Partager la publication "[Critique] DOWNSIZING"
Titre original : Downsizing
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Alexander Payne
Distribution : Matt Damon, Hong Chau, Christoph Waltz, Kristen Wiig, Udo Kier, Jason Sudeikis, Laura Dern, Neil Patrick Harris, James Van Der Beek…
Genre : Fantastique/Comédie/Drame
Date de sortie : 10 janvier 2018
Le Pitch :
Dans un futur proche, des scientifiques ont trouvé la solution miracle pour lutter contre la surpopulation : réduire les êtres humains à une taille avoisinant les 12 centimètres et leur proposer de vivre dans des sanctuaires où ils pourront tous augmenter de manière considérable leur niveau de vie. Devant cette promesse d’un avenir meilleur, Paul Safranek et sa femme décident de se lancer…
La Critique de Downsizing :
Alexander Payne a débuté sa carrière de réalisateur en 1996 avec Citizen Ruth, avant de véritablement se faire connaître avec L’Arriviste puis les deux excellents films que sont Monsieur Schmidt et Sideways. Un auteur qui s’est toujours posé en observateur de ses contemporains, s’attachant en cela à des personnages souvent en pleine déroute, amenés à voir les choses autrement pour procéder à un ré-aiguillage de leur existence après avoir été soumis à une série de mésaventures. Et alors que Payne s’était concentré, avec Nebraska, sur un père et son fils dans une Amérique oubliée, peuplée de personnages souvent marqués par leur condition de spectateurs passifs d’une époque qui souvent ne fait pas de quartier, le voici désormais qui utilise avec Downsizing la science-fiction pour donner un nouveau socle à ses réflexions humanistes, toujours nourries d’un optimisme bien particulier dont il s’est fait le garant.
Chérie, j’ai rétréci Matt Damon
Paul Safranek est un type comme les autres. Un homme simple, à la vie simple et aux aspirations simples. Travailleur, Paul aime sa femme, rêve d’une vie meilleure mais sait aussi se contenter de ce qu’il a. Quand va se présenter à lui le Downsizing, et avec lui la promesse d’un compte en banque mieux garni et d’une existence plus stimulante, Paul ne va néanmoins pas hésiter longtemps. Le début pour lui d’une suite de péripéties, qui vont le pousser à revoir ses priorités. Paul qui est ainsi un personnage purement « Paynien », à l’instar du Schmidt jadis incarné par Jack Nicholson ou du père de famille campé par George Clooney dans The Descendants. Pas de doute, Downsizing est donc un pur film d’Alexander Payne. Une fable qui voit le cinéaste rester fidèle à ses obsessions, sous l’impulsion d’un fantastique à la fois discret et omniprésent. Là où certains en auraient profité pour peut-être livrer une relecture de L’Homme qui rétrécit, de Jack Arnold, Payne lui, reste le plus réaliste possible compte tenu des circonstances, et saisit la balle au bond pour verser assez rapidement dans la satire, ancrant son récit dans une réalité sociale bien prégnante. Le tout sans se priver de s’amuser, tout spécialement dans la première partie, de ce postulat très ludique.
Car Downsizing est un film qui n’oublie jamais de divertir. Visuellement très réussi, il bénéficie d’effets là encore discrets car complètement au service de l’histoire, et joue sur le décalage qui caractérise la vie du personnage principal. En mettant le cynisme de côté, Payne s’attarde même parfois sur le merveilleux inhérent à son pitch et prend bien le temps de poser le décors pour ensuite passer à la deuxième partie de son plan…
Réflexion sociétale
Car Downszing, avant d’être une comédie fantastique, est surtout une satire qui brocarde les travers d’une espèce humaine dont l’un des principaux défauts, est de répéter ad vitam eternam, les mêmes erreurs. Une réflexion qui prend tout son sens quand intervient la première réfugiée miniature, brillamment campée par la révélation Hong Chau. Car dans le monde des petits comme dans celui des grands, les uns abusent des autres. Alors que le procédé promet sur le papier un niveau de vie plus confortable, la réalité est plus décevante et voit ainsi ces sanctuaires où évoluent les personnes miniaturisées subir peu à peu les même inégalités. Ce que Payne orchestre de main de maître, quitte à décevoir ceux qui attendaient complètement autre chose. L’occasion pour lui de rappeler qu’il n’est pas un réalisateur de blockbuster et que si il s’agit de son film le plus cher, ses idées et ses velléités, elles, débouchent sur quelque chose de plus intime et d’infiniment plus ambitieux narrativement parlant. Le génie de Payne consistant à ne jamais mettre de côté une certaine légèreté et un humour parfaitement efficace, savamment saupoudré sur un scénario des plus malins.
Lors d’une scène, Matt Damon affirme « à certains moments, on se croit dans le monde normal et puis un truc se produit et on se rend compte que non ». Et bien c’est pareil pour Downsizing. À certains moments, on pense qu’Alexander Payne va s’écarter de ce qui a toujours caractérisé son cinéma, mais une scène vient rappeler que non. Ce qui n’est en rien gênant bien au contraire tant le point de départ des ambitions narratives de Payne offre de multiples perspectives et s’inscrit dans une actualité que ce dernier exploite afin d’en souligner le caractère absurde. Et cela à de multiples niveaux, permettant ainsi à Downsizing de réussir sur tous les plans, à cheval entre la pure comédie, le conte d’anticipation, la critique sociale, le drame et la romance.
Plus dense que tout ce que le metteur en scène à livré jusqu’alors, ce long-métrage très ambitieux, puise son optimiste du côté de Capra sans jamais se départir d’une intelligence qui se manifeste au fil de scènes parfois très touchantes, parfois plus légères mais jamais à côté de la plaque.
Épaulé par des comédiens excellents, Hong Chau et Matt Damon en tête, parfaitement à l’aise dans ses pompes, mais aussi Kristen Wiig, discrète mais toujours irréprochable, Christoph Waltz et Udo Kier, tous les deux particulièrement savoureux, où les guest stars que sont Neil Patrick Harris ou Laura Dern, Downsizing est aussi l’œuvre la plus politique de Payne qui a ironiquement profité de la teneur du sujet pour prendre de la hauteur. Un film qui parle de cette fameuse recherche du bonheur inscrite dans la Constitution américaine, dans un monde à la dérive, qui croule sous ses propres contradictions et qui souffre du je-m’en-foutisme d’une espèce humaine, qui passe autant de temps à faire progresser les choses qu’à tout gâcher.
Payne en tout cas, n’a rien gâché du tout. Enchanteur, drôle et percutant, Downzising est une franche réussite. Le genre de film qui reste un moment en tête après la projection, à l’instar de ce dernier plan (Payne a toujours su soigner ses conclusions), magnifique, qui résume à lui tout seul beaucoup des thématiques abordées.
En Bref…
Downsizing risque de décevoir ceux qui attendent un film fantastique spectaculaire. Les autres par contre, qui connaissent Alexander Payne, ou/et qui désespèrent de voir le cinéma de genre s’attaquer comme jadis à des considérations actuelles, risquent d’avoir une bonne surprise. Conte philosophique de science-fiction, fable humaniste drôle et audacieuse, parfaitement campée, écrite et dirigée, Downsizing et ses multiples niveaux de lecture, est une réussite totale. Un film savoureux, généreux et malin. Une combinaison plutôt rare.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Paramount Pictures France