Il sera question, ici, d’éducation. Pas de celle qui vous rend ponctuel au rendez-vous, même quand il vous faut aller chercher votre enfant à la crèche. Ni de celle qui vous ferait soumis aux injonctions de la société. Mais de celle qu’on lit dans un texte de Rudyard Kipling : « Si… ». Il me semble n’avoir jamais lu ce poème à l’exception de sa dernière phrase : « Tu seras un homme mon fils ». Et c’est au-dessus du lit de Camille enfant que sa mère avait accroché le poème. Elle en dit les premiers vers et se met à chanter les derniers quatrains. Et le ton est donné : on va peut-être rire, mais Camille a des valeurs, elle ne va pas se laisser aller à la facilité. Son humour est un regard sur elle-même autant que sur ses contemporains. Quand elle décrit son quartier, avant et après les attentats, elle sait tenir son propos sans tomber dans quelque bassesse. Ne pas mentir comme le feraient « les gueux pour exciter les sots », ne pas, se sentant haïe, « haïr à (s)on tour », et « rester digne en étant populaire »… Le poème de Kipling est la trame du spectacle où Camille Chamoux cultive cet esprit de contradiction non pour se rendre intéressante, mais pour résister aux modes. On rit quand elle entre chez le fromager, on rit quand elle entre dans un restaurant tendance, on rit quand elle caricature les personnels de la maternité. On rit aussi d’elle quand elle conduit son enfant à la crèche parce qu’elle aime tellement son enfant qu’elle le confie à des professionnels…
Mais ce que j’apprécie aussi chez Camille Chamoux, c’est le théâtre. Pas seulement celui des fourmis qui joueraient « La miette » de Tchekhov, mais son goût pour la scène, le plateau presque nu, un accessoire et la servante, qui veille sur la salle quand on arrive et sur le sommeil des enfants à qui on raconte des histoires non pour les endormir mais pour accompagner leurs expériences.
J'ai vu ce spectacle au !POC! à Alfortville (94)