Il faut encore aller plus au Nord de l’Europe et plus précisément en Suède pour retrouver deux collections importantes issues des voyages de Cook. Le Musée Ethnographique de Stockholm conserve effectivement des objets collectés par Anders Sparrman (1) qui a rejoint la deuxième expédition à Capetown comme assistant de John Reinhold Forster.
L'autre groupe d’objets que contient le musée est très probablement une collection provenant de Joseph Banks et de son assistant Daniel Solander établie lors du premier voyage (2).
Sparrman et Solander avaient un point commun, outre d'avoir navigué avec le Capitaine, c'est d'avoir été des "apôtres" de Linné, ces disciples pariculiers qu'il sut former et envoyer aux quatre coins du mondes.
Anders Sparrman était en effet un homme éclairé et curieux… Il n’avait que dix-sept ans lorsqu’il fit son premier voyage au long-cours en tant que chirurgien du bord. De retour, il reprit ses études qui furent vite de nouveau interrompues par un long voyage jusqu’en Afrique du Sud. En novembre 1772, alors qu’il se trouvait à Capetown, Johan Reynhold Forster lui demanda de l’accompagner comme assistant sur la Resolution. C’est donc au cours du second voyage que Sparrman acquit des objets ethnographiques. Il rédigera aussi un récit de voyage (A voyage to the Cap of Good Hope, the Antartic, and Round the World, as well as to the Hottentot and Kaffir Countries, in the years 1772-76) dont une partie est consacrée à l’Afrique du Sud et constitue un témoignage important sur les peuples khoïkhoï encore aujourd’hui méconnus. De retour en Suède, il voyagea de nouveau en Afrique de l’Ouest puis en Europe et s’installa à Stockholm pour écrire notamment et ce, jusqu’à sa mort en 1820.
Il existe ainsi 50 objets du Pacifique qui sont entrés en 1799 dans les collections du musée ethnographique de Stockholm grâce à Sparrman. Il s’agit d’artefacts qu’il a collectés en Nouvelle - Zélande, à Tahiti, aux Tonga, aux Marquises, en Nouvelle-Calédonie et aux Nouvelles - Hébrides (3). Il n’y a pas d’objets exceptionnels, on notera des bracelets, des paniers, des sièges des Tonga, des ornements des îles Marquises, deux taumi de Tahiti et bien sûr des armes et outils des différentes régions. Ce sont ainsi 107 objets (y compris de ses collectes en Afrique) qui sont accessibles sur la base de données du musée.
Quant à l’autre collection, il semble qu’elle provienne de Joseph Banks, lequel a fait de nombreux dons d’objets ethnographiques. Parmi les bénéficiaires, on trouve Sir William Hamilton (gouverneur de Grande Bretagne à la Cour de Naples de 1764 à 1800, célèbre notamment pour avoir vendu une partie de sa collection d’antiquités grecques au British Museum en 1772 et, entre autre, membre de la Royal Society de Londres lorsque Banks est à sa tête de 1778 jusqu’à sa mort en 1820), Charles Francis Greville, le neveu d’Hamilton et antiquaire, Thomas Pennant et John Loyd, des amis de Banks, naturalistes tous les deux et membres de la Royal Society, William Bullock (naturaliste et explorateur, il créera son museum en 1780 et dont la vente aux enchères de 1819 a dispersé 32000 objets !) et enfin, le marchand collectionneur suédois Johan Alströmer.
Or il existe bien une donation au musée ethnographique de Stockholm datée de 1848 et étiquetée sous le nom « Collection Alströmer ».
Se pourrait-il que cette collection contienne des objets « Cook » ?
Ce sont des recherches menées par Stig Ryden dans les années 60 qui ont apporté les premières réponses. Afin de comprendre la constitution de la collection, il faut remonter à la fin du 18ème siècle lorsque le père Jonas Alströmer était parvenu à bâtir un empire basé sur l’industrie de la laine et l’agriculture. Ce dernier mourut en 1761, laissant les affaires aux mains de ses fils : Patrick, August, Clas et leur demi-frère Johan. Tous les quatre étaient des hommes brillants, qui avaient fait leurs études à l’université d’Upsala ; tous avaient été des élèves de Linné lorsque celui-ci occupait la chaire de botanique. C’est par ce biais que Johan rencontra Daniel Solander, le « fils spirituel » de Linné disait-on, et qui allait devenir l’ami de Joseph Banks lorsqu’il s’installera à Londres en 1760 ; puis, qui l’accompagnera dans le premier voyage.
