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Rester sur sa fin

Publié le 03 mars 2018 par Morduedetheatre @_MDT_

Rester sur sa fin

Critique de Poussière, de Lars Noren, vu le 24 février 2018 à la Comédie-Française
Avec Martine Chevallier, Anne Kessler, Bruno Raffaelli, Alain Lenglet, Françoise Gillard, Christian Gonon, Hervé Pierre, Gilles David, Danièle Lebrun, Didier Sandre, Dominique Blanc, et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française Matthieu Astre, Juliette Damy, Robin Goupil, Alexandre Schorderet et Maxime Alexandre / Margaux Guillou / Rosalie Trigano, dans une mise en scène de Lars Norén

Suis-je la seule à devenir lasse des créations du Français présentées Salle Richelieu cette année ? Après la déception de La Tempête, la trahison des Fourberies de Scapin, voilà de nouvelles heures ennuyeuses passées dans le Premier Théâtre de France. Pourtant le spectacle avait de quoi m’appâter : grande admiratrice des vieux comédiens, enthousiaste à l’idée d’une pièce sur la vieillesse et la mort, seul le nom de Lars Norén me laissait de marbre devant cette affiche. Un nom qui a finalement tout envahi, puisqu’en définitive c’est le spectacle entier qui m’a laissée totalement impassible.

Dans cette pièce crépusculaire, on suit les vacances d’un groupe du troisième âge qui se retrouve régulièrement dans cet hôtel en bord de mer. Cette semaine au soleil pourrait être la dernière, et on sent que la chose les obsède. De la mort à venir, pas vraiment de tabou. Certains la souhaitent même. Les autres passent leur temps à ressasser le passer, à l’embellir parfois, à essayer de reconstruire ce qui semble être devenu flou et que le temps a déconstruit.

Impossible pour moi de ne pas comparer ce texte à Fin de Partie. Même s’il n’a pas tous les traits de Beckett, ces dialogues décousus, ces personnages sans réel lien, cette atmosphère de décomposition omniprésente où l’on ne sait pas tout de suite si l’on est dans le monde est morts ou bien chez les vivants m’ont rappelé la pièce de l’auteur irlandais. Mais Lars Norén ne semble pas s’être véritablement arrêté sur une atmosphère précise. Ils semblent intemporels, ces vieillards ; leurs problèmes, universels. Et pourtant, ils sont ancrés dans une réalité bien définie, temporellement, mais aussi localement, et ce besoin de situer casse une atmosphère qui peine déjà à s’installer.

Rester sur sa fin

Mais n’est pas Beckett qui veut, et le texte de Norén ne prend pas. Il aborde pourtant son thème avec beaucoup de vérité : l’attachement aux animaux, le retour soudain à l’enfance, le manque soudain de conscience de soi, l’incapacité à faire partie d’un groupe ou de tenir une conversation, et surtout cet éternel retour sur le passé, tout semble provenir d’un vécu véridique. Mais l’aspect décousu des discussions, les tirades des personnages sur leur vie passée, leur quotidien monotone dans cet hôtel manquent cruellement d’intérêt. Et que dire de sa représentation de la mort – si elle se veut poétique, elle n’en est pas moins ennuyeuse. Les comédiens qui disparaissent au fil de la pièce se retrouvent derrière un voile en fond de scène et si l’on s’accrochait encore jusque-là, c’est le moment où l’on lâche totalement tant l’intérêt du texte frôle le néant.

Heureusement, les Comédiens-Français sont en pleine forme. Il faut dire que Lars Norén s’est entouré de pointures : mis à part Alain Lenglet qui est un peu en-dessous de ses camarades, tous livrent une belle performance et les regarder est finalement un intérêt en soi. Chacun donne à son personnage une touche d’humanité : ainsi, la douceur de Dominique Blanc se confronte à la peur d’Hervé Pierre. Tous abordent un aspect spécifique lié à la vieillesse. Anne Kessler se détache du groupe avec des punchlines déclamées avec toujours beaucoup d’élégance et de finesse. C’est quand même chouette de la retrouver sur scène.

Vous l’aurez donc compris, ce spectacle m’a laissée totalement de glace. Je n’ai été ni dérangée, ni touchée, pas une fois émue, encore moins intéressée, parfois vaguement amusée, jamais prise dans ce spectacle. Je reconnais volontiers que des éléments perturbateurs ont pu m’empêcher d’y entrer : merci au monsieur du premier rang qui voulait apparemment déposer son poumon sur la scène. Je pense également à la souffleuse, hurlant son texte à une Martine Chevallier à l’air perdu, si bien qu’on en vient à se demander si cette participation était réellement inopportune. Peut-être la seule réflexion qui m’effleurera au cours du spectacle.

Une pièce qui touchera davantage ceux dont le coeur est en sursis, pour reprendre les mots de l’auteur. 

♥

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