Le château de Champs-sur-Marne
Le château de Champs-sur-Marne, caractéristique des maisons de plaisance du 18ème siècle, a été construit de 1703 à 1708 par les architectes Pierre Bullet et Jean-Baptiste Bullet de Chamblain, à la demande du financier de Louis XIV, Paul Poisson de Bourvallais.
En 1895, le banquier Louis Cahen d'Anvers l'achète et entreprend une importante campagne de restauration qu'il confie à l'architecte Walter Destailleur. La demeure accueille d'illustres locataires : la princesse de Conti, les ducs de La Vallière, la marquise de Pompadour ainsi que des hommes de lettres tels que Diderot, Voltaire, Chateaubriand et Proust.
La famille Cahen d'Anvers lègue le château à l'Etat en 1935. Le lieu est ensuite utilisé pour la réception de chefs d'Etat étrangers jusqu'en 1974. Il est alors ouvert au public et sert de décor pour de nombreux tournages cinématographiques.
Ci-contre : un montage de photos prises en juin 2017 avec mon portable Samsung Galaxy Grand Prime (modèle 2015). Les jardin de 85 hectares, inspirés de Le Nôtre, ont été dessinés vers 1710 par Desgot et restaurés en 1895 par Henri et Achille Duchêne. Ils sont labellisés "jardin remarquable".
Ci-dessous : la statue de la fontaine du parc, réalisée en 1895 par Duchêne ou Destailleurs, représente la nymphe Scylla entourée de chiens hurlants et de serpents. Le sujet était à la mode à Versailles où plusieurs des bassins s'inspiraient des Métamorphoses d'Ovide.
Dans la mythologie grecque, deux monstres immortels, Charybde et Scylla, gardaient le détroit par où passa Ulysse au cours de son aventureux voyage. Scylla était une créature surnaturelle qui possédait douze pieds et six têtes juchées au bout de longs cous sinueux; autour de sa taille jaillissaient des têtes de chiens qui aboyaient. Ces deux femmes exprimaient poétiquement les dangers guettant les premiers marins grecs qui s'aventurèrent dans les eaux inconnues de la Méditerranée occidentale.
La danse au château : Loïe Fuller (1862-1928)
A la Belle Epoque, Madame Cahen d'Anvers organise des bals roses, à l'occasion desquels cette couleur est mise à l'honneur par les toilettes des dames. D'autres soirées à thèmes sont restées légendaires comme celles du couturier Paul Poiret en 1911. Très proche du cercle des Ballets Russes de Serge Diaghilev, il propose des modèles novateurs, fortement inspirés de l'Orient, dans leurs coupes ou leurs couleurs. Cette même année, Loïe Fuller, danseuse américaine et vedette des Folies Bergère, donne un spectacle dans le parc. Elle aurait pu porter la robe de bal ci-dessous, confectionnée en 1906 (satin et mousseline de soie), choisie pour l'affiche de l'exposition. Elle figurait parmi les plus beaux costumes exposés dans chaque pièce du château.
Loïe Fuller a d'abord connu un immense succès, notammenet auprès de Jean Cocteau, dans son propre "théâtre musée" à l'Exposition universelle de 1900 à Paris.
Elle est devenue célèbre grâce à ses chorégraphies lors desquelles elle faisait tournoyer des voiles seule en scène. Ses prestations mélangeaient music-hall, performance et danse moderne.
Ci-contre, nous la voyons vêtue d'une robe papillon en couverture du magazine culturel Le Théâtre (numéro de Noël 1898). Une section entière était consacrée à l'artiste avec des clichés en noir et blanc de Carl Reutlinger.
Elle contribua à faire connaître en Europe sa compatriote Isadora Duncan qui finit par l'éclipser. Chacune créa de son côté une école de danse et enseigna à ses élèves des attitudes trouvées sur les vases antiques.
Biographie en bande dessinée d'Isadora Ducan (1877-1927)
Julie Birmant et Clément Oubrerie, les auteurs de la série Picasso, se sont intéressés à l'histoire d'Isadora Duncan, autre danseuse américaine qui révolutionna la pratique de la danse par un retour au modèle des figures antiques grecques. Le découpage de la bande dessinée privilégie les allers-retours entre le passé et le présent afin de mieux restituer la complexité de cette femme audacieuse et libre.
