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(Anthologie permanente) Béatrice Bonhomme "Dialogue avec l'anonyme"

Par Florence Trocmé

Béatrice Bonhomme  Dialogue avec l'anonymeBéatrice Bonhomme publie Dialogue avec l'anonyme aux éditions Collodion.
5.
Un kaki sur la neige

Je suis descendue dans le jardin.
La neige avait recouvert les mimosas et pesait sa fleur de coton sur les branches.
La poussière odorante des mimosas se mêlait aux cristaux des flocons.
J'avais si rarement vu la neige et respiré sa fraîcheur.
Elle s'était déposée sur les branches des oliviers et sur la fleur de l'agave.
J'ai voulu la saisir dans ma main.
La neige avait lavé le matin
6.
Le temps arrêté

Le paysage est arrêté dans le temps, resté intemporel.
Comme si nous passions sur ce paysage à la fois sensible et impassible.
Il est demeuré un pays d'enfance et de passé. C'est ce temps arrêté sur le paysage qui lui confère cette profondeur, ce feuilletage et nous amène à l'idée de la mort.
C'est comme si le temps refusait de passer ici. Les gens passent et meurent sur les saisons, épinglés sur le paysage, mais le paysage demeure.
Il est là, tel une chape sur le lieu, un sentiment de silence et d'éternité, comme si tout s'était bloqué et avait désormais refusé d'avancer.
La rose est toujours rouge, mais les gens sont passés sur les saisons, papillons qui grésillaient autrefois sur notre lampe,
Et plus personne n'allumera la lampe du soir pour la promenade du champ de foire sous les étoiles de l'été.
Le temps est resté le même, impassible et bleu foncé, sur notre être qui s'en est allé, un peu de poussière à la main, sans une trace, sans une empreinte.
8.
Stèle

Elle est un autre ou l'autre ou tous les autres. Quand s'ouvre le matin, elle part s'exprimer dans un jasmin de fleurs où la nuit n'a plus cours.
Elle dévale le long des espaliers, les yeux écarquillés sur l'aube qui se lève.
Elle est poreuse à l'autre, au monde et devient l'arbre qui explose au soleil des blessures.
Elle est un tout petit être avec quelques cils d'une délicatesse extrême posés sur un visage de pêche.
Elle est une fillette qui court comme une folle cachée dans ses cheveux de gitane.
Elle est cette énigme que tous les hommes interrogent, posée, par la grâce de sa beauté, comme une idole dans un carrefour de mythes.
Elle est cette femme vieillie dans les sarments de vigne, aussi foncée que la terre.
Elle est cette terre où s'éparpille un peu de sa poussière.
Elle n'est qu'un passage, la réunion de quelques cellules devenue splendeur au printemps, cette question devant l'univers, cette interrogation au monde dans l’émouvance parfaite d’un arc de paupière.
Et puis posée au détour d’un chemin, elle est une stèle oubliée sur un corps
nu.
Béatrice Bonhomme, Dialogue avec l’anonyme, éditions Collodion, 2018, sans pagination.
Béatrice Bonhomme dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, article MC Bancquart, "une écriture du « presque »" (à propos d’antoine Émaz), Pierre Jean Jouve, la quête intérieure, biographie (T. Hordé), En mémoire d'Henri Bauchau, deux articles de Béatrice Bonhomme, [reportages et rencontres] « Le partage des voix », Annecy, 15 et 16 mars 2013 /II, autour de Béatrice Bonhomme, [reportages et rencontres] « Le partage des voix », Annecy, 15 et 16 mars 2013 /I, autour de Béatrice Bonhomme, [Entretien] Béatrice Bonhomme avec Claude Ber, Sous la direction de Peter Collier & Ilda Tomas, "Béatrice Bonhomme, le mot, la mort, l’amour", "Variations du visage & de la rose", par Jean-Paul Louis-Lambert, (Carte blanche) à Arnaud Beaujeu : "Béatrice Bonhomme-Villani, une voix en clair-obscur"


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