Les flamboyantes de Robin Wasserman 4/5 (17-01-2018)
Les flamboyantes (416 pages) est disponible depuis le 22 janvier 2018 aux Editions Fayard (traduction : Nathalie Bru)
L’histoire (éditeur) :
L’amitié sulfureuse entre deux adolescentes, Hannah et Lacey, dans une petite ville rurale de l’Amérique des années 1990. Dans la lignée de Respire d’Anne-Sophie Brasme et de Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides, adapté au cinéma par Sofia Coppola.
Mon avis :
Une couverture qui me plaisait et deux références (l’une à Respire de Anne-Sophie Brasme et à l’autre à Virgin suicide de Jeffrey Eugenides), voilà ce qui m’a décidée à découvrir ce premier roman adulte de Robin Wasserman (précédemment habituée au roman YAL). Comme un signe, je venais de lire Ariane de Myriam Leroy, dont le thème est quasi similaire… Je ne ferai pour autant aucune comparaison car même si l’amitié fusionnelle vénéneuse de deux jeunes filles constitue le sujet de base, ces deux titres possèdent trop de différences (tant sur le plan de la narration que dans le déroulement des faits) pour donner lieu à un quelconque parallèle.
Même si j’en ressors extrêmement perplexe, je dois dire que j’ai beaucoup aimé. Il y a une tension constante et une ambiance particulière (malsaine et dérangeante) qui m’ont tenu accrochée au récit de ces deux adolescentes. L’auteure ne prend pas de pincette et dans un style cru, rock’n roll et érotique, déploie l’histoire tragique de quelques adolescents dans une ville tranquille de Pennsylvanie.
« Battle Creek avait été une ville absolument sans histoires. Et le plus étrange, cette année-là, n’était pas tant que quelque chose s’y passait enfin, mais plutôt que la ville retenait son souffle, attendant la suite comme si nous partagions tous le même cerveau reptilien capable de prédire l’avenir » page 14
Peu après la découverte dans la forêt du cadavre de Craig, un lycéen de la ville (la police conclura au suicide par arme à feu), Hannah Dexter, jeune fille sans histoire, un peu transparente et cible régulière de la peste Nikki Drummond, devient l’amie de Lacey Champlain, une gothique qui attire l’œil mais qui effraie autant par son assurance que par son côté sombre.
« Nouvelle dans un lycée qui n’avait pas accueilli de nouveaux depuis quatre ans, elle était inclassable. L’espèce de férocité qu’elle dégageait tenait aussi tout le monde à distance, si bien qu’elle était devenue l’équivalant de chair et d’os du pupitre de Craig – à ne regarder que du coin de l’œil. » page 16
« Lacey Champlain avait des cheveux sombres coupés au carré, des boucles d’un noir presque pur qui lui encadraient le visage façon années 1920. La peau pale et les lèvres rouge sang, comme s’il lui était inutile de jouer les gothiques car elle l’était naturellement, vampire de naissance. » page 16-17
« Princesse étincelante à la moue rouge cerise qui disait « qui, moi ? », Nikki flottait dans les couloirs sur un nuage d’adoration et laissait trainer dans son sillage des parfums doux comme des pâtisseries –vanille, cannelle ou pain d’épices -, alors qu’elle ne donnait aucunement à penser qu’elle pourrait s’abaisser à faire quelque chose d’aussi vulgaire que manger. (…)
Après la mort de Craig, Nikki avait brièvement acquis une aura de sainteté. (…) Mais Nikki est juste devenue Nikki en pire. Non pas purifiée mais distillée : l’essence même de la pétasse. » page 20
Hannah devient alors Dex, double de son idole, et commence une relation malsaine qui dégringole vers la folie, le drame et la terrible révélation….
J’ai vraiment adoré l’écriture de Robin Wasserman qui, entre sexe, drogue, violence, domination et interdit, mêle métaphores et images évocatrices.
La narration en alternance entre Dex et Lacey (parfois entrecoupée d’autres points de vue) donne une vision plus globale, permet de rythmer la lecture et surtout d’apporter certains éclairages pertinents. L’auteure est trash, elle bouleverse la bonne conscience et projeté une vérité impensable à formuler. Les flamboyantes est une lecture fascinante de part cette troublante relation destructrice mais surtout par le mystère qui plane tout du long, sorte d’énigme qui conduit le lecteur dans quelque chose dont il n’a absolument pas conscience en débutant cette histoire.
« Le genre d’incrédulité feinte que je connaissais bien : serieux, t’as pas été invitée à la soirée piscine chez Nikki ? Serieux, t’as pas de Swatch ? Serieux, t’as jamais embrassé/branlé/sucé/baisé ? ce n’était pas le snobisme déguisé qui me dérangeait mais la pitié qui l’accompagnait, le sentiment que je puisse à ce point ne pas être à la hauteur. Avec Lacey, en revanche, ça m’était égal. J’acceptais la pitié comme le prix à payer, parce que je voyais bien maintenant que ce n’était vraiment pas possible de ne pas connaitre Nirvana. Je voyais que ça lui faisait plaisir de nous ancrer dans nos rôles, elle la sculptrice et moi la glaise. Dans cette voiture, alors que la distance se creusait entre nous et le lycée, entre Hannah et Dex, entre avant et après, tout ce que je voulais, c’était la satisfaire. » page 28-29
En bref : lecture sulfureuse sous tension, sur fond de Kurt Kubain, Les Flamboyantes est un roman troublant palpitant !