Quatrième de couverture :
Cloué dans son lit d’hôpital, l’inspecteur Grant n’a rien trouvé de mieux à faire que de passer au crible les portraits de personnages historiques. Parmi eux, l’épouvantable Richard III, accusé des pires atrocités pour s’emparer du trône d’Angleterre. Pourtant Grant est formel : ce visage lui inspire sympathie et déférence. Sûr de son flair, ce fin limier de Scotland Yard entreprend alors de rouvrir l’un des dossiers les plus célèbres de l’Histoire. Et si Shakespeare avait tout faux ?
C’est sur Tête de lecture (qui en parle bien mieux que ce petit billet) que j’ai découvert ce roman de Josephine Tey, auteure anglaise (1896-1952) qui avait plus d’une corde à son arc. Elle a d’abord publié sous pseudonyme masculin de la poésie et du théâtre avant d’écrire six romans, dont le deuxième voit apparaître le personnage de l’inspecteur Grant. Cet opus n’est pas le premier de la série mais cela importe peu.
Le théâtre est présent ici aussi puisque c’est une de ses amies, Marta Hallard, actrice élégante, qui lui apporte une série de portraits alors qu’il est cloué sur son lit d’hôpital. Leur point commun ? Tous les personnages portent une énigme à résoudre. Parmi eux, celui de Richard III, le roi le plus cruel de l’Angleterre, à la fin du 15è siècle, en pleine guerre des Deux Roses. C’est Shakespeare (et après lui de nombreux historiens et manuels scolaires) qui l’a dit : Richard a été jusqu’à assassiner ses neveux enfermés à la Tour de Londres (les fils d’Edouard IV) pôur accéder au trône avant de mourir trois ans plus tard à la bataille de Bosworth (non loin de Leicester) après un règne réputé épouvantable.
Avec l’aide d’un jeune Américain, l’inspecteur Grant va se lancer le défi de démonter cette réputation et même de rétablir la vérité historique. Grant pilote l’enquête depuis son lit d’hôpital tandis que Brent Carradine mène les recherches au British Museum. Ils n’examinent que les faits, les documents historiques, les témoins directs et se demandent sans cesse à qui a profité le crime (le meurtre des deux petits princes). Honnêtement, je suis parfaitement incapable de vous retracer le cours de cette enquête à travers les siècles (une chatte n’y retrouverait pas ses jeunes dans ce fouillis de cousins, enfants légitimes ou bâtards, descendants de Tudor, York ou Lancastre) mais je vous assure que c’était assez passionnant à suivre (en seulement 218 pages).
Josephine Tey a été saluée mais aussi très fortement critiquée pour ce roman assez audacieux. Difficile de déboulonner des convictions si profondément ancrées dans « l’imaginaire » national anglais ! Elle le fait avec le flegme et l’humour typiquement britanniques. Après cette lecture, vous ne lirez plus vos livres d’histoire avec autant de confiance !
« – A mon avis, dit le chirurgien (…) Cromwell a inauguré cette espèce de snobisme à l’envers dont nous souffrons aujourd’hui. « Je suis laid, et je m’en fais gloire. » Maintenant on va plus loin. C’est un genre d’être mal élevé, égoïste, brutal. Un véritable fléau social. Il paraît qu’aux Etats-Unis, dans certaines régions, si un homme politique fait sa campagne avec vston et cravate, il est fichu : c’est considéré comme vieux jeu. Pour être dans le vent, il faut être débraillé, grossier. » (p. 36) (Un peu visionnaire, madame Tey, non ? en 1951
)Josephine TEY, La fille du temps, traduit de l’anglais par Michel Duchein, 10/18, 2003 (nouveau tirage en 2017)