Statik Selektah « 8 » @@@@
Sagittarius Laisser un commentaireDix ans après Spell My Name Right, le beatmaker bostonite Statik Selektah a grimpé les échelons jusqu’à décrocher un deal de management avec Roc Nation pour cet épisode 8 (ShowOff Records), tout en restant chez Duck Down Records pour le support. Sans rien changer aux ingrédients de base de ses productions, cette signature a permis d’attirer des featurings pour le moins surprenants.
Et ça commence fort puisque le classy « Man of the Hour » invite deux grosses vedettes mainstream, 2 Chainz et Wiz Khalifa, puis ensuite au tour de deux autres vedettes indie, les Run The Jewels pour « Put Jewels On It« . Statik Stelektah avait pu rassembler pas mal personnalités par le passé, beaucoup même si on fait la liste complète, vétérans comme jeunes loups, signés en major ou non, mais il profite désormais de l’apport de Roc Nation pour renouveler son carnet d’adresse. Sans atteindre non plus les rappeurs qui surfent dans les hautes sphères, ne rêvez pas, il n’y a pas de Jay-Z, J.Cole ou de Kendrick Lamar. Toujours est-il que cela permet à la fois, pour des mecs 2 Chainz, Wiz et les RTJ de poser sur d’autres types de prod que ce qu’ils ont l’habitude de faire, plus new-yorkaises en fait, et à Statik Selektah de donner un vrai regain d’intérêt à ses albums qui jusqu’à Lucky 7 se limitaient qu’à son entourage et lots d’habitués parmi des pointures underground qu’il appréciait.
Mais les surprises ne s’arrêtent pas là. On peut entendre les meilleure perf de Wale depuis très longtemps sur « Get Down » en compagnie son vieux pote Phil Ade. Pour les trentaines et plus, la réunion d’anciens B-Real (Cypress Hill) et Everlast (House of Pain) sur « Shakem Up » fait bien plaisir, une connexion qui réveille beaucoup de nostalgie. La prod au beat qui cogne sec et ses samples de trompette et de voix en fond rappellent évidemment celles de DJ Muggs à sa grande époque, tandis que B-Real calque ses lyrics sur ceux de « Juicy » de Notorious B.I.G. The Lox eux aussi livrent leur meilleure prestation depuis des lustres sur le single « But You Don’t Hear Me Tho« , de quoi faire oublier le piètre Filthy America It’s Beautiful sorti il y a un an pratiquement. Une autre paire, inédite et meurtrière, ravira les plus difficiles, Royce Da 5’9 et Raekwon sur « Nobody Move« . À Pusha T, Statik a préféré embarquer son frère No Malice pour une courte apparition sur « Pull The Curtain Back« , un choix payant au final. Plus audacieux, le rapprochement entre le chanteur r&b PnB Rock (sorte de clone de Ty Dolla $ign) et le hardcore Lil Fame des M.O.P. sur « Everything (Show Me Love)« . Les morts ne sont plus vraiment morts aussi puisqu’on peut écouter un couplet post-mortem sur « Go Gettas » et un morceau entier de Prodigy, bien glauque l’atmosphère (merci à ce diablotin Alchemist pour l’assistance), « Disrespekt« . Oh, Juelz Santana qui revient de nulle part en repartant du statut de challenger (plus très jeune) sur le dernier titre fleuve « All Said and Done » qui conclut joliment ce 8e opus.
Musicalement, notre DJ/producteur n’a pas changé sa recette, une constante chez lui. Si ce n’est que ses instrumentaux paraissent plus boom-bap que jamais, en ne manquant pas de souligner le caractère Eastcoast de ses beats avec de nombreux éléments cuivrés et des beats boom-bap qui font bien BOOM et BAP. Le rappeur qui gagne le gros lot niveau choix de prod est Joyner Lucas selon moi avec ce « Don’t Run » délicieusement soulful. C’est à la fois rassurant de constater que sa signature chez Roc Nation n’a pas entamé son style mais c’est un peu dommage. Ça lui arrive de s’en éloigner un peu pour Curren$y avec le très cool « Slept to Death« , et encore heureux. Pour le reste ça reste invariablement du Statik Selektah, comme Action Bronson fait du Action Bronson sur « Watching Myself« , pareil pour Joey Bada$$ (le titre s’appelle d’ailleurs « Ain’t A Damn Thing Change » c’en est presque ironique), ou encore Westside Gunn et Conway et enfin Termanology, les trois gunners rassemblés pour mettre des balles sous la chair avec « No 8« . Cette normalité est bien compensée par le lots de surprises qu’offre 8.