Magazine Cinéma

Certaines Femmes (2017), Kelly Reichardt

Par Losttheater
Certaines Femmes (2017), Kelly Reichardt

Les grands conteurs peuvent transformer une journée moyenne dans la vie de leurs personnages en de grands drames. Le regard est souvent plus perspicace sur la condition humaine en transcendant la banalité plutôt qu’en soulignant l’anormal. Il y a plusieurs « journées moyennes » dans le magnifique Certaines Femmes de Kelly Reichardt qui travaille ici avec son casting le plus prestigieux à ce jour. Reichardt délivre une étude de personnages sous plusieurs facettes et fait se croiser des vies dans une petite ville du Montana.

Certaines Femmes s’ouvre sur un train qui roule lentement à travers les terres du Montana, et qui klaxonne occasionnellement le long de son trajet. On entendra ce train encore, en fond sonore de la vie des personnages, pour les connecter dans notre subconscient et servir le but de certaines thématiques. Reichardt retourne aux images de la vie quotidienne – les trains et les autoroutes à distance – pour nous rappeler l’ordinaire nature de ces histoires et les connecter entre elles et mêmes à nos propres vies.

La première histoire s’intéresse à une avocate appelée Laura Wells (Laura Dern), on la découvre lors d’une liaison qu’elle entretient avec un homme marié, Ryan. Lorsqu’elle retourne à son bureau, elle retrouve son client le plus ennuyeux, un homme appelé Fuller, qui ne considère pas ses conseils judiciaires. Elle l’amène à un collègue masculin qui lui répète exactement la même chose mais cette fois il écoute. Reichardt pose subtilement des fondations thématiques sur la manière dont les gens interagissent entre eux – femmes avocates avec des clients masculins, maris et femmes, professeurs et élèves. On passe ensuite à l’histoire de Gina (Michelle Williams), la femme de Ryan, l’homme qui entretient une relation avec Laura. L’effet de la toute première scène du film est subtil mais crucial car cela nous procure un bagage pour cette deuxième histoire par le fait que nous avons conscience qu’il ne s’agit pas d’un mariage en bonne santé. Cependant, cette union apparaît comme agréable même si Ryan la trompe. Lorsqu’on les voit ensuite travailler à construire une nouvelle maison, on sait d’avance que les fondations seront faibles. Enfin, la troisième histoire de Certaines Femmes pourrait se suffire à elle-même. Lily Gladstone joue le rôle de Jamie, ouvrière dans un ranch qui vit seule dans une ferme isolée. Son seul ami semble être l’adorable chien qui la suit lorsqu’elle conduit son tracteur, cependant sa vie n’est pas représentée comme misérable. Il s’agit juste d’une existence qui ne change pas beaucoup au jour le jour. Elle commence ensuite à suivre des cours du soir enseignés par Beth (Kristen Stewart). Elles sortent pour diner et créent un lien amical. Beth devient alors un souffle d’air frais pour Jamie.

Chacune de ces histoires détient un caractère inévitable, comme cette rivière qui traverse le cœur du territoire. Ce sont des gens normaux, comme vous et moi, et c’est cette fiabilité qui fait du travail de Reichardt quelque chose de puissant. Tous les personnages, même les plus mineurs, semblent exister avant même qu’ils n’apparaissent dans le champ et continuent à vivre bien longtemps après. Les personnages masculins atteignent une sorte de finalité, alors que les féminins continuer d’avancer. En ce qui concerne les performances, il s’agit peut-être du meilleur travail de Reichardt à ce jour. Michelle Williams est une habituée de son cinéma, même si elle acquière ici l’histoire la moins satisfaisante. Il semble y avoir du vécu dans celle de Laura Dern et une émotion apaisante dans le portrait dépeint par Lily Gladstone qui est la révélation du film. Quant à Kristen Stewart, elle continue à être spectaculaire. Il y a beaucoup de monologues intérieurs dans l’approche de Reichardt. Nous voyons tellement de films dans lesquels les personnages sont constamment entrain d’exprimer ce qu’ils pensent ou ressentent d’une manière qui ne se fait pas dans le monde réel. La raison s’explique par le fait que la plupart des metteurs en scène ont peur du silence. Kelly Reichardt sait que beaucoup de choses peuvent s’exprimer dans le silence. Il peut même être le sujet d’un grand drame comme Certaines Femmes.

L’article Certaines Femmes (2017), Kelly Reichardt est apparu en premier sur The Lost Movie Theater.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Losttheater 534 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines