Avec plus de 550 000 utilisateurs, on en croise du monde sur Babelio. Pour que la communauté demeure, malgré son ampleur, un endroit convivial où l’échange est à l’honneur, nous avons décidé de vous donner la parole. Puisqu’un lecteur n’est jamais las de conseils de lecture, voici le portrait livresque de l’un des lecteurs-utilisateurs du site – un homme, pour une fois ! – tout particulièrement amateur de bande dessinée.
Rencontre avec Presence, inscrit depuis le 15 novembre 2014.
Comment êtes-vous arrivé sur Babelio ?
En tant que gros lecteur, je cherche souvent sur Internet des sites contenant des critiques ou des commentaires sur une bande dessinée précise. J’ai fini par remarquer que le site Babelio revenait régulièrement et j’ai suivi ma curiosité naturelle qui me poussait à aller voir. Je suis tombé sur une caverne d’Ali Baba d’une profondeur infinie, recelant des trésors pour plusieurs vies.
Vous lisez beaucoup de bande dessinée et de roman graphique. Comment y êtes-vous venu ? Avez-vous toujours été spécialisé BD ou lisiez vous aussi des romans, essais, etc. ?
Il y avait des bandes dessinées dans la bibliothèque de mes parents, essentiellement des Tintin, des Lucky Luke et des Astérix. J’y avais libre accès et j’étais curieux de découvrir ces lectures avec des dessins. Je n’ai jamais décroché depuis.
Dans le même temps, ma mère veillait à ce que je ne lise pas que des cochonneries, et elle a exigé pendant des années que je lise un ou deux classiques pendant les grandes vacances. À la fin de mes études, j’avais conservé ce goût pour les livres et je me suis mis à lire un livre par semaine, aussi bien des romans de genre (policier, science-fiction, horreur) que des classiques français ou anglo-saxons. Depuis plusieurs années, je me concentre sur la bande dessinée pour mes loisirs.
Une PAL BD bien garnie…
Quelle est votre première grande découverte en bande dessinée ?
Tintin, d’Hergé. C’est aussi classique que banal, aussi facile à lire que sophistiqué et élégant dans sa construction. Je m’intéresse maintenant à la vie de Georges Rémi, au travers d’articles expliquant ce qu’il a apporté à la bande dessinée, la manière dont il a retravaillé ses premiers albums pour leur réédition, en corrigeant des défauts parfois pointés par des lecteurs : de l’interactivité participative des décennies avant Internet !
Quelle est la plus belle BD que vous ayez découverte sur Babelio ?
Plein. C’est toute la richesse de Babelio que d’avoir accès à la bibliothèque d’autres personnes, que de pouvoir consulter leurs critiques pour un domaine donné, à partir de leurs insignes. Pour la bande dessinée, il suffit de cliquer sur l’insigne pour découvrir les lecteurs ayant le plus écrit dans ce domaine, puis d’aller passer en revue leurs critiques pour plonger dans des collections toujours différentes, toujours inédites. À titre d’exemple, je pourrais citer la découverte de la bibliographie de Zidrou (Benoît Drousie).
…et une PAL comics qui n’a pas à rougir
Quelle est la bande dessinée que vous avez relue le plus souvent ?
À nouveau Tintin, puisque je les ai lues à plusieurs reprises dans mon enfance. Puis je les ai lues à mon fils. Puis je les ai lues à ma fille. Lorsque le temps viendra pour moi d’avoir des petits enfants, ils n’ont qu’à bien se tenir.
Quelle bande dessinée avez-vous honte de n’avoir pas lu ?
Plein, mais il y en a une en particulier qui continue de m’intimider, même si j’ai lu toutes les critiques présentes sur Babelio : Maus d’Art Spiegelman. Je ne suis pas sûr d’être à la hauteur en tant que lecteur face à ce sommet réflexif sur la Shoah.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
Plein, il suffit de consulter tous mes articles. En 2017, il y en a une qui est plus sortie du lot : Le Dernier Brame, de Jean-Claude Servais, un drame, avec étude de caractère, dimension psychologique, rapport à la nature, ambition. J’y ajouterais bien la série du Moine Fou (de Vink) qui fut une révélation de sensibilité et sophistication discrète. J’ai également récemment créé un blog où je vais concentrer mes commentaires sur les BD franco-belges, en commençant par le cycle des Cités Obscures, de Benoît Peeters & François Schuiten, l’un des sommets de la bande dessinée à mes yeux.
Tablette, liseuse ou papier ?
