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(Note de lecture) Auxeméry, Jacques Demarcq, "Phnom Poèmes", par Jean Renaud

Par Florence Trocmé

(Note de lecture) Auxeméry, Jacques Demarcq, Jacques Demarcq publie, ces jours-ci, Phnom Poèmes - dont il convient, assurément, de recommander la lecture.
On peut présenter ce livre de deux façons. On commencera par celle qu'impose l'usage ordinaire (indiquer " de quoi ça parle "), quand il vaudrait mieux, pourtant, commencer par l'autre.
On dira donc, d'abord, qu'il s'agit d'une description de Phnom Penh. Ou, ce qui revient au même, d'une suite de promenades. Le sous-titre (indication de genre, si on veut) le souligne (avec justesse autant que par jeu) : il s'agit d'un " documentaire ". Lequel se donne comme discontinu, partiel, aigu, drôle - et sombre, puisque la misère est là et que la désigne un regard politique. Le texte mime, ou transpose, l'usage du photographe. Se succèdent des clichés (clichés verbaux auxquels, en grand nombre, se joignent de vraies photos) : les rues, les gens, les motos, les étals, les échoppes, les tamariniers, le Mékong.
Mais - voici l'autre façon - c'est un écrit où s'assemblent les mots, les phrases, les vers selon des modes inattendus, bizarres, gais, en lesquels s'agite le sens. Poèmes, d'abord, comme indique le titre, et de natures diverses. Certains transposent de savantes traditions khmères. La plupart procèdent plus simplement de la pratique de l'alinéa, lequel partage (découpe, lance et arrête à la fois, à la manière de Reznikoff) l'énoncé prosaïque, récit ou description. À quoi s'ajoutent non seulement (et classiquement) l'absence de ponctuation et la suppression des majuscules, mais, de façon inégale, tantôt discrète tantôt insistante, faisant les pitres à nos oreilles, des rimes. Puis les mots coupés, les mots ruinés : " équipé d'un chapeau guise de casque / en savates short liquette et à l'o- / ccase contre les gaz ". Les mots-valises : après les Khmers Rouges, le pays demeuré " maolade ". Mais on insistera sur la syntaxe joyeusement malmenée, souple, qui conduit d'une phrase, d'un objet à l'autre, selon la vitesse et les ralentissements - dirait-on - des omniprésentes pétaradantes motocyclettes pétrolettes triporteurs touk-touk. Deux exemples, arrachés à la continuité du texte : " les riverains boutique nuptiale du proprio guest-house labo d'analyses café-télé " ; " le Premier Ministre et ses Vice- sous pléthore d'ombrelles / suit la cour on s'incline [...] "
Voyage dans la langue, la nôtre, autant que là-bas, au Cambodge.
Jean Renaud

Jacques Demarcq, Phnom Poèmes, documentaire, 2017, 200 p., 15€.


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