Parce que toute parole ne relève plus désormais que de l'esthétique, d'un jugement de sentiment. Ce n'est plus qu'une question de goût. Et si tu t'en doutes, n'en dégoûtes pas les autres."
Tu me diras que ce n'est pas le sujet ! si justement, il n'y a plus rien d'autre comme objet... tout mène ou ramène au sujet, à la subjectivité, à un être si particulier... même s'il prétend toujours à l'universalité ou à l'objectivité.
Et chacun se croit artisan et partisan de sa propre loi... autrement dit : autonome.
Atome indivisible ou électron libre. C'est d'une banalité affligeante et désobligeante : parce que chaque sensibilité cherche désespérément à prendre le dessus sur la sensibilité d'autrui quand elles ne sont pas du même avis... ou que leur émoi ou leur désarroi ne sont pas partagés.
"Les choses sont comme je les ressens". Il suffit de parcourir le web pour en avoir le cœur net : nous sommes de plus en plus naïfs, crédules, pathétiques.
Il suffit d'arpenter les sites, d'escalader les blogs, de déconstruire les tweets pour y découvrir les visages de l'ego, un concentré de narcissisme, un mélange d'amour et de mépris de soi.
Feuilletez... parce qu'il s'agit d'une infinité de feuilletons qui alterne la pathologie ordinaire du mytho avec la pathologie extraordinaire du parano.
Avec les mêmes professions de foi : être soi, devenir maître de soi, se sentir chez soi sous le regard médusé ou abusé des autres, des fameux témoins, amis lorsqu'ils vous reconnaissent, trolls ou intrus lorsqu'ils vous méconnaissent. Étrange théâtre où les protagonistes sont tour à tour acteurs et spectateurs. Parce qu'il s'agit bel et bien d'un spectacle, celui qui nous projette notre débâcle. Il n'y a plus de rideau... mais un monde sur le dos.
Le pire c'est qu'on y croit même quand on n'y croit pas.
L'attrait l'emporte sur le retrait. Et si tu ne le fais pas toi-même ; d'autres feront ton portrait. La machine est infernale. Progrès qui ne laisse aucune place au regret... parce que ça se pratique de gré à gré, même les mécontents finissent par être consentants.
Parle pour toi, ne parle pas pour les autres. C'est ce que je fais.
C'est devenu un tic, sans rien d'éthique. Je ne m'impose désormais que des trucs qui me reposent. Plus d'impératif catégorique, parce que chacun estime ne rien devoir à personne.
Que des impératifs hypothétiques :
Si tu fais ci, tu obtiens ça comme effet. Parce que tous les échanges dits "gratuits" sont intéressés et donc rarement intéressants.
Le tout c'est d'avoir le moral, d'être épanoui ; au diable, la morale !
Grammaire des subordonnées relatives : qui veut voyager loin, ménage sa monture... si A alors B et c'est pareil pour tout l'alphabet.
L'enchainement des sensibilités, qui sont elles-mêmes enchainées à elles-mêmes.
Parle pour toi, ne parle pas pour les autres : cette recommandation signe la mort de toute parole politique. Tu l'as sans doute remarqué mais, plus aucun discours politique n'est recevable ou redevable.
Quand ça sonne, personne ne décroche, en se disant que si jamais il y a quelqu'un à l'autre bout du fil, il s'est certainement trompé de numéro.
Enfin, ça tombe sous le sens : c'est le triomphe du chacun pour soi et de Dieu pour personne.
C'est l'âge le plus ingrat qui soit, pour l'homme. L'âge du numérique où nous sommes devenus joignables et en même temps négligeables. Un récent ouvrage américain intitulé : "le siècle juif " de Yuri Slezkine, soutient mordicus que c'est l'âge judaïque "celui des hébreux". Si c'était le cas, ça expliquerait le comment du pourquoi de toutes les démissions catholiques et de toutes les révolutions islamiques.
Je parle pour moi, pas pour les autres. Cela va de soi.