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A la rencontre des membres de Babelio (23)

Par Samy20002000fr

Avec près de 580 000 utilisateurs, on en croise du monde sur Babelio. Pour que la communauté demeure, malgré son ampleur, un endroit convivial où l’échange est roi, nous avons décidé de vous donner la parole. Et puisque le Salon du livre de Paris met en 2018 à l’honneur la Russie, du 16 au 19 mars, voici le portrait livresque de l’une des lectrices-utilisatrices du site, experte en littérature russe.

A la rencontre des membres de Babelio (23)

Rencontre avec Nastasia-B, inscrite depuis le 8 mars 2012.

Comment êtes-vous arrivée sur Babelio ?

Pour être franche, je ne suis pas une aventurière d’Internet, des réseaux sociaux ni du numérique en général. Cela faisait quelques années que j’écrivais des avis sur Amazon, principalement, au départ, pour garder le souvenir de mes lectures. Pendant plusieurs années, tout allait bien, de plus en plus de gens lisaient mes avis à propos de livres ou de films, m’adressaient des commentaires sympas, intéressants et/ou encourageants. Je me prenais au jeu, j’essayais d’affiner un peu, d’être originale si possible, de pousser toujours plus loin ma réflexion. Puis, après trois ans, il y eut un effet pervers des classements : j’ai atteint une assez incompréhensible 10e place, ce qu’ils appellent dans leur jargon amazonien « le tableau d’honneur des commentateurs » ou quelque chose dans ce genre. Et à partir de là, tout a changé. Si je postais une critique (qui m’avait réclamé du temps et de la réflexion), paf ! dans les 30 secondes chrono, je recevais 10, parfois 20 votes négatifs de commentateurs d’équipement électrique et de mousse à raser, qui n’avaient manifestement pas lu une traître ligne de ce que j’avais écrit mais dont l’objectif était de me passer devant dans ledit classement, dont je doute qu’il puisse revêtir une quelconque signification. Cela n’aurait affecté que ce classement sans queue ni tête, cela m’aurait été bien égal mais évidemment, pour chaque livre que je critiquais, ma contribution se trouvait reléguée bonne dernière et avec très peu de chance d’être lue un jour par des lecteurs intéressés. Déçue par ce sabotage volontaire, j’ai donc arrêté cette activité et effacé toutes mes critiques d’Amazon. C’est un contributeur commun d’Amazon et de Babelio, Finitysend (pour ne pas le citer et pour le remercier au passage amicalement), qui m’a contactée en m’indiquant qu’il trouvait dommage que j’abandonne et qu’il y avait peut-être un site qui répondrait mieux à mes attentes qualitatives : Babelio. J’ai tout de suite trouvé le site génial. Et le jour même, je crois, j’étais addicte ! D’ailleurs méfiez-vous de Babelio, il sera bientôt inscrit sur la liste du ministère des Principes actifs aux propriétés addictives suscitant de la dépendance !

Quel(s) genre(s) contient votre bibliothèque ?

Beaucoup, beaucoup de classiques de la littérature mondiale dite « blanche » (qu’est-ce que ça veut dire classique ?). Beaucoup de théâtre aussi. Ensuite des essais sociologiques, politiques, historiques divers, des livres scientifiques, de la philosophie, des livres pour enfants, des grands livres d’art et de photographie, tout ça en assez grande quantité. En portion plus congrue des policiers, des BD ou romans graphiques, de la SF, de la poésie, des guides. Enfin, le parent pauvre de ma bibliothèque est assurément la fantasy. Vous n’y trouverez pas (sauf exception) de manga ou de ces trucs en « lit » comme bit-lit, chick-lit, etc.

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Vous lisez beaucoup de littérature russe. Comment y êtes-vous venue ? Qu’aimez-vous particulièrement chez les écrivains russes ?

