Partager la publication "[Critique] LADY BIRD"
Titre original : Lady Bird
Note:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Greta Gerwig
Distribution : Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts, Odeya Rush, Lucas Hedges, Timothée Chalamet, Beanie Feldstein, Lois Smith, Stephen Henderson…
Genre : Drame/Comédie
Date de sortie : 27 février 2018
Le Pitch :
À Sacramento en Californie, Christine « Lady Bird » McPherson se débat avec un quotidien qui ne lui convient en rien. Alors que son père vient de perdre son emploi et sombre dans la dépression et que sa mère enchaîne les gardes pour maintenir le foyer à flot, Lady Bird, elle, rêve de finir ses études et d’obtenir une bourse pour aller étudier à New York. Une ville où elle est persuadée d’enfin pouvoir s’épanouir comme elle l’entend…
La Critique de Lady Bird :
Il a fallu attendre une dizaine d’années pour que Greta Gerwig passe à nouveau à la réalisation. Depuis son premier film, Nights and Weekends, en 2008 donc, Greta Gerwig a néanmoins su s’imposer, dans le paysage cinématographique américain, en faisant l’actrice à droite à gauche dans des productions comme Greenberg, To Rome With Love, The Humbling (avec Al Pacino) et Maggie à un plan. Avec Lady Bird, qu’elle a également écrit, Greta Gerwig passe néanmoins à la vitesse supérieure par rapport à son premier essai et parvient à signer un film remarquable, aussi tendre que pertinent, en forme de conte initiatique moderne évitant presque miraculeusement, par la seule grâce d’une écriture pleine de sensibilité et d’honnêteté, les pièges les plus grossiers et autres clichés éculés du genre…
« I’m like a bird » (air connu)
Lady Bird vient se placer dans le sillage d’œuvres comme Ghost World. On suit le parcours un peu contrarié d’une jeune fille décidée mais enfermée dans une vie qu’elle rejette, cherchant sans cesse à se défaire d’entraves qu’elle considère indignes. Ainsi, à l’instar de Scarlett Johansson et Thora Birch dans Ghost World, la Saoirse Ronan de Lady Bird fait son entrée dans la vie d’adulte non sans accuser quelques perturbations plus ou moins marquées amenées à forger un caractère déjà bien trempé et à remodeler des espérances et des attentes peut-être un peu mal dégrossies en premier lieu.
Très vite, Greta Gerwig rassure et tient à imposer une rythmique assez soutenue. La première scène est en cela aussi surprenante que symptomatique de ce désir de ne pas faire comme la majorité des autres films traitant plus ou moins du même sujet. Lady Bird, le personnage principal, s’éjecte carrément d’une voiture pour signifier son désir de s’extraire d’une vie en forme de prison. Encore adolescente, ne sachant pas vraiment ce qu’elle veut mais sûre de savoir ce qu’elle ne veut pas, Lady Bird avance dans la vie en improvisant, tombe amoureuse, est déçue, met à l’épreuve l’amitié que lui portent les uns et l’amour que lui témoignent les autres, et rejette des conventions sans pour autant céder à la haine. Une manière pour Greta Gerwig de signifier que son film ne sera pas l’expression amère d’une rancune tenace envers la vie et les tournants qu’elle peut parfois prendre, mais bien l’illustration des luttes intestines qui se produisent quand vient le moment de partir du cocon familial pour affronter l’avenir.
Dernièrement, le trop méconnu The Edge Of Seventeen explorait un peu les même thématiques, avec la même réussite, soulignant des contradictions essentielles chez son personnage principal, comme Greta Gerwig peut le faire avec sa Lady Bird, dont le nom évoque à lui tout seul ce désir de liberté et cette sensation d’étouffement.
Saoirse Ronan en état de grâce
Afin d’appuyer son propos, mais en faisant preuve d’une délicatesse et d’un sens exemplaire de la mesure, Greta Gerwig a inclu une dimension religieuse à son histoire. Étudiante dans un lycée catholique, la jeune Lady Bird ne croit manifestement pas vraiment en Dieu, qui fait pourtant partie intégrante de sa vie. Une séquence, incroyablement bien vue, à la fin, montre d’ailleurs que le film ne s’abandonne jamais à la religiosité. Non seulement cela, mais en plus, il ne la rejette pas non plus. La religion et tous les protocoles caractérisant la vie dans une telle école se posant tels des symboles qui, ajoutés les uns aux autres, accentuent l’impression du personnage principal de voir sa vie télécommandée par une sorte de puissance supérieure sur laquelle elle a peur de n’avoir aucun contrôle.
En somme, Lady Bird arrive formidablement bien à raconter ce que signifie être un adolescent, au moment où adolescence est justement censée se terminer. Un long-métrage au passage tout aussi formidable dans ce qu’il a à dire sur les rapports familiaux, ici touchants et conflictuels et donc pertinents, sur l’amitié et sur l’ambition. Avec un surplus de poésie non négligeable, boosté par le talent et la charisme unique de Saoirse Ronan, dont la performance cristallise le génie de l’entreprise. De toute façon toujours excellente, elle ajoute avec Lady Bird, grâce à cette magnifique écriture, à la direction sans faille de Greta Gerwig et l’appui d’une troupe d’acteurs formidables, une nouvelle pépite à sa filmographie.
En Bref…
Portée par un lyrisme visible dans la mise en scène, douceâtre, discrète mais pleine de choix judicieux, habitée d’une passion palpable, au sein d’une Californie retranscrite avec un mélange de tendresse et d’amertume, Saoirse Ronan, vous l’aurez compris, est l’une des (très) bonnes raisons de succomber pour Lady Bird. Une parmi de nombreuses autres.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France