Fiche de lecture : J'ai tué Anémie Lothomb.
Jean-Pierre Gattégno : Paris, Calmann-Lévy, janvier 2009.
Une satire du monde littéraire.
Ceux qui ne tarissent pas de reproches à propos d'Amélie Nothomb trouveront sans doute un réconfort dans ce livre, dont le titre, fruit d'une mignonne contrepèterie, donne le ton.
Dans cette histoire, Antoine Galoubet, un écrivain, ignoré des prix littéraires et des devantures des librairies, tombe par hasard sur le corps d'Anémie Lothomb, tuée par son amant japonais. Anémie représente tout le contraire de l'idée qu'Antoine Galoubet se fait de la littérature : elle vend énormément de livres médiocrement écrits grâce à un marketing savamment étudié et une complicité des médias.
Antoine Galoubet décide de cacher le cadavre d'Anémie et de faire chanter les médias, en prétextant l'avoir enlevée, pour devenir célèbre et pour que le public, privé jusqu'alors de son talent, accède enfin à ses livres.
Quelques sommités de la littérature française contemporaine en prennent pour leur grade (on y voit passer Margarine Pingeot, Houellbegbedec, Ratavalec et Marc Cévit).
L'auteur détaille sa réflexion sur le succès mérité ou organisé des écrivains et sur la complicité des critiques littéraires et des organes de presse. Cette intrigue, est surtout le prétexte à une réflexion sur le monde du livre tel qu'il est actuellement. L'ouvrage s'ouvre sur une description d'un salon du livre vu par un auteur inconnu devant lequel les gens passent sans s'arrêter, des auteurs vedettes qui viennent se pavaner pour vendre, et des gens idiots qui " ne sont pas plus lecteurs que les auteurs qu'ils viennent voir ne sont écrivains" et qui ne sont là que pour voir de la "star". La critique du monde littéraire se fait dans ce roman principalement autour des médias, qui à eux seuls décident du succès d'un livre en choisissant d'en parler ou de n'en rien dire, les gens lisant et jugeant bons les livres dont on parle. C'est d'ailleurs en se jouant des médias, en essayant de les utiliser à son bon vouloir, qu'Antoine Galoubet va tâcher de faire vendre ses livres. Mais plus que des réflexions sur des questions telles que " qu'est-ce que la littérature ? " "Comment juge-t-on qu'un livre est bon ? ", ainsi que de tristes constats sur la difficile "loterie littéraire et sur le manque d'esprit critique du public. On peut découvrir à travers ce livre, grâce aux questionnements de cet écrivain maudit, aux réflexions que peut se faire un écrivain, " pourquoi écrire ? ", " pourquoi, alors qu'on le juge personnellement très bon, veut-on en plus que son oeuvre soit appréciée et encensée par le public et les médias ? ", les questions de reconnaissance, etc.
Mais quelque soit la raison pour laquelle vous vous y plongerez, vous allez passer un bon moment de rigolade. Car, l'auteur manie à merveille l'ironie, le second degré.
Quelques mots de l'auteur
Jean-Pierre Gattégno est né à Brive-la-Gaillarde en 1944, d'un père ottoman et d'une mère grecque. Après des études de lettres à l'Université de Paris VII, Jean-Pierre Gattégno enseigne la littérature en province puis à Paris. Il a enseigné le français à l'École nationale de commerce de Paris.
De 1983 à 1992, il publie deux manuels scolaires et plusieurs dossiers pédagogiques pour la collection " Folio Junior " des Éditions Gallimard.
Il se fait remarquer par deux thrillers psychologiques - Neutralité malveillante (Calmann-Lévy, 1992) et Mortel transfert (C.-Lévy, 1997) - qui traitent des rapports troubles unissant les analystes à leurs patients. Dans l'intervalle, il signe La Nuit du professeur (C.-Lévy, 1994), roman qui donne de l'enseignement une image acerbe.
Il renouvelle son inspiration en s'attaquant à la littérature avec : Une place parmi les vivants (C.-Lévy, 2001), Le Grand Faiseur (Actes Sud, 2002), parodie des romans hard-boiled, et Longtemps, je me suis couché de bonne heure (Actes Sud, 2004), roman initiatique, à travers l'histoire d'un malfrat.
Jean-Pierre Gattégno manifeste un goût pour les intrigues psychologiques et les personnages ambigus. Il cumule deux qualités, selon ses lecteurs : une solidité de style et un sens aiguisé du récit. Ce double talent lui a valu d'être porté à l'écran par Francis Girod, Jean-Jacques Beineix et Raoul Ruiz.
Bref, il se présente comme l'anti-thèse d'Antoine Galoubet Cliquez ici pour télécharger la fiche J---ai-tue---Ane--mie-Lothomb--.pdf