Une aube de plus dans le village au bord de la rivière
et je suis jaloux des 63 lunes de Jupiter.
Au jardin j’examine un massif de lilas luxuriant,
suivi par cinq chiens qui m’ont élu
chef temporaire. À travers le brouillard
de vodka de la veille au soir mon regard vertical monte
sur au moins 10 000 mètres jusqu’aux montagnes
qui basculent vers moi. Pris de vertige j’agrippe les lilas
pour ne pas tomber. Bien sûr les fourbes nuages
jouent à se transformer en montagnes.
Une nuit à notre ferme, lors d’une promenade
au clair de lune les nuages poussés par un fort vent
d’ouest devinrent un banc de baleines nageant dur
dans le froid firmament et je compris enfin
que nous marchons au fond d’un océan que nous
appelons ciel.
*
Another dawn in the village by the river
and I’m jealous of the 63 moons of Jupiter.
Out in the yard inspecting a lush lilac bush
followed by five dogs who have chosen
me as their temporary leader. I look up
through the vodka jangle of the night before,
straight up at least 30,000 feet where the mountains
are tipping over on me. Dizzy I grab the lilacs
for support. Of course it’s the deceitful clouds
playing the game of becoming mountains.
Once on our nighttime farm on a moonlit walk
the clouds pushed by a big western wind
became a school of whales swimming hard
across the cold heavens and I finally knew
that we walk the bottom of an ocean we call sky.
***
Jim Harrison (1937-2016) – « River II » – Songs of Unreason (Copper Canyon Press, 2011) – Une heure de jour en moins (Flammarion, 2012) – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent.