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Réseau social implicite, réseau social explicite : le cas Cambridge Analytica

Publié le 19 mars 2018 par Lilzeon

L’affaire Cambridge Analytica a mis à nu la puissance des stratégies de propagande orchestrées technologiquement. Loin de moi la volonté de chroniquer sur le sujet, mais plutôt de rappeler la fusion entre deux mondes qui étaient – à l’origine des médias sociaux – encore étanches.

Réseau social implicite vs réseau social explicite

Christian Fauré, dans un article de blog de 2007, résumait la différence entre un réseau social explicite et un réseau social implicite.

En très rapide :

  • un réseau social explicite “se constitue au service d’un projet personnel” : développer un réseau professionnel, faire du business, nourrir une passion
  • un réseau social implicite “se constitue sur la base de notre activité réelle“, à l’époque sur nos carnets d’adresse de service d’emails

Les grands réseaux ou plateformes ont eu rapidement recours au réseau social implicite des gens dans une logique d’acquisition d’utilisateurs (“vous êtes invité par votre ami”).

Quand l’utilisateur perd le contrôle de son projet personnel

On pourra critiquer l’inconscience des citoyens d’accepter sciemment de donner accès aux données qui les concernent à une myriade de services. Il n’empêche que la dimension volontaire est en train de progressivement disparaitre des grands médias sociaux en ajoutant à la dimensions implicite de notre carnet d’adresse…le tracking implicite des réseaux sur nos aspirations les plus secrètes.

A grande échelle – et c’est là le coup de génie pervers de Cambridge Analytica – il est beaucoup plus pertinent de croiser un profil psychologique et des interactions entre utilisateurs que de se baser uniquement sur du déclaratif ou des actions explicites (“j’aime une page”, “je dis que je vote à gauche”) afin de recouper des bases de données qui n’avaient a priori aucun rapport les unes avec les autres (cas d’école : le type d’animal domestique et l’orientation politique…), et ce grâce aux ordinateurs. En d’autres termes, de profiler non plus seulement des gens mais des intentions. Une tendance qui suit la nouvelle définition des influenceurs digitaux.

Les enseignements :

  • Ce qui semble futile peut en fait révéler non seulement des données mais surtout notre capacité à préserver notre libre-arbitre; dans une ère de post-vérité où aux Etats-Unis, religion et science ne sont plus des domaines séparés, il va falloir du courage et du travail pour remettre les justes places
  • Les marques ont tout intérêt à prendre position afin de devenir elles-mêmes des mouvements politiques…le public et le privé n’ayant plus guère de frontière dans ces réseaux sociaux, il importe de ne pas être des marques “réactives” mais bien porteuses de projet. L’exemple récent d’H&M vs REVOK prouvant son cynisme vis-à-vis des communautés de street artistes
  • Les “swing voters” ou “swing consumers” sont au coeur des stratégies de propagande : au lieu de se concentrer uniquement sur les fans les plus hardcore ou d’essayer de convertir des gens radicalement opposés à une marque ou à une idée, mieux vaut investir la publicité dans les indécis qui ont quand même manifesté l’envie d’acheter…ou de voter, comme évoqué en 2016 lors de Marketing X
  • Il va forcément y avoir un effet d’hystérèse non pas seulement contre Facebook mais contre les logiques transactionnelles autour de nos données, et donc de nos vies. Le sujet RGPD, d’une complexité déroutante, offre au moins une des premières occasions de se poser la question du consentement du citoyen; consentement qui peut trouver des lettres de noblesse non plus en tentant de forcer la main pour un premier achat mais plutôt en valorisant le post-purchase

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