Isadora (Dargaud, 2017)
Berlin, 1922Isadora accompagne son mari Serge Essénine, jeune poète soviétique, à un récital qui dégénère en bagarre générale à la maison des artistes (une salle d'émigrés russes). Il est considéré comme un agent de la Tcheka, service secret dont l'objectif est de lutter contre les partisans de la "contre-révolution" et du "sabotage" (il a été prévu pour seconder les soviets locaux et comptait 280 000 agents en 1921).
Serge Essénine (1895-1925)
Le poème Chanson de la chienne est cité pour illustrer la peine d'Isadora quant à la mort de ses deux enfants Patrick (5 ans) et Deirdre (8 ans), dix ans auparavant, noyés dans une voiture qui plonge accidentellement dans la Seine : "Tôt le matin, cachée dans la grange, au milieu des nattes dorées, la chienne avait mis bas sept chiots tout roux bien alignés. Et jusqu'au soir même, sa langue les caressait et les coiffait, comme un ruisseau de neige tendre son ventre s'écoulait. Mais à l'heure où toutes les poules dorment figées sur leur perchoir, le maître vint et sans un regard, mit les sept chiots dans un sac, sans un regard. Dehors parmi les tas de neige, la chienne courait sur sa trace, longtemps, longtemps l'eau vive encore, en a tremblé sous la glace. Et lorsqu'elle rentra fourbue, léchant la sueur sur ses flancs, la lune au-dessus de l'isba lui rappela un de ses enfants. Alors, vers les hauteurs bleu sombre elle a gémi, scrutant l'abîme".Sous le signe d'Athéna - Londes, 1899
A 20 ans, Isadora quitte la Californie. Elle embarque avec sa famille sur un cargo à bestiaux pour une traversée de six semaines à la découverte des splendeurs du nouveau monde. Elle est immédiatement conquise par les antiquités grecques de la salle Lord Elgin au British Muséum à Londres. C'est alors que Charles Halle, propriétaire de la New Gallery, lui propose de danser parmi les collections "avant-garde" de son musée (elle admire l'anticonformisme des peintures d'Edward Burne-Jones, William Morris, Dante Gabriel Rossetti).
Ci-contre, la danseuse pose en 1919 dans son hôtel de Bellevue, un quartier de Meudon dans les Hauts-de-Seine (agence de presse Meurice, BNF, Département Estampes et photographie). Elle a installé son école de danse dans les salles à manger du palace.
Sa robe est inspirée des drapés des héroïnes de la mythologie grecque comme Athéna.
La statue de cette déesse, attribuée à Phidia, est une sculpture monumentale d'or et d'ivoire installée dans la salle du Parthénon sur l'acropole d'Athènes.
Les costumes de scène d'Isadora me font également beaucoup penser à ceux du dessin de William Blake (artiste peintre, graveur et poète britannique) intitulé Oberon, Titania and Puck with Fairies Dancing (1786).
On y voit les personnages de la comédie Le Songe d'une nuit d'été, écrite par William Shakespeare entre 1594 et 1595.
Au début de l'acte II, Obéron et Titania, le roi et la reine des fées, se querellent pour la possession d'un petit page dans une forêt magique de Grèce.
L'amour et les diplodocus - Paris, 1900
Isadora s'installe avec sa famille dans un atelier de la rue d'Odessa, au dessus d'une imprimerie de nuit. Elle anime les soirées chics du Faubourg Saint-Germain. Initiée à l'art par son ami, le peintre Jacques Baugnies (également Normalien, écrivain et traducteur), elle est saisie de terreur et d'extase devant les sculptures de Rodin exposées au pavillon de l'Alma. Elle prend alors brutalement conscience qu'elle ignore tout des tourments du corps dévoré par le désir. Elle se rend à l'éblouissant Théâtre de Loïe Fuller au cours La Reine. Cette dernière, née au fin fond de l'Illinois et rendue célèbre par les Folies Bergères, y présente un numéro de danse "papillon" parée de formes flottantes avec de soudaines ébullitions de couleurs.