Même si cela nécessite un combat sans cesse renouvelé pour la place et des choix déchirants, je continue d’être papier. Au vu de la taille des bandes dessinées, il n’existe pas de support adapté. En outre, la bande dessinée permet des effets complexes sur des pages en vis-à-vis, ou sur des dispositions géométriques qui ne peuvent pas être transcris sous forme dématérialisée, sans même aller jusqu’aux quelques ouvrages qui jouent avec la forme en trouant une page, ou en intégrant des pages à déplier.
Quel est votre endroit préféré pour lire ?
C’est un lieu duquel je ne peux pas sortir, où je dois rester un certain temps, et où il est possible de s’isoler en lisant. Ce ne sont pas les toilettes, mais les transports en commun. Ça peut paraître paradoxal, mais hors jour de grève ou d’affluence exceptionnelle, il est possible de tenir un ouvrage, et ainsi de s’isoler pendant cette obligation pendulaire.
Double-page issue du Salammbô de Philippe Druillet
Avez-vous une citation fétiche issue de la BD/une scène ou une planche particulièrement marquante ?
Plein. La bande dessinée est un média très particulier qui associe mots et images dans la narration, tout en laissant au lecteur le rythme de sa lecture. Je suis fasciné par le gigantisme des mondes imaginés par Philippe Druillet (dans Salammbô par exemple), par les réactions absurdes des personnages d’Edika, par les motifs visuels récurrents de Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, par le minimalisme de Scott Adams pour Dilbert, par la précision de Martin Jamar dans Les Voleurs d’empires de Jean Dufaux (au point que le lecteur peut se projeter dans chaque case), par la chaleur comique des comics de Sergio Aragonés (sa série Groo avec Mark Evanier par exemple), etc.
Quelle sera votre prochaine lecture ? Comment l’avez-vous choisie ?
Plein. J’ai découvert sur Babelio le concept de PAL (pile à lire), un défi visiblement relevé par de nombreux Babelionautes. Je choisis mes prochaines lectures en suivant la carrière de certains auteurs (l’intégrale de Jean-Claude Servais, les ouvrages de Pat Mills, les collaborations d’Éric Warnauts & Guy Raives) ou certaines séries (Animal lecteur de Sergio Salma & Libon, Usagi Yojimbo de Stan Sakai, The Walking Dead de Robert Kirkman & Charlie Adlard, etc.) ou en découvrant des critiques dithyrambiques pour Emma G. Wildford (de Zidrou & Edith) ou La Malédiction de Gustave Babel (Gess) qui sont dans le dessus de ma PAL.
Planche issue de Animal lecteur (tome 5) de Sergio Salma et Libon
D’après vous, qu’est-ce qu’une bonne critique de lecteur sur Babelio ?
L’une des richesses de Babelio est qu’il n’y a pas d’exigence formelle. En fonction de mon envie, du temps dont je dispose, je peux bien avaler une poignée de critiques courtes en lecture rapide, pour élargir mes horizons et papillonner sur des ouvrages très divers. Si je cherche à me décider sur une lecture précise, ou comparer mon expérience de lecture sur un ouvrage, je vais alors traquer les critiques longues et prendre le temps de découvrir l’avis argumenté et copieux d’un autre lecteur. Une bonne critique de lecteur peut aussi bien être un avis tranché et concis, qu’une longue analyse argumentée et comparative.
Une anecdote particulière en rapport avec Babelio ?
Ayant longtemps rédigé mes articles dans mon coin, la découverte de tous les Babelionautes a été une « confortation » (il y en a qui sont aussi obsessionnels que moi), une épreuve d’humilité (quel savoir ainsi formalisé), une expérience de diversité, et l’occasion de remettre en cause ma propre manière d’écrire. La découverte de la possibilité de laisser des citations m’a incité à regarder autrement les phylactères, à être plus sensible aux bons mots, ou aux réflexions des auteurs. La possibilité de construire des quizz était une option inédite que je n’avais pas rencontrée sur d’autres sites avec une qualité ludique irrésistible.
Le 45e Festival de bande dessinée d’Angoulême commence dans quelques jours : fréquentez-vous les salons et festivals ? Pour obtenir des dédicaces ? Suivre les conférences ?
Non, je ne fréquente pas les festivals par manque de goût. Par contre j’en suis les nominations et les palmarès pour y trouver des idées de lecture. Je suis également l’évolution du statut des auteurs au travers des billets de Denis Bajram, et d’un pan de l’édition au travers du site DU9.
Merci à Presence pour ses réponses !