L'action se déroule dans l'Espagne de la fin du XVIII°siècle où on peut voir que le harcèlement sexuel était déjà une faute condamnable, ... par Victor Hugo puisque c'est lui qui a imaginé l'intrigue.
On y suit les péripéties haletantes d’un héros romantique et révolté, d’un seigneur cynique et machiavélique, d’un aventurier épicurien, d’une reine prisonnière d’un amour impossible et de ministres corrompus qui pillent le pays pour assouvir leurs ambitions personnelles.
Don Salluste, marquis de Finlas (Franck Cadoux) est, nous dit le programme un personnage sombre, peu scrupuleux et très attaché à son honneur, furieux d’être disgracié par la reine pour une amourette avec une servante, une fille de rien ! Je refuse de l’épouser... Qu'on m'exile !
Le comédien a une manière de dire les vers en prononçant chaque lettre avec exagération qui est prodigieusement agaçante, ce qui est bien entendu voulu pour nous le faire détester davantage. Sa manière d’articuler « Condi-si-ion » est exaspérante. Bien plus tard la reine (
Karine Tabet) imitera ce phrasé pour se moquer du tic. Pour le moment ce petit personnage est odieux et on rit de ses projets de vengeance. On a tort. Il prévient que ce sera effrayant et cela sera.On se réjouit trop vite que son chevaleresque cousin Don César de Bazan, comte de Garofa (Gaël Colin) décline sa proposition et on est heureux de l'entendre défendre la gente féminine : Me venger d’une femme, mon cousin halte là. Ce sera Ruy Blas (Damien Coden), poète et vagabond, devenu laquais par nécessité qui sera le bras vengeur, à son insu, victime de l’amour qu’il voue secrètement à la reine : Mon secret, moi laquais je suis amoureux de la reine.
La jeune reine d'Espagne s'ennuie, loin de son Allemagne natale. Elle en peut qu'être touchée par les fleurs que dépose un inconnu sur le banc où elle se rend chaque jour. Elle identifie Ruy Blas et le sauve du risque de duel en envoyant un soupirant rival (Cédric Miele) porter un coffret à son mari avec force minauderies savoureuses.
Tout semble se dérouler au mieux pour nos héros. Ruy Blas devient Premier ministre par la faveur de la Reine, et s'oppose à ceux qui pillent l'Etat. La souveraine reconnait son amour mais le bonheur est de courte duré car Don Salluste ne renoncera pas à sa machination. Qu'il est touchant d'entendre Pour vous sauver je sauverais le monde. Hélas le destin est en marche et rien ne pourra l'arrêter. Ruy Blas sera la première victime d'un maître cynique qui lui avait promis : faites ma volonté, je fais votre fortune.
Quand Ruy Blas, poussé à bout, doit révéler sa véritable identité à la Reine, il humilie Salluste et le tue avec sa propre épée. La Reine ne peut pas accepter cet amour et il est trop tard quand elle se rend compte que Ruy Blas est en train de s'empoisonner.
La scène finale rappelle un autre drame romantique, Cyrano de Bergerac, avec lequel on peut trouver plusieurs rapprochements, notamment quand la reine peut réciter par coeur la lettre de son amoureux.
C'est une tragédie d’aimer en dehors de sa condition et qu’une femme puisse préférer un autre homme à son mari n'est, en quelque sorte pas acceptable. Il y a cependant des moments de comédie autour de César et de personnages secondaires (comme la duègne) dont on se demande si la familiarité est intentionnelle.
Il y a aussi des moments qu'il faut apprécier au second degré. Notamment le ballet des duègnes bredouillantes ou la scène des ministres pilleurs de l'Etat qui du coup, perd de sa force tant les hommes sont ridicules. En revanche les scènes de combat à l'épée, qui sont jouées sans doublure sont impressionnantes de réalisme. J'ai mal compris l'intérêt d'une musique grinçante et la pertinence des chants africains.
Ces réserves sont peu de choses au regard d'une interprétation très juste qui mérite qu'un large public (y compris les scolaires, présents en nombre, et fort attentifs le soir de la première) vienne applaudir le spectacle dans ce théâtre joli comme un écrin ... dont les boiseries étaient à l'abandon au moment de la création originelle de Ruy Blas.
Le décor est sobre. Il se transforme astucieusement en fenêtre, trône ou cheminée. Les costumes évoquent l’Espagne de Velasquez sans trop de magnificence.
Ruy Blas de Victor HugoMise en scène : Vincent CaireAvec : Aurélie Babled, Franck Cadoux, Vincent Caire ou Alexandre Tourneur, Gaël Colin, Damien Coden, Cédric Miele, Karine TabetCostumes: Corinne RossiDécor: Nicolas Cassonet et Caroline RossignolThéâtre du Ranelagh - 5 rue des vignes - 75016 Paris.Du 24 janvier au 20 avril 2018Du mercredi au samedi à 20h45 et dimanche à 17h(Relâches les 2 février ; 8 et 16 mars ; 15 avril)Le Mardi 6 mars 2018 à 20h45 une représentation exceptionnelle sera donnée au profit de l’association A force d'envies, association qui aide les femmes, après la prise en charge d'un cancer du sein, et une fois les traitements passés, à se réapproprier leur corps, à reprendre confiance en elles, dans une période encore faite d’incertitudes. La Compagnie les Nomadesques et le théâtre Le Ranelagh reverseront la totalité de la recette de la représentation (25€ la place – tarif unique).
Rappelons que ce cancer du sein, premier cancer féminin, touche 1 femme sur 8 (soit 50.000 nouveaux cas par an). Venez nombreux !