Partager la publication "[Critique] A GHOST STORY"
Titre original : A Ghost Story
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : David Lowery
Distribution : Rooney Mara, Casey Affleck, McColm Cephas Jr., Liz Franke…
Genre : Drame/Fantastique
Date de sortie : 20 décembre 2017
Le Pitch :
Une femme et un homme s’aiment. Un jour, l’homme meurt et revient sous une forme spectrale. Condamné à observer l’amour de sa vie dans la maison qui fut la sienne, il ne tarde pas à s’apercevoir que le temps n’a plus d’emprise sur sa nouvelle condition. Temps qui défile et qui amène le fantôme aux confins de sa propre mémoire, mais aussi bien au-delà…
La Critique de A Ghost Story :
C’est sur le tournage des Amants du Texas que David Lowery a connu Rooney Mara et Casey Affleck. Ensuite, le réalisateur a cédé à l’appel d’un grand studio et a emballé la remarquable déclinaison en prises de vues réelles de Peter et Elliott le Dragon, avant de revenir, très rapidement, et grâce à l’argent récolté par le blockbuster Disney, a quelque chose d’infiniment plus simple. L’occasion pour Lowery de rappeler Rooney Mara et Casey Affleck et de jouer une fois encore, au cœur d’un projet particulier à plus d’un titre, sur leur extraordinaire alchimie. Ainsi est né A Ghost Story, une histoire d’amour pas comme les autres, saupoudrée d’un fantastique paradoxalement aussi présent que discret…
Une histoire d’amour et de temps
Il était une fois un fantôme. Pas un spectre résultant de savantes techniques numériques mais un fantôme tel qu’on se le représente depuis longtemps. Un homme sous un drap blanc, avec deux trous à la place des yeux. C’est tout. A Ghost Story n’est pas une histoire de fantômes comme les autres. Mais d’un côté, c’est clairement de cela dont il s’agit… À l’image de Ghost, de David Zucker, dans lequel Patrick Swayze veillait sur Demi Moore après être passé de vie à trépas, A Ghost Story voit un homme retourner auprès de son épouse après avoir perdu la vie dans un accident. Il l’observe, voit le temps défiler avant que celui-ci ne lui échappe selon de nouvelles règles qui n’ont court que dans le royaume des morts. A Ghost Story n’a rien de vraiment classique. Contrairement au costume qu’arbore Casey Affleck, ordinaire à plus d’un titre, et véritablement anti-sensationnel, le film lui, est unique. Rien à voir avec les évocations que peut inspirer le titre. Une histoire de fantôme certes, mais pas à la Ghostbusters ou à la Fantômes contre Fantômes. Ici, c’est plutôt d’une réflexion dont il s’agit. Une réflexion sur la mort, le deuil, l’amour et le temps. Autant le savoir avant de se lancer.
Contemplation
Autant savoir également que le long-métrage de David Lowery ne se prive pas de prendre son temps. Selon les propos de son auteur, A Ghost Story se compose de scènes qui possèdent toutes leur propre temporalité. D’une séquence durant laquelle le fantôme observe sa chère et tendre dévorer une tarte pendant de longues minutes, à une autre, située bien en après sur l’échelle du temps, où le fantôme se retrouve en haut d’un building dans une ville que l’on devine futuriste, David Lowery ne s’interdit rien, profitant à 200% d’une liberté qu’il s’est lui-même octroyée, en dehors des circuits balisés par les grands studios. Bien loin des considérations mercantiles, A Ghost Story évolue dans des sphères plus intimes, à mi-chemin entre la plus pure poésie et le conte macabre. Macabre mais pas effrayant. Là n’est pas le propos. Encore une fois, rien ici n’est vraiment comme on l’attend. Il est question d’une love story et de cette propension qu’ont les sentiments les plus puissants à survivre à un événement tragique qui prive l’une des deux parties de l’autre. L’amour qui subsiste dans la mort au-delà des années. Dès qu’il entame sa seconde moitié, A Ghost Story dévoile alors véritablement ses cartes et fait preuve d’une audace et d’une ambition là encore plutôt discrètes à première vue, mais bel et bien primordiales.
Alors forcément, tout ceci n’a rien de vraiment abordable. Fédérateur, ce film l’est assurément mais pas pour les raisons habituelles. Il fédère parce qu’il aborde des thématiques universelles qui sont communes à tout le monde, mais d’un autre côté, il ne l’est pas car il choisit de miser sur le ressenti pur sans trop de dialogues et encore moins d’explications. Comme un poème, A Ghost Story appelle à de multiples interprétations et demande à ce que chacun se l’approprie suivant ses propres croyances, ses propres sentiments, son humeur du moment et son vécu.
A Love Story
Devant la caméra, Rooney Mara et Casey Affleck, comme prévu a-t-on envie de dire, laissent respirer le récit et font profiter à l’histoire de leur alchimie, sur laquelle Lowery construit les bases de son histoire joliment ésotérique. Magnifié par une photographie sublime et par une mise en scène pertinente et elle-même empreinte d’un lyrisme rare, le couple habite le métrage, y compris après son explosion. C’est alors que l’amour qui était au centre d’une dynamique somme toute classique, se réinvente pour perdurer. Au fil des minutes, A Ghost Story ne cesse de sonner avec une magnificence amplifiée par une succession de choix remarquables de sobriété, mais ne cesse également pas de s’avérer tragique. Quand on y pense, et on y pense beaucoup après l’avoir vu, ce film est d’une tristesse insondable. La détresse qu’il dégage n’ayant d’égal que la ferveur des sentiments qui y sont pourtant exprimés avec une pudeur qui répond à une exigence de tous les instants…
En Bref…
Pas franchement accessible, A Ghost Story fait partie de ces œuvres qui peuvent toucher en plein cœur ou alors laisser totalement indifférent. Un film exigeant, d’une poésie absolue. Une tragédie moderne à travers le temps et l’espace, qui se paye le luxe d’échapper à tous les poncifs pour s’approprier un genre afin d’offrir une partition à l’originalité exacerbée. Sublime mais clivant.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France