J’ai grandi dans un monde (les années 1980) où généralement, dans les média, l’U.R.S.S. incarnait l’image de la désolation et du mal absolu. Danger, dictature, missiles, Tchernobyl… Dans tous les films que je pouvais voir, le Russe tenait toujours le rôle du dangereux sanguinaire, détraqué atavique, intéressé uniquement par la domination et par ma mort, et, bien entendu, dépourvu de tout sentiment humain. Heureusement, un gentil Américain courageux et désintéressé venait toujours sauver le monde à la fin. Ouf ! On avait eu chaud ! Dans mes livres d’histoire, même chose, on me farcissait le crâne avec la Seconde Guerre mondiale : ceux qui avaient souffert étaient les Juifs, et ceux qui nous avaient libérés des nazis étaient les Américains. Rien de plus à ajouter. Et les Russes ? Quels Russes ? 20 millions de morts ? Quels 20 millions de morts ? On évoquait vaguement Stalingrad comme une sorte de léger contretemps (à cause du froid) qu’avaient connu les nazis dans leur avancée. Point à la ligne. En somme, la Russie n’avait rien de séduisant : c’était une Sibérie emblizzardée peuplée de fous sanguinaires et esclavagistes.

Finalement, c’est grâce à mes oreilles que ma vision a commencé à changer. Tout d’abord, il y eut la chanson de Sting, « The Russian », qu’avec mon niveau d’anglais de l’époque j’avais mal interprétée et que je croyais beaucoup plus pro-russe qu’elle ne l’est réellement. Mais peu importe, l’huis était fracturé. Il y eu ensuite ma découverte de la musique de Prokofiev, Borodine, Chostakovitch, Tchaïkovski, Moussorgski, Stravinski, etc. Il y avait comme une dissonance : moi je trouvais leurs musiques sublimes, très colorées… or, ils étaient russes, donc, par définition, malsains, bourrus et psychopathes. Et puis les choses en restèrent là un bon moment car pendant très longtemps, je n’ai pratiquement pas lu. Puis, quand je me suis mise à lire (c’était pour mes études), je ne lisais que des articles scientifiques et des essais.

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Aussi improbable que cela puisse paraître, mon amour pour la littérature russe est né ici, suite à la lecture, au début des années 2000, d’un essai scientifique écrit par un Américain. Il s’agissait du livre de Jared Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés. Au chapitre 9, il évoque l’incipit d’Anna Karénine de Léon Tolstoï : « Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon. » J’ai adoré cette phrase ; je me suis alors jetée chez mon bouquiniste favori, et j’ai commencé Anna Karénine. Et là, BAM !, la grosse claque ! J’ai vécu un bonheur littéraire comme rarement j’ai revécu par la suite. Il y avait tout : émotion, intelligence, raffinement et surtout, surtout, la très, très grande classe littérairement parlant. J’ai été subjuguée. J’ai enchaîné avec La Guerre et la Paix : fantastique ! Il y avait, de plus, dans ce livre des clefs de compréhension sur la vision que l’on peut avoir l’un de l’autre, Occidentaux et Russes. Du point de vue français, les Russes, assez lâchement, ont brûlé Moscou pour damer le pion àNapoléon. Du point de vue russe, les Français ont brûlé Moscou parce que ce sont des fous sanguinaires, psychopathes, avides de domination et de destruction. (Tiens, ça me rappelle quelque chose !) Et Tolstoï de conclure qu’en fait ce n’est ni l’un ni l’autre : des incendies avaient lieu à l’époque à Moscou quasi quotidiennement (chauffage au bois, fumeurs, maréchaux-ferrants, forgerons, etc.) et que, dès lors que la majorité de la population avait déserté la ville, avec l’occupation française, un incendie se déclencherait nécessairement et comme les habitants ne seraient plus là pour le circonscrire, il se propagerait fatalement à toute la ville. C’était mathématique. En fait, cette anecdote est pour moi comme une sorte d’allégorie du malentendu de point de vue qui préside à la vision qu’on m’a inculquée de la Russie.

