Pour Journal du Japon je suis allée voir le avant que nous disparaissions de Kurosawa, ça faisait quelques années que je n’étais pas allée voir un de ces films. J’aime ce qu’il fait comme je suis passée à côté de certains de ses films. Alors bonne ou mauvaise surprise ?
Avant que nous disparaissions de Kiyoshi KUROSAWA
Synopsis : Alors que Narumi et son mari Shinji traversent une mauvaise passe, Shinji disparaît soudainement et revient quelques jours plus tard, complètement transformé. Il semble être devenu un homme différent, tendre et attentionné. Au même moment, une famille est brutalement assassinée et de curieux phénomènes se produisent en ville. Le journaliste Sakurai va mener l’enquête sur cette mystérieuse affaire.
Avis : Avant que nous disparaissions est tiré d’une pièce de théâtre : sanpo suru shinryakusah de Tomohiro MAEKAWA. Elle a été jouée pour la première fois en 2005, puis à nouveau en 2007 et 2011. Kiyoshi KUROSAWA s’est intéressé au projet d’adaptation car la pièce est une parodie des films de science-fiction des années 50 avec une invasion d’extraterrestre. Il a même ajouté des scènes qui n’existent pas dans la pièce comme, par exemple, l’attaque aérienne. KUROSAWA n’a certes pas le budget d’un film Hollywoodien, mais il avait très envie de réaliser ce genre de scènes qui, pour lui, est une sorte d’hommage à La Guerre des Mondes de H.G Wells.
Trois extraterrestres débarquent sur terre pour voler des concepts aux humains et ainsi mieux les éradiquer. Cependant rien ne se passe comme prévu. Si une mélancolie poisseuse vous enveloppait l’esprit en ressortant de Kaïro, c’est totalement différent pour Avant que nous disparaissions. Même si nous assistons inexorablement à la fin du monde c’est raconté sur un ton assez léger, il y a même des moments drôle mais sans jamais être lourd.
Si l’idée de voler des concepts aux humains existaient dans la pièce Kurosawa l’a transposé à l’image avec ce geste un geste très enfantin celui de toucher le front d’une autre personne. Un contrast saisissant quant à la violence de perdre un concept très important pour chaque humain.
Lorsque les humains perdent un de leur concept les réactions sont différentes selon ce qui leur a été volé, la seule chose qui est immuable c’est qu’ils versent une larme. C’est assez symbolique, mais aussi très fort visuellement. On ne peut pas visualiser un concept,mais une larme oui. Lorsque la sœur de l’héroïne perd le concept de la famille, elle décide de s’en aller. Ce concept permet au héros extra terrestre de rester de protéger sa femme. Lorsqu’on retire aux humains trop de leurs concepts ce ne sont plus que des légumes, le regard vide. Sans ses concepts universels l’être humain n’en serait plus un.
Les extra-terrestres de leur côté sont comme des enfants. La jeune fille va disséquer des humains pour comprendre leur fonctionnement, comme un enfant enlèverait les ails d’un insecte pour voir s’il peut encore voler. Ils semblent froid, sans sentiment. En absorbant des concepts ils ne font pas que les étudier ils les absorbent. Leur vision des humains et d’eux même changent.
Avec un ton aussi grave, on pourrait penser que le ton du film l’est aussi, mais pas du tout. Sans aller clairement vers la comédie, on peut dire qu’on s’amuse quand même avec les déboires des extra-terrestres face à l’armée par exemple ou face aux autres humains. Le ton est léger, sans se perdre dans le loufoque ou la vanne facile.
La musique est un élément important, non pas qu’elle soit invasive, car on ne l’a retient pas, mais elle apporte une réelle ambiance au film. C’est Yusuke Hayashi, avec qui il avait déjà travailler sur Shokuzai, qui l’a écrite. Kiyoshi Kurosawa lui a donné quelques pistes.
Le rôle principal est interprété par Masami Nagasawa plusieurs fois récompensée pour ses rôle, les plus acharnés auront reconnu la voix de Miki Okudera la collègue du héros de Your name.
Dans la peau de Shinji Kase alias Shin-chan l’acteur Ryuhei Matsuda qui a bien grandit depuis Tabou (1999).
Et après ?
Kiyoshi Kurosawa n’en est pas resté là. Il a réalisé en trois semaines Invasion (Yocho en VO), une variation sur le même thème. Autour d’elle, Etsuko ressent que les personnes n’ont pas un comportement normal. Quand elle accompagne son amie Miyuki à l’hôpital psychiatrique, elle réalise que cette dernière a perdu la conception de la « famille ». Elle comprend alors que des forces mystérieuses sont en train de prendre possession des êtres humains, de leurs corps mais aussi de leurs âmes. Bientôt ces forces s’empareront complètement de la société. Seule la lucidité de Etsuko pourrait sauver l’avenir de l’humanité. Il sortira en France le 20 juin prochain grâce au distributeur Art House. Art House Films est une société de distribution cinématographique créée en 2018 par Eric Le Bot.
Avant que nous disparaissions nous amène à nous interroger sans sentimentalisme, sans sensationnalisme, mélangeant humour léger et noirceur post apocalypse. C’est surprenant, car finement dosé.