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Evidence « Weather or Not » @@@@

Publié le 26 janvier 2018 par Sagittariushh @SagittariusHH
Evidence « Weather or Not » @@@@ - Hip-Hop/Rap

Evidence « Weather or Not » @@@@

Un commentaire

« La vie ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, mais d’apprendre à danser sous la pluie », cette phrase de Sénèque convient parfaitement à la philosophie de Evidence. Maintenant père et plus vieux, le MC Left Coast conclut en cet hiver 2018 sa trilogie pluvieuse ‘Weatherman’ avec  Weather or Not (Rhymesayers). Sortez vos parapluies, parce que EV reste très rap lui en ces temps maussades.

Octobre 2017, la mauvaise nouvelle est tombée : le concert d’Evidence que SURLMag préparait au Sucre pour le 7 Novembre dernier est annulé pour des raisons personnelles totalement justifiées, rappelées par l’intéressé à la fin de ce nouvel album solo (nous y reviendrons au moment opportun). Mais qu’importe, une tournée ajournée ou être complètement sous l’eau, Mr Slow Flow comme il se surnommait est resté maître du temps. De retour à Los Angeles, le tiers des Dilated Peoples ne s’est pas tourné les pouces pour observer les incendies et les averses, mais pour écrire les versets de Weather or Not, point final d’une série de trois albums (et un EP, n’oublions pas l’excellent The Layover) qui a démarré en 2007 avec The Weatherman LP. 

Quand on parle rap californien, ça évoque immédiatement soleil, lowrider, gangsta rap, g-funk, gangs, weed, etc… Mais quand le ciel se drape d’un épais tapis de coton gris gorgé d’eau et les palmiers frémissent avec le vent, EV relève sa capuche et avance d’un pas résolu car tel est son élément. Et le hip-hop listener l’accompagne à ses côtés lorsqu’il se remémore ces tranches de vie qu’il a capturé et narre comme la description d’une photographie, que ses pensées fusent pour assassiner le beat avec sa diction précise et des formules qui font mouche. Mais d’abord, il nous la rappelle non sans fierté son allégeance à sa Côte dès « The Factory« , en répétant en effet que « you’re rockin with the west », s’il fallait encore en douter. Fier c’est sûr, confiant comme une personne dont la patience a porté ses fruits, endurci comme un marathonien, mais toujours d’une extrême humilité envers ses pairs (« I’m Rhymesayer number three under Slug and Ali »).

Weather Or Not peut représenter la traversée d’une phase dépressionnaire née d’une certaine forme de mélancolie. À l’écoute, ça se traduit par le magnifique instrumental de « Throw It All Away » signé Alchemist, Evidence fait écho à l’expression de Sénèque en affirmant sur le refrain « when I said it I was walkin’ in the rain ». Bien que ce cher Alan Maman utilise un joli sample empli de spleen, que deux monstres avant lui avaient déjà exploité (Madlib et Apollo Brown), EV confie la chose suivante: « I write to Alchemist ’cause others don’t inspire me ». Les Step Brothers se retrouvent plus tard sur « Sell Me This Pen » (feat Mach-Hommy) et surtout « Love is a Funny Thing« , de nouveau avec un magnifique sample, de piano cette fois, et un couplet de madame Rapsody (on oublie Styles P qui est out). Une autre alchimie qui fonctionne à merveille, celle avec DJ Premier. L’extrait « 10,000 Hours » est probablement le meilleur beat de Preemo depuis… « You« , d’Evidence. N’en déplaise à Royce Da 5’9.

L’hygrométrie est élevée, le baromètre également, mais la barre est moins haute que son prédécesseur Cats & Dogs, une tempête orageuse ponctuée d’éclaircies à côté de cette longue averse. Ceci dit, Evidence maintient une pression atmosphérique forte lorsqu’il se compare à de la « Powder Cocaine » (très second degré) ou devient « Jim Dean« , à la recherche du respect qui lui est dû. La prod de Nottz est lourde comme à son habitude, classique, à base de grosses infrabasses, néanmoins accuse de trop d’inertie. Les métaphores Evidence donne la parole à des hommes de confiance issus de son entourage proche, comme Defari sur l’épuré « Runners » (dans une veine similaire à Rare Poise qu’il a produit), Rakaa évidemment et Krondon qui balance un refrain meurtrier et dur, tel son personnage dans la série Black Lightning. L’inénarrable Jonwayne crée la surprise en posant sur « To Make a Long Story Longer« , démarrant son couplet par « It was 10 years ago when I took my momma’s laptop/ Bootlegged a copy of Fruity Loops to get famous », fidèle à son image de nerd. Et, au fait, cet instru vintage de Samiyam, un vrai bijou.

La réussite de ce troisième opus est sans nul doute « Rain Drops« , zen, dans son sens le plus japonais qui soit. Rares sont les morceaux de rap qui suscitent une tel sentiment de calme et de plénitude. Profitez de ce moment pour une méditation quand le regard se porte sur les fenêtres ruisselantes d’eau de plus. Weather or Not s’achève sur une note très personnelle, poignante même, avec comme ambiance un fond de gospel pitchée par Budgie avec « By My Side Too« , pendant lequelle Evidence évoque la naissance de son fils Enzo et explique comment ils ont découvert le cancer de sa compagne peu après. Voilà le tableau entier du type d’homme auquel on a affaire dans cette atmosphère globalement grise où l’humeur n’est pas au beau fixe, celle d’une personne aux rimes parfois  amères et caustiques, mais une personne très sérieuse, honnête, intraitable, un très bon ami. Son style brille comme le reflet d’une flaque, quand ses nouveaux flows serpentent entre les gouttes.

« Some thinks I’m clever, others think I’m the one who makes too many references to the weather, or not ». Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, c’est oui.


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