Imaginez, si je vous présentais les États-Unis uniquement sous l’angle des agissements de Goldman-Sachs, Pfizer, Guantanamo, du napalm au Viêt-Nam ou de la famille Bush. Si j’oubliais sciemment Martin Luther King, John Steinbeck, Bob Dylan ou William Carlos Williams, qu’en penseriez-vous ? Eh bien c’est malheureusement encore aujourd’hui l’image que véhiculent bon nombre de médias à propos de la Russie. C’est très simpliste, très manichéen : on ne nous parle que de Poutine et de Gazprom. Qu’il y ait des gens vraiment peu recommandables en Russie, je n’en doute absolument pas. Mais peut-on me citer un pays où tel n’est pas le cas ?

La littérature russe est d’une richesse incroyable. Et l’on a tort de la cantonner à Tolstoï et à Fiodor Dostoïevski, qui sont certes, des séquoias géants mais dans le dos desquels, si l’on y regarde avec un peu d’attention, pousse une forêt d’immenses talents littéraires très diversifiés. Je me limiterai à un seul exemple : je vois ici ou là des amateurs de dystopies, dans le sillage du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou de 1984 de George Orwell. C’est un poncif de le rappeler mais le genre « dystopie » est à mettre au crédit d’un fabuleux écrivain russe, Evgueni Zamiatine avec Nous autres (qu’Actes Sud vient intelligemment de retraduire et de rééditer sous le titre Nous). Or, si je ne m’abuse, il n’y a eu que deux innovations vraiment majeures au XXe quant aux genres littéraires : la fantasy de J. R. R. Tolkien et la dystopie de Zamiatine. (On m’accordera que le Nouveau Roman ou l’autofiction ne sont pas forcément assimilables à des courants majeurs de la littérature.)

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Viktor Pelevine

Après j’ai eu envie de découvrir le théâtre russe des Nikolaï Gogol, Anton Tchekhov ou encore Maxime Gorki ; ce fut toujours avec intérêt. Puis sont venus les incontournables Dostoïevski, Mikhaïl Boulgakov & Cie jusqu’au plus récent Viktor Pelevine. Tous m’ont démontré qu’il y avait des auteurs de génie au pays des Soviets. Lors d’un échange, un lecteur (que les anciens de Babelio connaissent sous le nom de Gurevitch et qui depuis officie sous divers pseudonymes) a attiré mon attention sur La Mort du Vazir-Moukhtar de Iouri Tynianov : il en a résulté une très belle découverte d’un roman historique qui m’aide à comprendre certaines données géopolitiques actuelles. D’autres lecteurs du site sont très calés en littérature russe. Je pense par exemple à seblac qui est très au fait de ce qui se fait en poésie russe notamment, ou encore à Aela qui a proposé de nombreuses critiques pour un panel très diversifié d’auteurs russophones. Je suis heureuse si nos critiques peuvent inciter de nouveaux lecteurs à aller goûter aux infinies saveurs de cette littérature qui parfois effraie alors qu’elle sait aussi se rendre très abordable (Le Révizor de Gogol, La Dame de pique d’Alexandre Pouchkine, La Mort d’Ivan Illitch de Tolstoï, à titre d’exemples, sont de petits livres très faciles à lire).

Personnellement, ce que je recherche avec les écrivains russes, c’est une certaine façon de se donner à fond qui confine parfois à la folie, c’est une sensibilité, un genre de délicatesse, une espèce de synthèse entre l’esthétique japonaise et l’énergie vitale à la Jack Kerouac dont ils sont tous plus ou moins animés. Mais j’aime aussi beaucoup les régionalistes russes qui sont pour moi le pendant oriental d’un écrivain américain que j’adore, John Steinbeck.

Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

J’exclus du mot « découverte » ce que l’école m’a imposé et que d’ailleurs, bien souvent, je n’ai pas lu à l’époque et « redécouvert » seulement à l’âge adulte. Je viens d’une famille où l’on ne lisait pas du tout, je n’ai pas suivi d’études littéraires donc j’ai cheminé dans les premiers temps au petit bonheur. Je me suis beaucoup intéressée, à un moment de ma vie, au cinéma italien des années 1950-60. Dans une interview d’époque de Sergio Leone, celui-ci parlait de sa grande passion pour Voyage au bout de la nuit. Inculte comme je l’étais, j’ignorais tout de Louis-Ferdinand Céline et de la fameuse controverse qui lui est associée. (Il n’y avait pas encore Internet à l’époque et ce n’était pas toujours simple d’obtenir des informations, surtout si vous habitiez à la campagne.) J’entame, vers 22 ans je crois, ma carrière d’apprentie lectrice en ouvrant Voyage au bout de la nuit en toute ingénuité. Et là, c’est comme si je mettais les doigts dans la prise et que je recevais un coup de courant inimaginable ! Oui, quand j’y repense, encore maintenant, c’est ça ma première grande découverte littéraire.

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Quel est le plus beau livre que vous ayez découvert sur Babelio ?

Il y en a énormément mais mon vrai grand puissant coup de cœur ira à Le monde s’effondre de l’auteur nigérian Chinua Achebe.

Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Si j’exclus ma première BD et un livre sur les animaux de ma jeunesse, que j’ai usés l’un et l’autre jusqu’à la reliure, je crois qu’il s’agit d’une pièce de théâtre : Montserrat d’Emmanuel Roblès.

Quel livre avez-vous honte de n’avoir pas lu ?

Il y en a des millions ! Ce n’est pas vraiment de la honte que j’éprouve mais plutôt une contrainte temporelle évidente et une salle d’attente pleine à craquer ! Puisque vous me demandez de parler plutôt de littérature russe, rien que chez elle, il y en a des tas qui me font de l’œil et qui me font mal juste parce que je ne les ai pas encore découverts : Les Frères Karamazov, Le Docteur Jivago, Les Âmes mortes, L’Archipel du Goulag, Oblomov

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Iouri Kazakov et Valentin Raspoutine

Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

J’ai évoqué plus haut les régionalistes russes, doués d’un lyrisme, d’une grande sensibilité psychologique, d’une infinie délicatesse. Je vais vous donner deux noms : Iouri Kazakov et Valentin Raspoutine. Kazakov a écrit des nouvelles dont certaines m’émeuvent aux larmes, tout en sobriété, tout en retenue, tout en pudeur. Elles n’ont malheureusement pas toutes été traduites en français mais on en trouve quand même pas mal dans les trois recueils suivants : La Petite Gare, La Belle Vie et Ce Nord maudit. Je vous conseille, en première approche, « Le Bleu et le Vert », « Martha l’ancienne » et « La Laide ». Quant à Valentin Raspoutine, c’est un écrivain sibérien dont j’ai beaucoup aimé les romans que j’ai lus jusqu’à présent. Je vous indique, par exemple, De l’argent pour Maria.

Tablette, liseuse ou papier ?

Papier, papier et papier quoique je ne dédaigne pas de lire aussi de temps en temps sur du papier. J’ai un rapport quasi fétichiste aux objets et les livres, pour moi, ont une âme, une odeur, une histoire. Je me revois à les tenir à tel ou tel endroit, à tel ou tel instant de mon existence ou qui me les a offerts. Si un jour je me convertis à la taseuse ou à la liblette, ce sera uniquement pour des raisons physiologiques d’affaiblissement irréversible de ma vue qui rendra impossible toute forme de lecture sur un support papier. J’aime l’idée de la durée, du passage du temps contenu dans les pages jaunies d’un livre, me dire que quelqu’un de cher et disparu a tenu cet objet dans ses mains ; j’aime aussi l’idée de pouvoir transmettre ma bibliothèque après moi. Qu’irais-je transmettre une liseuse ? Bien évidemment, mes filles s’empresseront peut-être d’aller mettre tout cela à la poubelle, mais je ne le crois pas. (Laissez-moi encore quelques illusions !)

Quel est votre endroit préféré pour lire ?