Pour en découvrir plus sur la relation entre Loïe Fuller et Isadora Duncan, je vous invite à voir le film français La Danseuse, réalisé par Stéphanie Di Giusto et présenté au Festival de Cannes 2016 (sélection Un certain regard).
Il a reçu l'oscar des meilleurs costumes aux César où il a été nommé six fois.
Loïe Fuller est interprétée par la chanteuse Soko et Isadora Duncan par la comédienne Lily-Rose Depp (c'est le premier rôle au cinéma de la fille de Vanessa Paradis et Johnny Depp).
Naissance d'une étoile - Berlin, 1902
Isadora se produit seule en scène et soulève un torrent d'enthousiasme lorsqu'elle improvise avec un bout de rideau bleu sur l'air du Danube bleu et des Valses de Chopin. Le succès arrive en même temps qu'une douloureuse rupture sentimentale : elle éprouve une passion pour un acteur qui ne supporte pas qu'elle exhibe ses bras et ses jambes nus dans un spectacle jugé indécent.
Une bacchante déchaînée - Grèce, 1903
Cosima (la veuve du compositeur Wagner) invite Isadora à Bayreuth et lui propose de diriger le ballet de Tannhaüser. Elle tient trois mois avant de filer à Moscou où elle se lie d'amitié avec Stanislavski (le patron du Théâtre d'Art et père de l'Actors Studio).
Arrivée à New York - Septembre 1922 : Sergueï entame une cure de désintoxication mais il n'arrive pas à cesser de boire. Il rompt avec Isadora avant de rentrer en Russie. Il est retrouvé pendu dans une chambre de l'hôtel d'Angleterre à Leningrad.
Epilogue - Cap d'Antibes, Noël 1925 : L'écharpe d'Isadora se coince dans la roue de la voiture de Francis, l'ami de Jean Cocteau, venu passer Noël à l'Eden-Roc : "On a retenu d'elle son écharpe, et elle lui ressemble, libre et volante, courant le long des routes, nomade et dansante."
Portrait d'Isadora Duncan, 1922, peinture de Paul Spencer Swan (en photographie à gauche)
Paul Spencer Swan (1883-1972) était un peintre, sculpteur, acteur et poète américain influencé par Oscar Wilde. Il étudia la peinture et la sculpture à l'Art Institute of Chicago ainsi que lors de séjours en Grèce. Il connut beaucoup de succès également en tant que danseur (il était l'élève de Mikhail Mordkin, star des Ballets Russes de Diaghilev). Il eut même l'occasion de partager la scène avec Isadora Duncan. Un impresario trouva la formule publicitaire qui l'accompagna sa vie durant : "Le plus bel homme du monde". On le considéra en Amérique comme le chef de file de la "danse classique". En 1965, à l'âge de 82 ans, il joua dans deux films d'Andy Wharol : "Paul Swan" et "Camp".
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La France en automobile, Edith WhartonAlors que la course d'Isadora Duncan est coupée net le 14 septembre 1927, Edith Wharton (1862-1937), francophile cultivée et touriste avertie, était déjà parmi les premières femmes à monter à bord d'un véhicule motorisé. En effet, ses récits de voyage écrits pour l'Atlantic Monthly (magazine mensuel culturel américain) parurent groupés en un volume aux Etats Unis en octobre 1908 et furent récemment traduits en français en 2015 sous le titre La France en automobile (récit de trois voyages).
Sur la couverture de l'édition de poche Folio, nous pouvons observer une photographie du véhicule prise à Paris en 1907. Il s'agit du modèle Panhard et Levassor 15hp acheté d'occasion à Londres par Teddy, le mari d'Edith Wharton.
Au volant, Charles Cook, leur chauffeur habituel, porte des lunettes. Teddy Wharton est assis à côté de lui, de biais, tenant deux petits chiens; à l'arrière, sont installés Edith et, sous une casquette à carreaux, Henry James qui ne sourit pas.
