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Nos richesses

Par Carmenrob

Les vraies richesses, qu’elle s’appelle, la petite librairie d’Alger, héroïne du merveilleux roman de Kaouther Adimi. Dans cette œuvre, couronnée du Prix Renaudot des Lycéens, l’auteur fait disparaître le minuscule établissement pour mieux nous en parler et célébrer les vraies richesses que sont les livres. Mais aussi pour faire le récit du drame algérien.

Nos richesses
Deux narrateurs se succèdent pour nous raconter l’aventure d’Edmond Charlot, Algérien d’ascendance française, qui ouvre cette librairie, bibliothèque, maison d’édition et galerie d’art au gré des circonstances. Le premier à prendre la parole est le peuple algérien lui-même, ceux que les Français appellent les indigènes, et qui, las d’être traités comme des citoyens de seconde catégorie, fomentent la révolte qui mènera l’Algérie à l’indépendance. Mais dans quel bain de sang! Ce « nous » observe également Ryad d’un œil critique, étudiant parisien en stage dont la mission consiste à vider la librairie abandonnée pour en faire le site d’un commerce de beignet. Jeune homme qui perdra une partie de son insouciance dans sa rencontre avec les gens du quartier. L’autre voix, c’est celle de Charlot lui-même. On partage les hauts et les bas qui ponctuent son aventure à partir d’extraits de son journal, document réel dont l’auteur s’est inspiré. Amitiés, trahisons, difficultés financières, vandalisme, celui qui sera le premier à éditer Camus, en verra de toutes les couleurs.

On fait le pont entre deux Algérie, l’actuelle, libérée du colonialisme mais qui étouffe dans son corset religieux, et celle d’hier, celle de l’après-guerre, où bouillonne la révolte sourde d’un peuple opprimé.

Mais la France a besoin des indigènes dans ses troupes. « La Mère Patrie n’oubliera pas au jour de la victoire tout ce qu’elle doit à ses enfants de l’Afrique du Nord. » (Couillons!) Nous sommes des cireurs de chaussures, des petits commerçants, des vendeurs de légumes que nous cultivons sur de minuscules lopins de terre, des gardiens de chèvres et de moutons. Nous ne sommes pas encore des adultes. Nous n’avons jamais été vraiment des enfants.

J’adore ces romans qui n’en sont pas réellement, solidement documentés (comme en fait foi la bibliographie), qui ravivent des époques, des lieux, des gens autrement inaccessibles. Et tout cela, en ce qui concerne Adimi, avec une économie de moyens, une admirable sobriété dans le style et le langage. Pas un mot de trop. Une redoutable efficacité.

Kaouther Adimi, Nos richesses, Seuil, 2017, 216 pages.


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