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3 Billboards – Les panneaux de la vengeance (2017), Martin McDonagh

Par Losttheater
3 Billboards – Les panneaux de la vengeance (2017), Martin McDonagh

La tension humaine est presque palpable dans le dernier film de Martin McDonagh, 3 Billboards – Les panneaux de la vengeance. La colère, la rage même, déborde de ses personnages. Des personnages irrités, agités et exaspérés par la vie qui ne les a pas gâtés. Comment retrouver le bonheur quand on a violé, brûlé et tué votre fille ? Mildred Hayes (Frances McDormand) ne détient pas la réponse, elle sait juste qu’elle doit continuer à avancer dans le combat contre l’injustice et retrouver coûte que coûte les assassins de sa fille.

Situé dans l’Amérique du Sud post-Trump, 3 Billboards dresse le portrait d’une petite ville en peine. En louant les panneaux publicitaires d’une route quasi abandonnée, Mildred veut crier et dénoncer aux yeux de tous les responsables de la mort de sa fille. Le chef de police est visé, et elle se fiche de savoir qu’il est atteint d’un cancer. Après tout, comme elle le dit, cela n’aurait pas eu le même impact s’il était déjà mort. Les dialogues, McDonagh sait les écrire avec ardeur, humour, mais aussi beaucoup de pudeur quand il le faut. La teneur dramatique prend alors toute sa dimension, elle naît du trauma de chaque personnage qui s’inscrit profondément dans leurs mots. Le microcosme humain et social représenté ici n’a rien d’anodin. Les protagonistes sont marqués par la réalité politique du pays. Racistes, misogynes, homophobes, ils n’ont pas grand-chose pour plaire. Le personnage de flic obtus campé par Sam Rockwell peut se targuer de tous ces défauts, pourtant on ne peut s’empêcher d’éprouver une réelle sympathie pour lui. A la fois attentionné et délicat, le regard que porte sur lui la caméra nous ferait presque oublier à quel point le type est ingrat. Il y a toujours une lueur d’espoir déposée quelque part pour chacun des protagonistes. McDonagh ne cherche pas à en faire un chemin de la rédemption pour autant. C’est le parcours qui compte, pas le résultat.

3 Billboards tire clairement son inspiration de l’Amérique profonde, si fragile et étrange à la fois. Il y a des aspects empruntés à tout un pan du cinéma américain ; le western, le polar, la comédie,… sans jamais que le film ne s’enferme dans une case. McDonagh en puise le meilleur pour créer une alchimie des genres. Une fusion qui permet aux acteurs de briller. Mention spéciale à Frances McDormand, tendue, meurtrie, pleine de chagrin et qui use d’un humour noir particulièrement fin. Tout est mis en place pour bousculer nos attentes. Les nuances creusent les personnages de fait qu’on ne peut jamais prédire leurs réactions face à telles ou telles situations. Sous l’apparence de simples idiots ou de petites gens, ils sont en réalité animés par l’amour de la vie. Ils ont beau se détester, au final ils font tout pour s’entraider. Le lien est fort dans cette petite communauté où l’on se tape sur la gueule pour finir dans les bras l’un de l’autre en larmes. Chaque scène est construite sur une dualité, une opposition de caractère dont l’issue n’est jamais assurée. Telle une cowgirl, Mildred avance à travers la poussière et affronte quiconque l’empêchera d’atteindre son but, de délivrer sa soif de vengeance. Frances McDormand s’est d’ailleurs inspirée du jeu de John Wayne pour ce rôle. La résolution de l’affaire compte peu dans 3 Billboards, c’est les répercussions sur l’humain qui importent. La douleur de Mildred est un engrenage pour la population qui l’entoure. Chacun y répond à sa manière, qu’il soit touché de loin ou de près. Cela mène à des situations cocasses faisant surgir un vivier de personnages secondaires tout aussi succulents. De fait, on ne peut jamais prédire où nous mènera le récit. De même pour la morale souvent douteuse, constamment remise en question, dont le scénario se refuse toute implication finale. 3 Billboards se nourrit de toutes ces failles et permet à Martin McDonagh de signer son meilleur film à ce jour, un classique instantané.

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