Première partie :
Edith, accompagnée de son frère (Harry Jones) et de son mari, réalisent un trajet de deux semaines de Boulogne jusqu'à Clermont-Ferrand avec un retour vers Paris (mai 1906). Ils sont surtout séduits par les cathédrales d'Amiens et de Beauvais, le "riche médiévalisme" de Rouen, la "splendide surprise" de Dourdan (le grand château de Philippe-Auguste et les vieilles auberges romantiques où il est délicieux de déjeuner), l'étonnante simplicité de la demeure de George Sand à Nohant dans le Berry, la large promenade bordée de platanes à Vichy, la cité très étrange de Clermont-Ferrand "entièrement bâtie et pavée avec la pierre volcanique de Volvic et couronnée par la sinistre splendeur de sa cathédrale noire" ainsi que les très belles villes d'eaux comme Mont-Dore et La Bourboule en Auvergne.
Edith apprécie le petit musée de Rouen car il y a peu de touristes et il est possible de contempler la toile ci-dessous en toute intimité : "C'est d'autant plus une raison pour apprécier l'oeuvre et l'artiste dans une salle déserte du musée de Rouen, avec ce doux sentiment de supériorité et d'exclusivité dont s'estime investi tout découvreur de mérites secrets. Car une grande part du charme de cette toile tient à ce qu'elle n'est pas devenue un terrain de pique-nique pour les excursionnistes d'art; et une grande part du charme de sa beauté intrinsèque, de la sereine gravité des teintes et des attitudes, de la translucidité céleste, surtout, de la grappe cueillie dans les vignes du paradis, tient à ce qu'elle nous laisse indécis, et qu'elle demeure retirée dans les mystères où elle nous attire. On tremble à l'idée qu'un jour elle puisse cesser de briller de ses propres demi-teintes, et qu'elle devienne un objet étoilé par le Baedeker *...".
* Karl Baedeker (1801-1859) est un librairie et écrivain allemand qui s'est fait connaître en inventant le guide moderne du voyageur.
La Vierge entre les vierges, chef d'oeuvre du peintre flamand Gérard David, vers 1509, Musée des Beaux-Arts de Rouen. Marie trône entre deux anges musiciens avec l'Enfant qui égrène une grappe de raisins, symbole eucharistique. Elle reçoit l'hommage d'une assemblée de martyres au charme enfantin, reconnaissables à leurs attributs traités en ornements précieux.
Deuxième partie :
Le couple Wharton effectue un grand circuit de trois semaines, en compagnie de l'écrivain Henry James, dans le Sud-Ouest, les Pyrénées et la vallée du Rhône (mars et avril 1907). Edith possède une grande érudition concernant l'histoire de France, les beaux arts et le vocabulaire architectural des églises. Les passagers traversent Versailles, Rambouillet, Maintenon, Valençay, Chartres, Nohant (retour à la maison de George Sand pour découvrir le petit théâtre de marionnettes conçu par son fils Maurice), Poitiers, Chauvigny, Angoulême, Bordeaux, Lourdes, Argelès, Albi, Gaillac, Castres, Carcassonne (la pluie les empêche de visiter Narbonne et Béziers), Nîmes, Aix, Hyères, Avignon, Grignan (la ville de Madame de Sévigné), Valence, Vienne, Vézelay, Auxerre.Dragon avalant une âme ? Chapiteau du choeur
Eglise Saint-Pierre à Chauvigny (Vienne)
Inventaire du patrimoine culturel de la région Poitou-Charentes
R. Jean, 2009
Pour ceux qui, comme moi, seraient passionnés par les bestiaires du Moyen Age, voici un lien pour découvrir quelques décors sculptés : https://inventaire.poitou-charentes.fr/operations/le-patrimoine-roman/64-decouvertes/727-monstres-dans-l-art-roman-en-poitou-charentes
Troisième partie :
Le couple Wharton fait une rapide incursion en Picardie durant le week-end de la Pentecôte en 1907. Cette troisième partie compte une vingtaine de pages sans grand intérêt hormis l'évocation des boeufs de la cathédrale de Laon qui symbolisent la pénible dépense de labeur humain et animal nécessaire à sa construction (comment également ne pas penser aux corvées des bâtisseurs de pyramides ?) : "Ces effigies sont censées célébrer le services des bêtes patientes qui ont transporté les pierres pour la cathédrale jusqu'en haut de la cruelle colline de Laon; et lorsqu'on lève les yeux vers leurs silhouettes lourdement projetées contre le firmament, on a tendance à voir en elles le symbole même de l'édification d'une église médiévale, du coût moral et matériel auquel la chrétienté a érigé ses monuments".
