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Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 43-44-45

Par Blackout @blackoutedition
Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 43-44-45

Photo de Simon Woolf

Pour le livre de Richard Palachak, "Kalache", c'est par ici : KALACHE

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 43

Gino s'alluma une cigarette et se resservit un verre de pinard. De mon côté, j'allai couper du sauciflard. Dehors, des nuages de merles virevoltaient par vagues emportés par le vent, dessinant spirales et tourbillons en forme de gouttes d'eau Le tumulte en était assourdissant. On aurait cru que cette cohue de pierrots était là pour encourager le sport favori des hommes, la conversation alcoolisée entre valseuses, depuis les tribunes endiablées de platanes alignés autour de l'arène d'un parking vide et ombragé. Seuls acteurs en scène : un monument aux morts poussiéreux et deux tape-culs rouillés.

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Les petites frappes avaient leur manière de jacter, de se tenir et de bouger qui les trahissaient illico. Le langage skyrock, la prunelle farouche, l'accoutrement stéréotypé du lascar à deux balles, et le caisson ballottant des clébards factices dans les bagnoles de beauf. C'était comme s'ils avaient un gyrophare sur la tronche. Or ces mectons-là, rien à voir... Ils sortirent de la caisse et s'en grillèrent une sans mot dire. Aucune danse, aucune posture de gibier conventionnel, aucun signe extérieur préoccupant. Ils avaient juste le dos voûté, les mains dans les poches et la caboche inclinée. Niveau sape : pantalons à pinces et chemisettes pimpantes, savates en cuir et cheveux gominés rutilants. Pour l'âge, disons dans les trente vingt-cinq ans. Donc sans bavure en surface. Alors d'où me venait cette méfiance obscure ? D'où me venait ce frisson de sauve-qui-peut au caleçon mouillé ? De ces regards lugubres et menaçants braqués sur moi ? De la prescience des videurs au parfum de la nuit et de ses succubes ? Je n'en étais pas vraiment sûr... Mais quand j'entendis la lune rire sous sa cape en se payant ma poire, je compris machinalement qu'ils étaient là pour moi.

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Ça partit en deux coups les gros. L'un des pélos me jeta une grosse chaîne dans les bras et moi comme un empaillé je l'attrapai. Une fois les mains prises, les casse-museau tombèrent de partout : pains dans la gueulta, satons dans les balloches et coups de chaîne dans le dos. Après la première salve, je tentai une contre-offensive, mais dès que j'en choppais un les quatre autres me tombaient dessus. Mon tarin finit par gicler sa raisinée, submergeant l'avant de mon gileton, puis mes basks, et enfin le sol, d'une épouvantable tache bordeaux. La fureur m'envahit et je me mis à courir dans l'idée d'en crever ne serait-ce qu'un, par tous les moyens. À cet instant précis, les cinq enfoirés détalèrent en riotant comme des hyènes. L'affaire était liquidée. Je m'étais pris une bonne dérouillée.

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