Or entre 1777 et 1780, Johan voyage en Europe afin d’étudier les formes des nouvelles entreprises qui se mettent en place et leurs nouvelles techniques de fonctionnement. Il est à Londres en 1778 où, retrouvant là son ami, ce dernier le présente à Banks qui va l’introduire notamment auprès d’industriels. Mais ces deux là ont bien dû échanger sur leur passion pour l’histoire naturelle et la richesse du cabinet de curiosités des Alströmer, car on a retrouvé une lettre (4) datée du 2 juin 1778 dans laquelle Banks promet d’envoyer de nombreux spécimens en Suède.
Quelle fut la nature de ces envois ?
Hélas on n’en sait rien… En octobre 1778 le feu ravagea une partie du cabinet de curiosités des Alströmer mais, lorsque Francisco de Miranda (celui qui allait devenir le héros de l’indépendance vénézuelienne) fit son tour d’Europe, il mentionne dans son journal l’extraordinaire richesse du cabinet de Clas Alströmer. Cétait en 1787. Tout ne devait donc pas être perdu !
Stig Ryden fait l’hypothèse que les objets ont dû être acheminés par Linné le jeune en Suède en août 1782 avant le décès de Solander. Son inventaire de 1962 comptabilise les objets qui ne semblent pas faire de doute quant à leur provenance des voyages de Cook et issus de la collection Alströmer.
Ils seraient au nombre de : 5 - Terre de feu, 9 - Tahiti, 3 - Tonga, 19 - Nouvelle-Zélande et 8 - Polynésie mais qu’il ne sait pas situer exactement. Deux autres objets proviendraient des Nouvelles-Hébrides, et 7 autres de Mélanésie mais leur provenance géographique est si éloignée des routes de Cook qu’il semble très hasardeux pour Stig Ryden de les attribuer à la donation de Banks.
Ce sont donc 39 objets polynésiens, probablement collectés lors des premier et deuxième voyages de Cook, qui sont conservés à Stockholm et viennent renforcer la collection d’Anders Sparrman.
Des notices et une carte dans l’ouvrage de Ryden (5) apportent des précisions sur cette collection encore méconnue.
Notes :
1. Soderstrom J., 1939, A. Sparrman’s ethnographical colection fom James Cook 2nd Expedition (1772 – 1775)
2. Ryden Stig, 1963, The Banks Colection. An Episode in 18th - Century Anglo-Swedish Relations, Stockholm : Almqvist & Wiksell
3. Ceux-ci ont fait l’objet de la publication-référence en 1939 de la part de J. Soderstrom.
4. Rapportée par Stig Ryden S., 1963, p. 29 : « The Latter as an Old Friend and fellow student is doing everything in the World to procure me knowledge and pleasure, and by his introduction I have also completely won Mr. Bank’s friendship. He has not only introduced me among all Scholars but also promised me always in the Way of Learning to accomplish everything he can. The 3 species of Alstroemeria he is now causing to be painted on Parchment by the best miniature painter of herbs, which he is giving me, he has also promised Duplicates of all His collection of Herbs, Shells and Insects and that for ever. No week passes but he receives huge Paquets of Naturalia from all parts of the world, for he has friends in all places, and all extend themselves to show him courtesy ».
5. Ryden Stig, 1963, The Banks Colection. An Episode in 18th - Century Anglo-Swedish Relations, Stockholm : Almqvist & Wiksell.
Photo 1 : Bracelet des Tonga © Etnografiska museet Stockholm 1799.02.0032.
Photo 2 : Hache maorie © Etnografiska museet Stockholm 1799.02.0004.
Photo 3 : Stop Rat © Etnografiska museet Stockholm 1799.02.0009.
Photo 4 : Pilon de Tahiti © Etnografiska museet Stockholm 1848.01.009.
Photo 5 : Massue de Nouvelle-Zélande © Etnografiska museet Stockholm 1848.01.0001.