Images sonores
La matière, la substance, la texture, une saveur et presque l'odeur des éléments portent le noir des mots sur la page, les pigments créent l'espace où les vers proposent une table neuve de traduction non mutilante entre peinture et poésie. Les orées et crépuscules, les origines et fins s'approfondissent, se dispersent et se créent en de nouvelles altitudes formelles et tréfonds.
Si atomes il y a vus à l'instant de leurs compositions et associations de la main du peintre ou du sculpteur qui modulent l'espace, ceux-ci ont leurs caractères, personnalités, couleurs tactiles dont les éclats vifs et non encore reflets ou ombres-portées agissent sur le corps de celui qui les voit, deviennent sons, énergies, écarts et intervalles entre les mots dont les naissances, les tropes, dans l'esprit du regardeur précèdent des significations proposant un accord, une symétrie entre images et voix. L'imitation et l'écho entre peinture, matière picturale et langage oral et écrit ont alors lieu pour autant qu'une singularité respective entre les deux formes de vision du monde s'affirme sans remords.
Stéphane Lambert éprouve la profondeur concrète et la matérialité du regard libre, le paysage indéterminé perd le regard dans cette absence de détermination
« tout comme
une pensée
laisserait
soudainement
entrevoir
son abîme
plus rien
n'existerait
hors ce regard
[perdu
dans l'indétermination
où l'œuvre
serait devenue
finalement
le lieu unique
[de notre vie »
à la vue de la Rothko room / à Washington, le peintre et le poète affirment, modernes, qu'ils vivent en cette ère inaugurée par Cézanne il y a un peu plus de cent ans avec l'abstraction et la nouvelle figuration peintes des mains de Kandinsky, Malevitch, Klee, Duchamp, Pollock, contemporains de la fin logique de la toute puissance du déterminisme aveugle à la vie concrète des hommes et nourrissent la nécessité de vivre autrement qu'assujettis à des archés intangibles,
« faire vivre du néant /
ce qui sans création /
à notre vue /
serait sans existence »
sans perdre la tonalité et la vibration de l'inapparent, écrit-il dans la partie Christian C
Pomme, terre, ovale, soleil, les vers composés de blancs et de noirs d'après et en compagnie de Cy Twombly fanent l'effacement du doute, onde, jaune, la force d'attraction, la séparation d'avec l'arbre, en six chants, exposent la nudité du mythe vrai parce que tremblé et né, rectifié de la main du peintre, rosée de toutes aurores, en écho aux fresques antiques et aux cinq artistes, Anisk Kapoor, Mark Rothko, Cy Twombly, Christian C, James Turell où les formes au plus près de l'informel créent des analogies dans une postérité du cubisme dont les matières et les plans, les clartés et leurs associations n'oublient ni les vivants ni les morts.
L'art agit par à-coups, la liberté du matériau et celle de la forme se subvertissent mutuellement, se propagent dans l'espace-temps ainsi que l'éprouve Stéphane Lambert,
« penser en éclat
comme si l'inscrit
cherchait
par essence
à se libérer
de l'expérience »
René Noël
Stéphane Lambert, Art Poems, La Lettre Volée, 2017, 80 p. 15€
Poezibao a publié tout récemment deux extraits de ce livre.