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L'enchantement simple et autres textes

Publié le 29 janvier 2018 par Pralinerie @Pralinerie
L'enchantement simple et autres textes C'est toujours un enchantement que de lire Christian Bobin. Il n'y a pas forcément d'histoire mais il y a des mots. Et derrière ces mots, des messages forts sur la vie, l'amour, la joie. Avec ces quatre recueils, c'est plutôt sa poésie que je découvre à travers L'enchantement simple, Le Huitième jour de la semaine, Le Colporteur et l’Éloignement du monde. D'abord autour d'Hélène, petite fille de quatre ans, de ses gestes, de ses jeux, des ses sommeils. Puis de tout ce qui fait la vie. Difficile de vous partager autre chose que ces passages choisis, qui expriment certainement mieux sa plume que tout ce que je peux vous dire. 
"Dans Pascal, par exemple : "Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais." Étonnement à lire Pascal. Lecture étonnée"
"Je vous écris l'évidence : que chaque soir je vais m'endormir dans le lit que me fait votre voix"

"Qu'est-ce donc que la vie ordinaire, celle où nous sommes sans y être ? C'est une langue sans désir, un temps sans merveille. C'est une chose dure comme un mensonge. Je connais bien cet état. J'en sais - par le cœur - la banalité et la violence. L'âme y est comme une ruche vidée de ses abeilles. L'âme, c'est-à-dire le corps, c'est-à-dire l'aube, c'est-à-dire tous les noms du monde, car tous les noms sont les pétales d'une unique fleur de songe, l'âme donc, s'abstrait, s'évade, s'ennuie. S'étiole. Quelques semaines passent ainsi, trois, quatre tout au plus : l'éternité, celle qui gouverne le sommeil et les pierres"
"Au fond, si la vérité nous fait parfois défaut, c'est parce que nous avons commencé à lui manquer, en prétendant la régenter et la connaître. Alors il est juste qu'elle nous châtie et nous renvoie dans le noir, congédiés par une peine qui nous rappelle à notre solitude comme à un devoir trop longtemps négligé"

"Ce n'est que dans l'amour - dans la délicatesse d'une main, la lenteur d'une voix ou le tourment d'un regard - que chaque chose retrouve sa place, toute sa place, au centre périssable d'elle-même : l'éternité est la part la plus friable du corps"
"Ne servir que ce maître-mot : l'amour. Ce gueux, ce mendiant, cette aurore qui gagne en nous comme un incendie, de proche en proche embrasant la forêt endormie dans l'arrière-pays de nos pensées, là où nous ne savons plus, là où nous arpentons, dans la dissolution de tous repères, une vie crue, sauvage et d'un seul tenant. Reconnaître cette allure gauche qui est la sienne, à tenir dans le creux de ses mots une rose d'eau vive et à trébucher souvent sur le chemin inégal, sans jamais rien en perdre. Entendre la lenteur de son pas : comme elle est nécessaire. Comme folle serait l'impatience..."
"L'enfant prodigue, s'il revient, ce n'est pas pour demander l'asile d'un pardon. S'il entre dans la maison, c'est avec, à ses bras, la folie d'une lumière conquise à mains nues dans l'ardeur d'une mort. S'il revient en eux - qui ne l'ont pas connu - c'est après un long détour, par des portes dérobées qu'ils ont négligé de condamner, dont ils n'ont plus souvenir. S'il parle, c'est pour bouleverser, non pour apaiser"
"Si nous considérons notre vie dans son rapport au monde, il nous faut résister à ce qu'on prétend faire de nous, refuser tout ce qui se présente - rôles, identités, fonctions - et surtout ne jamais rien céder quant à notre solitude et à notre silence. Si nous considérons notre vie dans son rapport à l'éternel, il nous faut lâcher prise et accueillir ce qui vient, sans rien garder en propre. D'un côté tout rejeter, de l'autre consentir à tout : ce double mouvement ne peut être réalisé que dans l'amour où le monde s'éloigne en même temps que l'éternel s'approche, silencieux et solitaire"
"Nous sommes devant la vie comme devant un messager qui frapperait chaque matin à notre porte. Nous l'invitons à entrer, nous le faisons asseoir et nous commençons à lui confier nos espérances et à lui faire part de nos plaintes, avant de lui proposer de partager notre repas et de nouveau la litanie des plaintes, le bavardage des espérances, à présent c'est le soir, nous le raccompagnons à la porte et nous le saluons sans avoir pensé une seconde à lire cette lettre qu'il agitait tout ce temps sous nos yeux"
"C'est un étrange métier que celui d'écrire parce que c'est moins un métier qu'un état et moins un état que l'espérance de cet état de plénitude qui, si nous pouvions l'atteindre et y demeurer indéfiniment, nous dispenserait d'écrire"
"La sainteté a si peu à voir avec la perfection qu'elle en est le contraire absolu. La perfection est la petite sœur gâtée de la mort. La sainteté est le goût puissant de cette vie comme elle va - une capacité enfantine à se réjouir de ce qui est sans rien demander d'autre"
"Il nous faut, en même temps qu'au monde, résister au souci que nous avons de nous-mêmes, autre voie par laquelle le monde pourrait revenir vers nous comme un rôdeur dans la maison ensommeillée"

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