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De la déportation aux défilés haute couture, rencontre avec Véronique Mougin

Par Samy20002000fr

De la déportation aux défilés haute couture, rencontre avec Véronique Mougin

A l’occasion de la publication de son deuxième roman, Où passe l’aiguille, publié chez Flammarion Véronique Mougin est partie à la rencontre des lecteurs Babelio. 

Connue pour ses enquêtes, la journaliste Véronique Mougin est également écrivain. Après avoir publié plusieurs essais et investigations, elle a en effet écrit en 2015 un roman intitulé Pour vous servir, fiction plongeant le lecteur dans le monde des gouvernantes. Animée depuis quelque temps par le désir de raconter l’histoire de son cousin Thomas, qui, après avoir été déporté, est devenu grand couturier, l’auteur change aujourd’hui de registre avec Où passe l’aiguille, un nouveau roman publié chez Flammarion à mi-chemin entre le récit de témoignage et la fiction. 

Véronique Mougin a essayé à travers cette œuvre de divertir le lectorat tout en évoquant un sujet difficile ; pari tenu ?

De la déportation aux défilés haute couture, rencontre avec Véronique Mougin

Du récit de témoignage au roman

Immédiatement interrogée sur l’aspect biographique de ce livre qui est classé dans la catégorie des romans, l’auteure confie avoir voulu restituer le plus fidèlement possible le cheminement de son cousin, pris dans les tourments de la guerre et du fascisme. Elle a ainsi réalisé plusieurs séries d’entretiens avec Thomas, né en 1929, pour ensuite retranscrire ses propos dans un ouvrage qu’elle ne qualifierait d’ailleurs pas de « roman » même s’il ne s’agit pas non plus d’une biographie à proprement parler. Une biographie aurait en effet selon elle “écrasé l’aspect extraordinaire de cette histoire romanesque”.

Elle souhaitait aussi que les adolescents d’aujourd’hui puissent se reconnaître dans l’adolescent qu’était son cousin à l’âge de quatorze ans lorsqu’il a été déporté et une biographie aurait pu selon elle « augmenter la distance entre l’enfant de 1944 et celui d’aujourd’hui ». A travers les yeux de Thomas, l’auteure a souhaité faire le portrait d’un enfant débordant de vie bousculé et bouleversé par la guerre, la déportation et les camps de concentration et montrer comment il a pu s’en sortir à un si jeune âge .  

Ce rapprochement entre le lecteur et l’expérience vécue par Thomas est facilité par le choix de la première personne. L’auteure confie que son cousin, aujourd’hui âgé de 89 ans étant resté « assez gamin », il n’a pas été difficile pour elle de retrouver la voix du jeune homme qu’il était pendant la guerre.

Un travail d’écriture… et de recherches

Si l’auteure est par ailleurs restée très proche des témoignages de Thomas, elle a également réalisé un travail de recherche pour ne pas dépendre uniquement de ses souvenirs : « Je ne pas voulais pas donner prise à la contestation en restant près de la réalité et proche de mon cousin ». Ses informations, elle les a eues dans des archives et lors de voyages dans des camps en Hongrie où son cousin a été déporté. Où passe l’aiguille présente tout de même quelques aspects fictifs avec des personnages ajoutés, supprimés ou recréés. Par exemple, l’auteure donne des explications sur le personnage de Serena qui est “la jeune fille sur laquelle Thomas tire et ne s’appesantit pas du tout; j’ai voulu tenter d’expliquer pourquoi il avait tiré en lui fournissant des pistes de réflexions”, des hypothèses qu’il a ensuite approuvées et validées.

De la déportation aux défilés haute couture, rencontre avec Véronique Mougin

Élément déclencheur

Pourquoi écrire ce récit aujourd’hui alors que l’auteure montre dans le roman un Thomas qui refuse de parler de tous les drames qu’il a vécus ?

Pour Véronique Mougin, c’est une histoire  que chaque membre de sa famille a essayé de transmettre d’une manière ou d’une autre malgré les silences de celui qui se fait appeler « Tomie ». Si Thomas a toujours refusé de parler de ce qu’il a vécu et qu’il a tenté par son travail d’oublier ce qui s’est passé ou tout du moins de ne pas y penser (« Thomas avait la certitude, je pense, que s’il parlait, il allait en mourir »), il s’est un peu épanché ces dernières années et a témoigné de longues heures durant auprès de Véronique Mougin. L’auteure a écrit un livre sur sa vie, mais tous les membres de sa famille ont essayé de porter son histoire, d’une manière ou d’une autre : “En tant que petite fille, nièce, cousine de déportés, on se sent responsable de transmettre l’histoire”.

Un titre intrigant

Le titre Où passe l’aiguille est interprété différemment selon les lecteurs et l’auteure est satisfaite que chacun puisse se faire sa propre interprétation. Pour Véronique Mougin, c’est en premier lieu une référence au monde de la couture, monde qui a permis à Thomas de s’épanouir, mais c’est aussi un proverbe : « Où passe l’aiguille passe le fil ». Ce proverbe avait une signification pour l’écrivaine qui pensait à « tel père, tel fils », la couture ayant été transmise par son père à Thomas. La couture occupant une place majeure dans la vie de Tomie, Véronique Mougin confie que son cousin, à travers l’épreuve de la déportation durant laquelle il était entouré d’hommes, a changé sa perception de voir les hommes et les femmes. Il a ainsi développé l’idée d’habiller les hommes comme des femmes et réciproquement tout au long de sa grande carrière dans une maison de couture de renommée. L’homme a vraiment réussi à “prendre sa revanche sur la vie” à travers la couture.

De la déportation aux défilés haute couture, rencontre avec Véronique Mougin

L’auteure sera présente sur plusieurs festivals dans les jours qui viennent afin de présenter son livre, et est sélectionnée parmi 10 autres écrivains pour le Prix des Lecteurs de Levallois 2018 au Salon du Roman Historique de Levallois le 11 mars prochain.


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