La cathédrale Notre-Dame à Laon, de style gothique, édifiée entre 1150 et 1180, domine la colline, la ville et ses remparts. D'une longueur de 110 mètres, elle servit de modèle à celle de Chartres et de Paris. Les habitants imposèrent 16 boeufs sur les étages des tours en hommage aux animaux qui ont transporté les pierres jusque sur le plateau. La légende raconte que ceux-ci, épuisés, se sont effondrés au bord de la route. Un boeuf blanc est alors miraculeusement apparu pour acheminer les pierres restantes.
Le Castel Sainte-Claire à Hyères (Var), villa d'hiver d'Edith Wharton
Avant d'être un castel, Sainte Claire fut un couvent de Clarisses érigé en 1634 sur la partie occidentale de la deuxième enceinte du vieux château. En 1849, Olivier Voutier, officier de marine et archéologue renommé - il fut le découvreur de la Vénus de Milo en 1820 lors d'une mission dans les Cyclades - racheta les ruines et fit construire le bâtiment actuel. Il y mène une vie discrète, essentiellement familiale.
Le Castel Sainte Claire et son "jardin remarquable"
C'est à partir de 1920 que la célèbre romancière américaine, Edith Wharton décide de partager son temps entre sa résidence de Saint-Brice dans la région parisienne et le Castel à Hyères (racheté en 1927). Amie de Paul Bourget qui séjourne chaque hiver dans sa villa du Plantier dans le quartier de Costebelle, Edith est une habituée de la station hivernale hyéroise, qu'elle fréquente depuis 1895. Mis à part quelques récits de voyages comme La croisière du Vanadis (journal de voyage dont le texte original est conservé à la Médiathèque d'Hyères), ses romans les plus connus, Chez les heureux du monde et Le temps de l'innocence, décrivent les milieux de la haute bourgeoisie new-yorkaise dont elle est issue. Lorsqu'elle se retrouve à Hyères, entre l'écriture, les promenades dans la campagne environnante et les nombreux visiteurs qu'elle reçoit en femme du monde, elle trouve encore le temps d'aménager avec passion le jardin botanique actuel, composé de nombreuses essences exotiques. A sa mort, la demeure changea de mains à plusieurs reprises jusqu'à ce que la Municipalité se porte acquéreur en 1955. Il connut alors bien des usages : hôtel de luxe, station de radio local, compagnie d'assurance. Depuis 1990, il est loué au Parc national de Port-Cros qui y abrite ses services administratifs.Le jardin, d'une superficie de 6500 m2, est situé sur les hauteurs de la ville et bénéficie d'une vue imprenable sur la rade d'Hyères. A propos de celui-ci, l'auteur écrit dans sa correspondance avec Berenson : "Mon jardin est un véritable enchantement. Jamais je n'ai rencontré d'endroit plus chaud, plus doré, plus débordant de fleurs et plus abrité des vents. M'entourent la beauté et la tranquillité du paradis et c'est ici et nulle part ailleurs, que se trouve le Cielo della Quieta auquel l'âme aspire quand approche la fin du voyage".
Ci-contre : Edith Wharton pose entre ses amis Paul Bourget (à gauche) et Joseph Conrad (à droite). Elle séjourna souvent chez Paul Bourget, écrivain catholique français et académicien, qui possédait le domaine "La Villa des Palmiers" à Hyères.
Les trois auteurs sont ici photographiés en 1923 dans le petit port de la Madrague, une anse de la presqu'île de Giens (source : Alain Dugrand, Conrad, l'étrange bienfaiteur, Arthème Fayard, coll. « Littérature Française », 2003).
Le pavillon Colombe à Saint-Brice-sous-Forêt (Val d'Oise), villa d'été d'Edith Wharton
Entre 1918 et 1937, l'écrivaine partagea sa vie entre Hyères pour la saison d'hiver et l'immense propriété de Saint-Brice-sous-Forêt durant la saison d'été. Passionnée par la nature, elle s'était consacrée à l'aménagement des jardins. Tous les ans, elle ouvrait son parc au public à l'occasion de l'Independance Day (le 4 juillet). D'après les recherches, six jardiniers y travaillaient en permanence. Elle y donnait également de grandioses réceptions où se croisaient diplomates, hommes politiques et artistes. Impliquée dans la vie locale, elle aidait financièrement la caisse des écoles et le bureau de bienfaisance. Une vocation sociale avec laquelle le potager vient de renouer, à travers l'association Plaine de Vie, dont les maraîchers sont des personnes en difficulté. Les lieux appartiennent actuellement à la princesse Isabelle de Liechtenstein.
Ci-dessus, la romancière est photographiée en 1931 au pavillon Colombe par Thérèse Bonnay. Ces clichés sont tous visibles sur le site internet de la BNF (source : The Bancroft Library, University of California, Berkeley / Thérèse Bonnay / BHVP / Roger-Viollet).**********
En lisant l'excellent essai de Gérard Bonal : Des Américaines à Paris (Editions Tallandier, 2017), j'ai découvert que la danseuse et l'écrivaine se connaissaient : "Si Isadora Duncan a choisi l'Europe, c'est certainement à cause du peu d'intérêt que suscite sa danse aux Etats-Unis. Les quelques personnes qui la virent danser à l'occasion d'une garden-party, à Newport, rapporte la romancière Edith Wharton dans ses souvenirs, revinrent effarées par ce spectacle, ne sachant comment le qualifier et persuadées que c'était par charité que la jeune-fille avait été invitée à se produire devant elles. Après quoi plus aucune maîtresse de maison n'engagea Isadora Duncan."
Isadora Duncan a effectivement choisi la France pour s'émanciper du ballet qui lui semblait enfermé dans des conventions rigides et désuètes. C'est en refusant le port du tutu et des pointes en faveur de la semi nudité de fluides tuniques drapées qu'elle est devenue la coqueluche du tout Paris. Elle a su imposer ses improvisations inspirées de figures mythologiques grecques, notamment au salon de musique de Marguerite de Saint-Marceaux* (la mère de son ami peintre Jacques Bognies), dont l'hôtel situé au n°100 rue Malesherbes accueillait une pépinières d'artistes parmi lesquels Colette. Isadora Duncan a certainement du y rencontrer l'élégante et raffinée Edith Wharton. Qu'ont-elles bien pu alors échanger ? Nous pourrions imaginer des dialogues d'une redoutable intelligence. La danseuse expliquerait à sa compatriote comment retrouver dans le mouvement une sorte d'émotion originelle tandis que la romancière la ferait rire en épinglant les impostures de la gentry d'outre-Atlantique, avec le talent d'une impitoyable moraliste saluée par son ami Henry James comme "l'ange de la dévastation".
* Marguerite a servi de modèle au personnage de Madame Verdurin dans le roman A la recherche du temps perdu de Marcel Proust.
Pour en savoir plus sur Edith Wharton :
- Les Chemins parcourus, autobiographie traduite de l'anglais par Jean Pavans, Flammarion, 1995.
- L'artiste repose au cimetière des Gonards à Versailles.
Pour en savoir plus sur Isadora Duncan :
- Ma vie, autobiographie traduite de l'anglais par Jean Allary, Gallimard, 1928 (en Folio depuis 1999)
- Emission radiophonique sur France Culture :
https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/isadora-duncan-ou-lart-de-danser-sa-vie-1877-1927
- La tombe de l'artiste est au columbarium du Père-Lachaise à Paris.