Une femme de ménage muette et rêveuse, un peu Amélie Poulain sur les bords, vient en aide à un homme-amphibie retenu prisonnier dans un laboratoire militaire. S’ensuit une histoire d’amour hors du commun... Voici un film étrangement beau, une sorte de conte de fées surréaliste se déroulant au coeur des années 60, en pleine guerre froide entre les USA et l’URSS. Guillermo del Toro effectue un travail d’orfèvre sur la forme, et rend un hommage bouillonnant et passionné à la magie du cinéma sur grand écran. Tout est magnifique dans ce film-poème, les décors, les costumes, les couleurs, la photographie, les mouvements de caméra, la musique. C’est comme une énorme friandise dégoulinante de crème, dont on savoure chaque instant, chaque millimètre, chaque faisceau de lumière. Les interprètes aussi sont très bien, en particulier Sally Hawkins dans le rôle d’Elisa, femme fragile et forte à la fois, pleine de grâce et de tendresse. Michael Shannon campe un méchant très bizarre, dont on a presque pitié tant il semble écrasé par sa propre existence. Chapeau également pour Octavia Spencer qui joue la collègue d’Elisa avec beaucoup de sincérité et d’humour. Et puis quelle réussite, cette créature recouverte d’écailles, interprétée avec virtuosité par Doug Jones.
Il y a du Cocteau, du Terry Gilliam, du Buster Keaton, dans ce maelstrom flamboyant concocté par del Toro. Le film est une ode à l’humanité, aux laissés-pour-compte, aux solitaires, aux minorités opprimées par un système réactionnaire et raciste. Simpliste comme démonstration, mais efficace.
De façon moins caricaturale, « The shape of water » est aussi une parabole sur la peur de l’autre, la peur de celui qui est différent, la peur du migrant. Très simplement, Guillermo del Toro démontre comment on peut etre amené à accepter et aimer cet étranger différent de nous, en vivant avec lui et en apprenant à le connaître. Un message qui fait du bien par les temps qui courent.