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Cantique des plaines, de Nancy Huston

Publié le 13 mars 2018 par Onarretetout

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C’est un cantique, si l’on en croit le titre. Et, en effet, le texte est ponctué de refrains religieux ou patriotiques, mais de quelle patrie s’agit-il ? Quelle identité est mise en jeu dans ce livre ? Celle des plaines de l’Alberta, au Canada, où des hommes et des femmes sont venus s’installer au XIXe siècle, croyant trouver de l’or et découvrant une vie difficile, dans la misère et le froid. L’alcool, la violence, le sentiment du temps perdu. Le temps, à propos duquel le grand-père de la narratrice aurait voulu écrire et dont il fait l’héritière sous la forme de feuilles raturées où elle pioche les souvenirs de quatre générations. Paddon, c’est le nom qui est donné au grand-père, à qui Paula s’adresse régulièrement dans ces pages, « n’est-ce pas, Paddon ? ». Un livre qui commence par « Et voici » et finit par « l’éternité ». Un livre qui se lit comme un récit traversant le siècle mais qui bouscule la chronologie. On saura très vite que ce Paddon vivra un amour comme une révélation avec Miranda, une métisse héritière, elle, de l’histoire des Indiens. Car le temps n’est pas linéaire : les évènements sont réinventés par la mémoire qui les lie entre eux à sa façon, changeante. Et ce n’est pas le texte de Paddon qui nous est donné à lire mais bien celui de Paula, disant écrire à Montreal une histoire qui s’est passée près de Calgary (où est née Nancy Huston, vivant, au moment où elle écrit ce texte, en France). La mémoire de Paddon est trouée : ses mots sont raturés, ses feuilles ne sont pas ordonnées, et il les a confiées à sa petite-fille quand elle avait 9 ans. Comment voulez-vous que le temps aille droit ? « Nous savons être présents dans le passé et passés dans le présent. Et même, vertigineusement, nous projeter dans l'avenir ». Comment voulez-vous que ça commence quelque part ? Ça ne commence pas, en réalité ; ça finit : « Et voici comment je m’imagine ton agonie ». Donc il y a tout ce qui a précédé, et qui, ici, vient après l’agonie. Peu à peu, nous avançons dans la connaissance de ce grand-père et, si on y fait attention, c’est l’écriture même de Paula que nous suivons. Paula qui voudrait coudre un linceul et ne peut que constater que « le monde se met à tomber lentement », qu’il s’agira pas de chanter une berceuse mais de comprendre que « le flocon de neige tout comme la fleur de chair sous mes doigts n’est beau que parce que je suis là pour le percevoir ».


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