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Le grand oral pour une musulmane

Publié le 16 février 2018 par Le Journal De Personne

Je vous prie de m'excuser... m'excuser de me présenter devant vous pour le grand oral. En tenue de bain... ce n'est pas parce que je l'appelle Médine... mais parce que tout de suite après... j'ai piscine.

Ça fait longtemps que j'attends ce moment pour dire pourquoi, pour dire comment certains Français n'aiment pas la France.

Je serais probablement très mal notée parce que tout ce que je vais dire sera connoté ou mal interprété.

Je suis censée vous réciter mes abc du bac et non de sauter le pas en vous disant que j'en ai assez de vous voir faire semblant de me supporter, assez plus qu'assez de devoir vous respecter.

Entre nous il n'y a jamais eu de mariage d'amour, pourquoi voulez-vous qu'il y ait un mariage de raison ?

Parce que nous habitons la même maison ?

Ou parce que nous n'avons pas réussi à établir avec le ciel la même liaison ?

Un enfant qui apprend qu'il n'a pas été désiré, finit toujours par renier ses parents.

Quand la matrice est factice, il ne faut pas s'étonner de voir prospérer le vice.

Je suis fille d'immigrés et je n'éprouve pas le moindre regret.

Et je n'ai jamais cru, ni pu croire aux envolées lyriques de la France quand elle évoque les lois de la République...

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Qu'elle a le même regard, le même égard pour une église, une synagogue ou une mosquée ?

Qu'elle tend la même oreille à un blanc, un noir ou un bâtard ?

On me refuse le droit de porter un foulard, pourquoi ?

Parce que c'est un signe ostentatoire qui remet en question le pouvoir... quel pouvoir ?

- Le pouvoir de distinguer entre les gens d'en haut et les gens d'en bas.

- Le pouvoir qui sépare ceux qu'il met dedans et ceux qu'il met dehors.

- Le pouvoir arbitraire qui appelle universel tout ce qu'il a de particulier : le vin, le Boursin et le tapin.

Oui pour une boîte de nuit, non pour une salle de prière !

Rien que l'interdit me donne envie de prier, plutôt que de danser, "de faire chier" et je mets ces mots entre guillemets pour dire que je maitrise le français et que si je me soumets, ça ne veut pas dire que je suis soumise.

La France dit que mon geste n'a rien de religieux, rien de prodigieux, il est éminemment politique.

Si c'était le cas, la France pourrait encore moins m'ôter ce droit !

C'est écrit sur mon front ou son fronton : liberté.

Oui je suis libre de protester, de contester sans être montrée du doigt ou stigmatisée.

Oui je fais exprès de manifester ma liberté, de la rendre manifeste sinon à quoi servirait l'état de droit ?

Si je me présente comme une croyante, c'est pour vous dire que je ne suis pas votre servante.

Que quelque soit le temps qu'il fait, nul ne peut m'empêcher de croire à l'éternité... et de le faire savoir, s'il vous plaît.

Ce n'est pas de la propagande mais une autre façon de concevoir notre rapport au monde.

Ce n'est pas parce que j'ai une dent contre la France que je fais Ramadan, ma foi n'a rien de mordant.

Vous la craignez, mais elle ne vous craint pas, parce qu'elle a une partie liée avec le buisson ardent... cette flamme qui ne tremble pas, mais vous fait trembler. C'est à elle et non à vous que je voudrais ressembler.

La France se veut pragmatique, toujours en guerre, depuis les lumières avec les dogmatiques.

Je n'ai jamais entendu de prétention plus dogmatique !

Un esprit qui vous oblige à vous ouvrir, ne peut pas être un esprit ouvert mais entièrement couvert ou à découvert.

Je suis mauvaise parce que je ne mange pas de jambon.

Je suis esclave parce que je porte le turban.

Je suis barbare parce que je chante en arabe.

Je suis islamiste parce que je loue les musulmans.

Je suis cynique parce que je ne comprends toujours pas ce que c'est que d'être laïc.

Je suis la racaille parce que je dis non à la fricaille.

Je suis... je suis, comment dire ?

Je suis... en rupture de bail. Je déchire le contrat qui me lie à ceux qui l'ont écrit sans me consulter.

Messieurs, messieurs parce que je ne vois pas de dame, accepteriez vous de le réécrire ?

ah oui... permettez-moi de vous dire que je serais déçue si j'étais reçue dans l'état actuel des choses.

Merci


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