appuyées nous rappellera le propos à la fin de la pièce, au cas où on n’aurait pas bien compris. Dommage, parce qu’étaient particulièrement bien représentée sur scène, le traitement de la vieillesse aujourd’hui, ou ces habitudes conventionnelles imposées par la société, comme cette fameuse proposition d’aller boire un verre « plus tard » tout en sachant pertinemment qu’aucune des deux parties n’en a l’envie.

Comme contrepoint à ce conformisme, Yasmina Reza a dessiné le personnage d’Andrea. Indifférente aux règles sociétales, elle rappelle le Graham de Sex, Lies, and Videotapes en jurant constamment avec le personnage qu’elle devrait adopter pour être dans la norme. Elle aurait pu être tellement géniale cette Andrea, elle aurait pu être inspirante, mais la partition n’est pas à la hauteur de l’idée. Heureusement Emmanuelle Devos en tire tout ce qu’elle peut, lumineuse toujours, un peu survoltée, attachante. A ses côtés, la troupe suit cette excellence. Malheureusement, cela ne suffira pas à rattraper ce texte désespérément vide.

Ya plus qu’à espérer que le prochain Reza soit plus à la hauteur de nos attentes ! 

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