L’endroit qui colle le mieux à l’essence du livre que je suis en train de lire. J’ai lu Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez en Colombie, Le Nom de la Rose d’Umberto Eco dans un ermitage et Marcel Proust sur la côte normande. À chaque fois, le livre et l’endroit résonnaient parfaitement et j’avais l’impression d’être témoin de leur dialogue : c’était magique !

Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

« La vie c’est un livre qu’on aime, c’est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu’on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. » Jean Anouilh (Antigone)

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Quelle sera votre prochaine lecture ? Comment l’avez-vous choisie ?

J’ai toujours une dizaine de livres en cours. Dès que j’en finis un, j’en commence deux… Conseils d’ami(e)s, recherches personnelles et bien entendu Babelio. En ce moment je lis Le Parfum de Patrick Süskind, Le Cœur et la Raison de Jane Austen, L’Orateur de Cicéron, Une vie française de Jean-Paul Dubois, L’Illusion économique d’Emmanuel Todd, Le Capitalisme a-t-il un avenir ? d’Immanuel Wallerstein, Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust, Capitale de la douleur de Paul Éluard et trois autres encore.

D’après vous, qu’est-ce qu’une bonne critique de lecteur sur Babelio ?

Tout d’abord une critique qui se mouille, qui ne se contente pas juste de faire un résumé de l’œuvre. Je dirais, à la limite, il y a les 4e de couverture pour cela. Ensuite, s’il y a bien une chose qui m’agace sur Babelio, c’est quand je lis « Alerte spoiler ». C’est presque assimilable à un péché capital de la recension d’après moi. L’auteur de la critique imagine peut-être, par ces seuls mots, se dédouaner de toute responsabilité, s’immuniser contre tout reproche vis-à-vis du Babelionaute : « Ah ! Je vous avais prévenu, c’était à vos risques et périls ! » Moi j’y vois surtout un effort qui n’a pas été consenti, ne serait-ce que par égard pour l’œuvre que la critique s’apprête à déflorer sans vergogne. Cet effort qui doit justement s’appliquer à susciter l’envie de la lire, raconter exactement ce qu’il faut pour appâter, frustrer même au besoin le lecteur de la critique, effectuer des choix dans ce qu’elle décide de dévoiler en conscience de l’œuvre. Mais jamais, jamais une critique ne doit raconter platement tout le contenu d’un livre, au moins par respect pour le travail de l’auteur.

Une bonne critique, pour moi, c’est aussi une critique qui dit « merde » quand elle pense merde et qui dit « super » uniquement si elle pense super. Une critique qui ne tremble pas devant le qu’en dira-ton (beaucoup de critiques, malheureusement, s’autocensurent lorsqu’ils n’ont pas aimé une œuvre), qui n’a jamais peur d’aller à contre-courant mais qui ne se fait pas non plus un devoir d’aller à contre-courant. Bref, une critique qui exprime bien toute la subjectivité de celui ou celle qui l’a rédigée. Charles Baudelaire, qui était un fin critique, dit à ce propos : « Je crois sincèrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, sous prétexte de tout expliquer, n’a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament » Je partage totalement cette vision ; j’aime les critiques typées sur Babelio, comme celles du lecteur Crossroads (anciennement Lehane-fan), si je dois donner un exemple (vous voyez, je me mouille, je lâche des noms !).

