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(Anthologie permanente) Claude Mouchard, "Entangled Papers ! Notes"

Par Florence Trocmé

Claude Mouchard  entangled papersClaude Mouchard publie Entangled Papers ! Notes, aux éditions Contra Mundum Press, New York, London, Melbourne. Le livre est bilingue et le texte original de Claude Mouchard est donné en français dans la seconde partie du livre.
Au BORD DE LA LOIRE (rive sud, à un ou deux kilomètres peut-être à l'est de la ville), à l' écart de la route,
dans une de ces zones confuses où semble régner une vacance des contrôles (mais trop éloigné, cet endroit-ci, de la ville pour que s'y passent, comme dans d'autres comparables, des trafics, des affaires, entre autres, sexuelles)

saules, osiers, masses qui, sous le vent, dans le courant, se renversent
soudain
si clairs (unis alors au ciel),
hautes broussailles,
bandes de sables variables,
odorante boue de Loire nuancée et merveilleusement fine
(comme celle puisée au creux d'un sabot
dans quel conte d'Andersen ?)
et oiseaux, rongeurs de toute taille
rives qu'on apercevait, à la fin des années quarante
(pont cassé, effondré: blocs obliques, tiges de métal),
depuis de longues barques noires
ou bien, à vélo, quelques années plus tard,
dans la ;ni-obscurité où les chemins se perdaient,
sentir (sol déroulé sous le halo des phares) le réel
grésiller en possibles
ou (puissance ocre granuleuse du continu)
sortir de lui-même en myriades émerveillantes d'intermédiaires

— là où nous (H. et moi) avons été appelés là un dimanche matin (en quel froid début de printemps ?), par G., correspondant du Monde à Orléans, non loin d'un établissement où de vieux Maghrébins sans famille
vivent leur retraite —
combien sont-ils à s'être réfugiés — clandestins —
et à s'entasser, la nuit, dans d'étroits édicules en béton (probablement des cabanes de jardins ouvriers abandonnés)
La plupart nous regardent, debout, en silence ...
Il y a là — nous l'apprenons sans avoir demandé les identités ou appartenances — quelques Algériens, un Égyptien, des Africains (une femme, une seule, logée — nous montre-t-on, en ouvrant l'une des cabanes ... matelas et couvertures entassés ... — avec l'un des hommes). Et se font connaître (par l'intermédiaire de l'Égyptien) quelques jeunes hommes du Darfour.
On erre un peu (sacs ou bouteilles en plastique dans les herbes, inévitablement, papiers, matelas pourris) ... sans réclamer, certes, de tout voir.
Pas de point d'eau, constatons-nous.
Il semble que celui qui, à quelques centaines de mètres de là, au bord de la route, aurait pu être utilisé, a été fermé — sur l'initiative de quelle autorité par quelle décision de les dissuader de rester là ?
Que boivent-ils Ce que des membres d'associations leur donnent, avec de la nourriture.

Dans l'énorme bidonville de Nanterre, durant les années 60-61,
au bord d'une route « nationale » (voitures, le dimanche soir),
champs de boue sans aucune installation, baraques édifiées de débris, bouts de planches, cartons, tôles et tissus)
(et aussi: menaces [contradictoires], contrôles ... couvre-feu, tirs, dans la nuit, à « balles réelles »)
c'était, pour les enfants,
un long chemin
jusqu'à l'unique point d'eau accessible
 — au-delà, juste, de « leur » espace, de cet « entre »-là malgré tout, frustement,
constitué là —
avec de petites carrioles
à grandes roues à traîner et pousser dans les ornières puantes,
et de lourds bidons en alu
(récupérés dans d'archaïques épiceries d'« arabes »)

Pour se laver (et leurs vêtements), ils ont l'eau de la Loire :
« on » (un Algérien traduit pour tous — même s'il avoue mal comprendre l'arabe des gens du Darfour), « on sent mauvais » ..
et ils nous font, en effet, sentir, non sans manifester par gestes leur humiliation, l'aigreur qu'exhalent les plis de leurs vêtements imprégnés des particules de boue
(celle qui — sur les plans d'eau glissant tournoyant ou dans les torsions et malgré les arrachements soudain blancs — brunit le fleuve.)

(...)
Claude Mouchard, Entangled Papers ! Notes, translated and with an introduction by Mary Shaw, préface de Michel Deguy, Contra Mundum Press, 2017, livre bilingue.
En raison de la complexité de la mise en page, Poezibao n’a pu donner ici la version en anglais.
Claude Mouchard dans Poezibao :
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