Ça sent la viande fraîche, avec ou sans persil. Elle leur dirait de ne pas entrer, aux enfants perdus qui ne sont pas ses filles. Mais elle les laisserait entrer quand même parce que, dehors, la forêt est menaçante. Plus que l’ogre son homme. Celui qu’elle a désiré, qu’elle a épousé, qui l’a emmenée dans la forêt et avec qui elle a fait plein d’enfants, sept filles, nées toutes ensemble (comme ça, c’est fait). Un monstre, un cyclope, qui part dans la forêt tandis qu’elle reste à la maison. Elle était femme, elle devient mère. Non, n’entrez pas, enfants perdus, l’ogre vous mangerait à coup sûr. La comédienne va parmi le public distribuer des cailloux : elle cherche son chemin. Le public sera sa forêt à elle : elle lui commandera depuis la scène. À elle et à ses musiciens. L’ogre rentrera et il les verra, les enfants perdus jouer avec ses filles. On connaît l’histoire. L’ogre les égorgera dans la nuit. Mais ils auront troqué leurs bonnets contre des couronnes. C’est sur la chair fraîche de ses filles qu’il se jettera. Et elle, la femme de l’ogre hurle son coeur arraché. Il n’y a alors même plus de chemin. Et quand ses yeux seront enfin dessillés, elle verra que l’ogre même a disparu et appellera ses filles : libres ! (photo Sébastien Pouilly vue sur le site de la Compagnie Zaoum)
Du premier texte du recueil au troisième, nous avons remonté le temps, 2015 (Fesses) - 2012 (AbaTToir) - 2009 (La Femme de l'Ogre). Et mesuré le chemin parcouru, toujours en quête de liberté, reconnaissant la cruauté, se confrontant à la peur, aux peurs, les siennes, les nôtres, pour y chercher non pas l’origine du monde mais une façon d’aller vers les autres, d’aller. Finissons l'année 2017 avec cet allant.
Ailleurs dans ce blog, vous trouverez d'autres histoires de Poucet et de la femme de l'ogre.