Mais selon moi, une bonne critique doit également être argumentée. En soi, si je vous dis « j’aime le melon et je déteste les anchois », très bien, on est content pour moi, mais on s’en fiche éperdument. C’est un peu la même chose d’après moi quand on écrit : « j’ai adoré ce livre » ou « trop nul ce bouquin ! ». Peu importe qu’on aime ou qu’on n’aime pas, c’est le pourquoi qui vaut la peine d’être exprimé. Le lecteur ou la lectrice critique doit, soit relater une expérience (la sienne vis-à-vis de l’œuvre), soit essayer de décrire par la comparaison. Si, par exemple, vous n’avez jamais mangé de feijoa, vous trouverez peut-être de l’intérêt à ce que quelqu’un vous dise « c’est un peu comme un kiwi qui aurait le genre de goût et de texture de la poire. Sa peau m’évoque celle de la courgette ». Vous pouvez trouver cette description totalement farfelue, car d’autres peuvent y percevoir une ressemblance beaucoup plus marquée avec de la goyave, mais peu importe, cette description comparative vous a permis de chausser des lunettes et d’y voir au travers le monde d’une certaine façon. Certes, toutes les paires de lunettes ne conviennent pas à notre vue mais l’essentiel est d’avoir le choix d’un type de paire et d’une diversité de corrections. En soi, un avis, tout le monde en a un et ce n’est pas cela qui est intéressant mais plutôt comment la subjectivité exprimée dans une critique peut s’accorder avec la mienne. Il y a toujours plein de gens qui s’échinent dans les commentaires à reprocher à celui ou à celle qui a rédigé une critique honnête qu’il ou elle aurait dû écrire plutôt cela, penser plutôt ceci, qu’elle n’a sûrement pas envisagé tel aspect, etc. Ça me dépasse. Pourquoi ces commentateurs, à qui, manifestement ce verre de lunette ne convient pas, n’écrivent-ils pas eux-mêmes une critique alternative qui deviendrait pour le coup un nouveau verre auquel des lecteurs compatibles pourraient se référer ? Car je le martèle, c’est d’éventail critique dont nous avons besoin sur Babelio, du maximum de représentativité à propos du maximum de diversité d’opinion. De la sorte, tout lecteur pourra y trouver la paire de lunettes critique qui conviendra à sa vue.

Une anecdote particulière en rapport avec Babelio ?

Il y a un lecteur, Andman que je salue très chaleureusement, qui, une fois m’a proposé de m’envoyer un livre qui faisait écho à l’un des avis que je venais de poster. J’avais déjà trouvé ce geste plein de gentillesse. Mais ceci n’était rien encore. Plusieurs mois plus tard, au moment de Noël, il m’a envoyé un livre et une carte postale vraiment sympa. Il a recommencé au Noël suivant. J’ai été touchée au plus haut point par cette attention.

Il y a aussi des lectrices et lecteurs qui m’ont fait des retours critiques ultra précieux à propos de quelques embryons de texte que je leur avais soumis. Je voudrais les en remercier tous et toutes. (Je pense notamment à une lectrice qui porte le même prénom que moi et qui se reconnaîtra, j’espère.)

Vous nous avez confié avoir récemment débuté un travail d’écriture. Pourriez-vous nous en dire plus ?

J’envisage l’écriture comme un artisanat d’art, un peu comme devenir luthier, maître verrier ou des métiers de ce genre. On commence un compagnonnage auprès de maîtres et l’on essaie d’assimiler leur technique (ça, en soit, c’est déjà difficile) mais ce n’est malheureusement qu’une étape du parcours. Encore faut-il être capable, après avoir côtoyé de nombreux maîtres, de réaliser une synthèse de tout leur art et de trouver son identité propre. C’est long, très long, ça peut courir sur des années…

En ce qui me concerne, j’ai deux projets sur le feu. L’un a pour héroïne une jeune femme un peu paumée dans l’existence. Il abordera, entre autres, la notion de fétichisme. L’autre projet met en scène des chiens et possède un rapport étroit avec la Russie. Je ne pense pas qu’il faille que j’en dise beaucoup plus. C’est captivant à faire mais véritablement épuisant, sachant que les contraintes de la vie active et de la vie familiale me laissent finalement peu de temps pour m’y consacrer pleinement. Voilà pourquoi j’avance lentement, lentement, à tout petits pas (ça c’est une formule de Maupassant). Voilà aussi pourquoi je déserte régulièrement Babelio depuis un an car si je m’y remets, l’écriture ne progresse plus du tout.

Merci à Nastasia-B pour ses réponses !

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