Magazine Culture

Jaraï : La fin d'un monde

Par Pmazet

Loup Durand : Paris, Robert Laffont, 1980

"Il n'y a rien au monde comme Angkor. Les monuments grecs et les cathédrales parlent à l'intelligence. Angkor touche ta peau et ton sang. Angkor se respire autant qu'il se voit." Loup Durand, Jaraï, 1980

Jaraï : La fin d'un monde.

Ce livre est d'abord l'histoire bouleversante de deux hommes Kutchaï et Lara. Kutchaï, guerrier jaraï[1] de la forêt, le géant au rire silencieux et Lara son jumeau blanc parcourent le Cambodge de 1975, ce pays qui s'effondre. Ils assistent, impuissants, à l'écroulement de ce petit pays à l'inimaginable douceur de vivre. Lara, qui sera le dernier blanc à quitter le pays, est issu d'une famille installée en Indochine depuis cinq générations. Au delà de ces deux personnages, c'est l'histoire de Lisa, la jeune journaliste à la recherche de son compagnon happé par la guerre du Vietnam. C'est histoire de Charles et Madeleine Corver, arrivés en pays khmer en 1913 et qui essayent, dans Phnom Penh dévastée, de maintenir la fiction d'une vie bourgeoise à " l'Européenne ".

Mais, l'histoire se profile derrière les destins individuels. Car, dans l'ombre du roman, on voit surgir la destruction de ce royaume paisible impliqué, contre son gré dans la guerre américaine du Vietnam.

La guerre d'Indochine a commencé alors que toute l'Asie, toute l'Afrique, tout l'Orient et même l'Amérique latine faisaient partie du monde blanc. Et pendant qu'elle se déroulait, le monde blanc s'est écroulé, un certain monde blanc qui avait dû naître quatre cents ans plus tôt, avec Christophe Colomb, ou même avant, avec les Portugais de Vasco de Gama. Première des grandes guerres de libération coloniale, la guerre d'Indochine s'est achevée la dernière, en un formidable et assourdissant point d'orgue : la double chute de Phnom Penh et de Saigon à douze jours et vingt-deux heures de distance dans le temps.

Si vous êtes intéressé par le Cambodge mais que vous ne voulez pas lire un manuel scolaire ou que vous ne voulez pas revivre en détail les atrocités commises par les khmers rouges (qui ont tout de même tué 1/4 de la population du Cambodge en 3 ans) ; jetez vous sur ce livre très bien fait qui se lit d'un souffle et qui ouvre les portes de la compréhension du mystérieux peuple khmer.

Quelques mots de l'auteur.

Après des études universitaires à Marseille, Aix-en-Provence, Londres et New York, il a exercé les métiers les plus divers : barman, docker, assistant-commissaire de bord, interprète, il connaît une demi-douzaine de langues ! Il a surtout été journaliste pour le compte d'agences de presse américaines.

Il a publié certains de ses livres sous les pseudonymes collectifs: "H. L. Dugall" avec Henri Galissian et "Michaël Borgia" avec Pierre Rey.

Il est l'auteur d'une vingtaine de romans policiers dont la Porte d'Or (sous le pseudonyme de H. L. Dugall), Prix du Quai des Orfèvres 1967 et Un Amour d'araignée, Prix du Roman d'Aventures 1976.

Il a aussi publié Jaraï (1980), La Porte de Kercabanac (1982), la série TNT (1978-1980, sous le pseudonyme collectif de Michaël Borgia) et Daddy qui a reçu le Prix des Maisons de la Presse en 1987.

Loup Durand fut également scénariste pour le cinéma (Daddy adapté en 2003 mais aussi Dancing Machine avec Alain Delon et Claude Brasseur).

Il est mort à Paris le 18 avril 1995 à l'âge de 62 ans

Extrait de Jaraï

Certes, au fil des décennies et des siècles, on s'était pas mal mélangé : quand ils n'avaient pas de sang chinois dans les veines, bon nombre de fonctionnaires ou de techniciens officiellement khmers avaient des ancêtres quelque peu vietnamiens. Mais ces échanges n'avaient jamais vraiment réuni les deux communautés, qui persistaient à se regarder en chiens de faïence ou, au mieux, avec une totale indifférence. Il y avait une évidente jalousie dans le regard que les Cambodgiens portaient sur leurs colocataires : toujours quand il n'était pas chinois, un mécanicien automobile, un réparateur radio, un chef cuisinier, un maître d'hôtel, un cordonnier, un orfèvre, un restaurateur, un hôtelier, un commerçant important ou un boutiquier à l'étalage de plein vent, était le plus souvent vietnamien, dans des proportions anormales. Quant aux domestiques employés par la colonie européenne, à part une ama chinoise pour s'occuper des enfants, on parlait d'un bep (cuisinier), d'une ti-aï, d'une ti-nam, d'une ti-ba, par ordre hiérarchique décroissant, tous mots vietnamiens exprimant une fonction domestique donnée et cela même alors que l'employé était khmer, ce qui n'arrivait presque jamais, à moins que l'employeur ne fût lui-même cambodgien."

Jaraï : La fin d'un monde

Cliquez ici pour télécharger l'article


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Pmazet 134 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines