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Le colis de Anosh Irani

Par Hamisoitil @lecturedehamik
Le colis de Anosh IraniQUATRIÈME DE COUVERTURE :
Une plongée bouleversante dans le quartier rouge de Bombay, entre modernité et tradition.
Madhu est une hijra : née dans un corps d'homme, séparée de ses attributs sexuels masculins, elle est une sorte de troisième sexe, ni homme ni femme. Après des années de prostitution, la quarantaine passée, Madhu est devenue trop vieille, trop usée, et doit mendier pour vivre et rester auprès de sa gurumai, sa guide.
Par l'entremise de cette dernière, Madame Padma, tenancière redoutée, lui confie une mission qu'elle a déjà effectuée plusieurs fois par le passé et ne peut malheureusement pas refuser : s'occuper d'un colis. Les colis, ce sont ces fillettes, souvent venues de lointaines provinces, vendues par leurs familles pour devenir des esclaves sexuelles. Avec les années, rompue contre son gré à l'exercice, Madhu possède ses propres techniques pour préparer " l'ouverture " de ces colis – briser psychologiquement ces enfants, les rendre dociles, leur faire comprendre que leur sort est scellé, qu'elles ne pourront plus jamais s'échapper de Kamathipura, le quartier rouge de Bombay.
Renouer avec cette activité va faire remonter chez Madhu beaucoup de souvenirs : son enfance engoncée dans ce corps qui n'était pas le sien, sa rencontre avec celle qui deviendra sa guide et fera d'elle une hijra, le rejet de sa famille, ses années fastes, puis les regrets, la nostalgie, les remords aussi.
Malmenée par la vie, éminemment lucide, Madhu raconte le monde dans lequel elle vit : les hommes et les femmes qui l'entourent, leurs forces et leurs faiblesses, leurs compromissions, le pouvoir de l'argent, celui de la drogue. Pour autant, une petite lueur continue à lui dire qu'une rédemption est possible – si ce n'est pour elle, peut-être pour les autres.
Anosh Irani livre ici un roman d'une grande puissance, sombre et émouvant. Et fait résonner longtemps chez son lecteur l'âme et la voix de Madhu. 
  • Broché: 334 pages
  • Editeur : Philippe Rey 
  • Collection : ROMAN ETRANGER
  • Date de sortie : 4 janvier 2018
  • Prix : 13.99 € (ebook) 21.00 € (papier)
  • *SERVICE DE PRESSE

MON AVIS :
Citation : Madhu savait parfaitement ce que voyait l'homme quand il la regardait Elle n'avait pas besoin de miroir. Elle se voyait tous les jours dans les yeux des autres, et cet homme ne lui révélait rien de nouveau. Elle était une gêne, un parasite. Si l'homme avait eu une bombe insecticide sous la main, il l'en aurait aspergée, puis l'aurait regardée se tortiller sur le sol, s'agiter en convulsions grinçantes, jusqu'à ce quelle cesse de bouger.
Voici mon premier coup de cœur de cette nouvelle année 2018 qui vient de débuter. Ce roman est tout simplement somptueux, magistral... mais dur également. Dur dans le sens où certains passages sont assez difficiles à lire, avec la difficulté à comprendre le raisonnement de certaines personnes, et cette facilité à rejeter l’autre pour sa différence.
À travers ce roman et le regard de Madhu, on découvre une communauté qui se fait appeler les Hijras, quasi-inconnue de tous, à part là-bas en Inde, dans le quartier rouge de Bombay. Ce même nom est utilisé dans les pays musulmans (l’exil : partir d’ici pour un pays musulman afin d’accomplir sa foi).
En Inde, les Hijras, sont les exclus de la société indienne à cause de cette différence physique que nous appelons, nous en France, les transsexuels. Madhu est né garçon, mais tout chez lui est efféminé, à tel point que sa famille l’a rejeté. Il est vite pris en main par une autre Hijra, Gurumai, qui lui fait découvrir une nouvelle famille, son nouveau clan, ses semblables. Il aura bien évidemment des choix à faire très jeune comme se séparer de ses attributs sexuels, mais surtout, des choses imposées pour rester dans cette communauté : la prostitution. Il n’est plus il, mais elle, c’est mieux pour Madhu, même si, au final, elle est considérée comme un troisième sexe, un genre complètement vénéré, respecté par les Indiens, mais craint aussi, car être castré donne un pouvoir de fertilité selon les hindous...  Pratiquement toute sa vie au sein de ce clan sera réduite à ce travail : attirer les hommes et coucher avec eux pour quelques roupies, et gérer quelques colis. Quand nous rentrons dans la tête de Madhu, elle a déjà la quarantaine bien tassée. Trop vielle, trop usée pour encore charmer... L’époque glorieuse est bien loin, maintenant... Jusqu’à ce qu’elle reçoit la visite de Padma, la tenancière, qui lui confie une mission : s’occuper d’un nouveau colis en provenance du Népal. Elle n’a pas d’autre choix que d’accepter sinon Madhu pourrait être punie, voire pire. Ce colis est une fillette vendue par sa famille et  doit être préparée comme esclave sexuelle.
Citation : A Kamathipura, un colis mourait deux fois.
La première mort c'était l'ouverture. La seconde mort, plus douloureuse, c'était lorsque le colis comprenait qu'il avait été vendu par sa propre famille.
Cette partie-là est assez éprouvante dans le sens où l'on découvre tout le processus enclenché pour formater, briser de l'intérieur donc psychologiquement l'enfant afin de la rendre docile. Moi, personnellement, j'ai cru de toutes mes forces que Madhu allait changer la donne et pourtant, nous en sommes loin. Le travail, c'est le travail et elle le fait bien. J'avais quelques fois espoir vu le comportement  qu'elle avait envers cette fillette. Et plus on avance, dans ce formatage avec ce colis, plus Madhu plonge dans ses propres souvenirs, dans sa famille, dans le rejet, la méchanceté...
C'est beau parce que l'écriture est belle, et que l'histoire, bien que douloureuse donne de l'espoir.  Peut-être un tout petit peu. Anosh Irani a une plume vraiment remarquable. C'était presque poétique malgré un langage trop familier, voire vulgaire, par moments, mais n'oublions pas que nous sommes avec des prostitués, là. On ne peut pas faire mieux à part les représenter comme il se doit sans rien lésiner. Du coup, ça fuse, ça balance des vannes, c'est drôle.
Quant à la fin, je l'ai tout simplement adorée, avec un épilogue qui donne la parole à une certaine personne. Une très, très belle découverte qui m'a émue au plus haut point, et qui, je l'espère, vous aimerez à votre tour. Le colis de Anosh Irani
MA NOTE :Le colis de Anosh Irani

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